Textes pontificaux

Textes pontificaux

 Textes pontificaux  FRA-007
03 juin 2025

Discours aux professionnels
de la communication

Salle Paul VI, lundi 12 mai 2025

Désarmons les mots et nous contribuerons à désarmer la Terre

Bonjour, et merci pour cet accueil formidable! On dit que les applaudissements au début n’ont pas beaucoup d’importance... Si vous êtes encore réveillés à la fin et que vous avez encore envie d’applaudir... Merci beaucoup!

Frères et sœurs!

Je vous souhaite la bienvenue, représentants des médias du monde entier. Je vous remercie pour le travail que vous avez accompli et que vous accomplissez en ce moment, qui est essentiellement un temps de grâce pour l’Eglise.

Dans le «Discours sur la montagne», Jésus a proclamé: «Heureux les artisans de paix» (Mt 5, 9). Il s’agit d’une béatitude qui nous interpelle tous et qui vous concerne particulièrement, appelant chacun à s’engager à promouvoir une communication différente, qui ne recherche pas le con-sensus à tout prix, qui ne se revêt pas de mots agressifs, qui n’épouse pas le modèle de la compétition, qui ne sépare jamais la recherche de la vérité de l’amour avec lequel nous devons humblement la rechercher. La paix commence par chacun de nous: par la manière dont nous regardons les autres, dont nous les écoutons, dont nous parlons d’eux; et, en ce sens, la manière dont nous communiquons est d’une importance fondamentale: nous devons dire «non» à la guerre des mots et des images, nous devons rejeter le paradigme de la guerre.

Permettez-moi donc de réaffirmer aujourd’hui la solidarité de l’Eglise avec les journalistes emprisonnés pour avoir recherché à rapporter la vérité, et par ces paroles, de demander la libération de ces journalistes emprisonnés. L’Eglise reconnaît dans ces témoins — je pense à ceux qui racontent la guerre au prix de leur vie — le courage de ceux qui défendent la dignité, la justice et le droit des peuples à être informés, car seuls des peuples informés peuvent faire des choix libres. La souffrance de ces journalistes emprisonnés interpelle la conscience des nations et de la communauté internationale, nous appelant tous à préserver le bien précieux que sont la liberté d’expression et la liberté de la presse.

Merci, chers amis, pour votre service à la vérité. Vous avez été à Rome ces dernières semaines pour raconter l’Eglise, sa diversité et, en même temps, son unité. Vous avez accompagné les rites de la Semaine Sainte; vous avez ensuite raconté la douleur causée par la mort du Pape François, survenue cependant dans la lumière de Pâques. Cette même foi pascale nous a introduits dans l’esprit du Conclave, qui vous a vu particulièrement engagés pendant ces journées fatigantes; et, même en cette occasion, vous avez su raconter la beauté de l’amour du Christ qui nous unit tous et fait de nous un seul peuple, guidé par le Bon Pasteur.

Nous vivons des temps difficiles à traverser et à raconter, qui représentent un défi pour nous tous et que nous ne devons pas fuir. Au contraire, ils exigent de chacun, dans nos différents rôles et services, de ne jamais céder à la médiocrité. L’Eglise doit relever le défi de son temps et, de la même manière, il ne peut y avoir de communication et de journalisme hors du temps et de l’histoire. Comme nous le rappelle saint Augustin, qui disait: «Vivons bien, et les temps seront bons. Nous sommes les temps» (Discours 311).

Merci donc pour ce que vous avez fait pour sortir des stéréotypes et des lieux communs à travers lesquels nous lisons souvent la vie chrétienne et la vie même de l’Eglise. Merci d’avoir su saisir l’essentiel de ce que nous sommes et de l’avoir transmis par tous les moyens au monde entier.

Aujourd’hui, l’un des défis les plus importants est de promouvoir une communication capable de nous faire sortir de la «tour de Babel» dans laquelle nous nous trouvons parfois, de la confusion des langages sans amour, souvent idéologiques ou partisans. C’est pourquoi votre service, avec les mots que vous utilisez et le style que vous adoptez, est important. En effet, la communication n’est pas seulement la transmission d’informations, mais aussi la création d’une culture, d’environnements humains et numériques qui deviennent des espaces de dialogue et de confrontation. Et si l’on con-sidère l’évolution technologique, cette mission devient encore plus nécessaire. Je pense en particulier à l’intelligence artificielle, avec son immense potentiel, qui exige toutefois responsabilité et discernement pour orienter les outils vers le bien de tous, afin qu’ils puissent produire des bénéfices pour l’humanité. Et cette responsabilité concerne tout le monde, proportionnellement à l’âge et aux rôles sociaux.

Chers amis, nous apprendrons avec le temps à mieux nous connaître. Nous avons vécu — nous pouvons le dire ensemble — des jours vraiment particuliers. Nous les avons partagés avec tous les moyens de communication: la télévision, la radio, le web, les réseaux sociaux. Je souhaite vivement que chacun de nous puisse dire qu’ils nous ont révélé un peu du mystère de notre humanité et qu’ils nous ont laissé un désir d’amour et de paix. C’est pourquoi je vous répète aujourd’hui l’invitation lancée par le Pape François dans son dernier message pour la prochaine Journée mondiale des communications sociales: désarmons la communication de tout préjugé, rancœur, fanatisme et haine; purifions-la de toute agressivité. Nous n’avons pas besoin d’une communication bruyante, musclée, mais plutôt d’une communication capable d’écouter, de recueillir la voix des faibles qui n’ont pas de voix. Désarmons les mots et nous contribuerons à désarmer la Terre. Une communication désarmée et désarmante nous permet de partager un regard différent sur le monde et d’agir en cohérence avec notre dignité humaine.

Vous êtes en première ligne pour raconter les conflits et les espoirs de paix, les situations d’injustice et de pauvreté, ainsi que le travail silencieux de tant de personnes pour un monde meilleur. C’est pourquoi je vous demande de choisir avec conscience et courage la voie d’une communication de paix.

Merci. Que Dieu vous bénisse!

Au revoir.

Discours aux participants
au Jubilé des Eglises orientales

Salle Paul VI, 14 mai 2025

«Je dis aux puissants: rencontrons-nous, dialoguons, négocions!»

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que la paix soit avec vous!

Béatitudes, Eminence, Excellences,

chers prêtres, consacrés et consacrées,

frères et sœurs,

Le Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité! Je vous salue avec les paroles que, dans de nombreuses régions, l’Orient chrétien ne se lasse pas de répéter en ce temps pascal, professant ainsi le -noyau central de la foi et de l’espérance. Et il est beau de vous voir ici, précisément à l’occasion du Jubilé de l’espérance dont la résurrection de Jésus est le fondement indestructible. Bienvenue à Rome! Je suis heureux de vous rencontrer et de con-sacrer aux fidèles orientaux l’une des premières audiences de mon pontificat.

Vous êtes précieux. En vous regardant, je pen-se à la diversité de vos origines, à l’histoire glorieuse et aux dures souffrances que beaucoup de vos communautés ont endurées ou endurent encore. Et je voudrais répéter ce que le Pape François a dit à propos des Eglises orientales: «Ce sont des Eglises qu’il faut aimer: elles préservent des traditions spirituelles et sapientielles uniques, et ont beaucoup à nous dire sur la vie chrétienne, la synodalité, la liturgie; pensons aux Pères anciens, aux conciles, au monachisme: ce sont des trésors inestimables pour l’Eglise» (Discours aux participants à l’Assemblée de la ROACO, 27 juin 2024).

Je voudrais également citer le Pape Léon XIII qui fut le premier à consacrer un document spécifique à la dignité de vos Eglises, en raison du fait que «l’œuvre de la rédemption humaine a commencé en Orient» (cf. Lett. ap. Orientalium dignitas, 30 novembre 1894). Oui, vous avez «un rôle unique et privilégié, dans la mesure où il constitue le cadre originel de l’Eglise naissante» (Saint Jean-Paul II, Lett. ap. Orientale lumen, n. 5). Il est significatif que certaines de vos liturgies — que vous célébrez solennellement ces jours-ci à Rome selon les différentes traditions — utilisent encore la langue du Seigneur Jésus. Mais le Pape Léon XIII lança un appel émouvant afin que «la légitime diversité de la liturgie et de la discipline orientales [...] redonne [...] une grande dignité et une grande valeur à l’Eglise» (Lett. ap. Orientalium dignitas). Sa préoccupation d’alors est très actuelle, car aujourd’hui, beaucoup de nos frères et sœurs orientaux, dont plusieurs d’entre vous, contraints de fuir leur terre d’origine à cause de la guerre et des persécutions, de l’instabilité et de la pauvreté, risquent, en arrivant en Occident, de perdre, outre leur patrie, leur identité religieuse. C’est ainsi qu’au fil des générations, le patrimoine inestimable des Eglises orientales se perd.

Il y a plus d’un siècle, Léon XIII remarquait que «la conservation des rites orientaux est plus importante qu’on ne le croit» et, à cette fin, il prescrivait même que «tout missionnaire latin, du clergé séculier ou régulier, qui, par ses conseils ou son aide, attirait un Oriental vers le rite latin» serait «destitué et exclu de sa charge» (ibid.). Nous accueillons l’appel à préserver et à promouvoir l’Orient chrétien, en particulier dans la diaspora, où il y est nécessaire de sensibiliser les Latins; en plus de la création, lorsque cela est possible et opportun, de circonscriptions orientales. En ce sens, je demande au Dicastère pour les Eglises orientales, que je remercie pour son travail, de m’aider à définir des principes, des normes, des lignes directrices grâce auxquels les Pasteurs latins pourront concrètement soutenir les catholiques orientaux de la diaspora afin de préserver leurs traditions vivantes et d’enrichir par leur spécificité le contexte dans lequel ils vivent.

L’Eglise a besoin de vous. Quelle contribution importante peut nous apporter aujourd’hui l’Orient chrétien! Combien nous avons besoin de retrouver le sens du mystère, si vivant dans vos liturgies qui impliquent la personne humaine dans sa totalité, chantent la beauté du salut et suscitent l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine! Et combien il est important de redécouvrir, même dans l’Occident chrétien, le sens de la primauté de Dieu, la valeur de la mystagogie, de l’intercession incessante, de la pénitence, du jeûne, des larmes pour ses propres péchés et pour ceux de toute l’humanité (penthos), si typiques des spiritualités orientales! Il est donc fondamental de préserver vos traditions sans les édulcorer ne serait-ce que par commodité, afin qu’elles ne soient pas corrompues par un esprit con-sumériste et utilitariste.

Vos spiritualités, anciennes et toujours nouvelles, sont un remède. Le sens dramatique de la misère humaine s’y confond avec l’émerveillement devant la miséricorde divine, de sorte que nos bassesses ne provoquent pas le désespoir mais invitent à accueillir la grâce d’être des créatures guéries, divinisées et élevées aux hauteurs célestes. Nous devons louer et remercier sans cesse le Seigneur pour cela. Avec vous, nous pouvons prier avec les paroles de saint Ephrem le Syrien et dire à Jésus: «Gloire à toi qui as fait de ta croix un pont sur la mort. […] Gloire à toi qui t’es revêtu du corps de l’homme mortel et l’as transformé en source de vie pour tous les mortels» (Discours sur le Seigneur, 9). C’est un don à demander que de voir la certitude de Pâques dans chaque épreuve de la vie et de ne pas perdre courage en se rappelant, comme l’écrivait un autre Père oriental, que «le plus grand péché est de ne pas croire aux énergies de la Résurrection» (Saint Isaac de Ninive, Sermons ascétiques, I, 5).

Qui donc, plus que vous, pourrait chanter des paroles d’espérance dans l’abîme de la violence? Qui plus que vous, qui connaissez de près les horreurs de la guerre, au point que le Pape François a qualifié vos Eglises de «martyres» (Discours à la ROACO, cit.)? C’est vrai: de la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré et au Caucase, quelle violence! Et sur toute cette horreur, sur les massacres de tant de jeunes vies qui devraient provoquer l’indignation car ce sont des personnes qui meurent au nom de la conquête militaire, se détache un appel: non pas tant celui du Pape, mais celui du Christ, qui répète: «La paix soit avec vous!» (Jn 20, 19.21.26). Et il précise: «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne» (Jn 14, 27). La paix du Christ n’est pas le silence de mort après le conflit, elle n’est pas le résultat de l’oppression, mais un don qui concerne les personnes et réactive leur vie. Prions pour cette paix qui est réconciliation, pardon, courage de tourner la page et de recommencer.

Je mettrai tout en œuvre pour que cette paix se répande. Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux, pour que les peuples retrouvent l’espérance et la dignité qui leur reviennent, la dignité de la paix. Les peuples veulent la paix et, la main sur le cœur, je dis aux responsables des peuples: rencontrons-nous, dialoguons, négocions! La guerre n’est jamais inévitable, les armes peuvent et doivent se taire, car elles ne résolvent pas les problèmes, elles les aggravent; ce sont ceux qui sèment la paix qui passeront à la postérité, pas ceux qui font des victimes; les autres ne sont pas d’abord des ennemis, mais des êtres humains: pas des méchants à haïr, mais des personnes avec qui parler. Fuyons les visions manichéennes typiques des récits violents qui divisent le monde entre bons et méchants.

L’Eglise ne se lassera pas de répéter: que les armes se taisent. Et je voudrais remercier Dieu pour tous ceux qui, dans le silence, dans la prière, dans le don de soi, tissent des liens de paix, ainsi que les chrétiens — orientaux et latins — qui, surtout au Moyen-Orient, persévèrent et résistent sur leurs terres, plus forts que la tentation d’abandonner ces terres. Il faut donner aux chrétiens la possibilité, et pas seulement en paroles, de rester sur leurs terres avec tous les droits nécessaires à une existence sûre. Je vous en prie, engagez-vous pour cela!

Et merci, merci à vous, chers frères et sœurs d’Orient, où est né Jésus, Soleil de justice, d’être «lumières du monde» (cf. Mt 5, 14). Continuez à briller par la foi, l’espérance et la charité, et par rien d’autre. Que vos Eglises soient un exemple, et que les Pasteurs promeuvent avec droiture la communion, surtout dans les Synodes des Evêques, afin qu’ils soient des lieux de collégialité et d’authentique coresponsabilité. Veillez à la transparence dans la gestion des biens, témoignez d’un dévouement humble et total au saint peuple de Dieu, sans attachement aux honneurs, aux pouvoirs du monde et à votre propre image. Saint Siméon le Nouveau Théologien en donnait un bel exemple: «De même que quelqu’un qui jette de la poussière sur la flamme d’un fourneau allumé l’éteint, de même les soucis de cette vie et tout attachement à des choses mesquines et sans valeur détruisent la chaleur du cœur enflammé au commencement» (Chapitres pratiques et théologiques, 63). La splendeur de l’Orient chrétien demande aujourd’hui plus que jamais d’être libérée de toute dépendance mondaine et de toute tendance contraire à la communion, afin d’être fidèle à l’obéissance et au témoignage évangéliques.

Je vous en remercie et je vous bénis de tout cœur, en vous demandant de prier pour l’Eglise et d’élever vos puissantes prières d’intercession pour mon ministère. Merci!

Discours aux Frères
des écoles chrétiennes

Salle Clémentine, 15 mai 2015

L’enseignement est un ministère et une mission pour aider les jeunes à donner le meilleur
d’eux-mêmes

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, que la paix soit avec vous!

Eminence,

Chers frères et sœurs, soyez les bienvenus!

Je suis très heureux de vous recevoir à l’occasion du troisième centenaire de la promulgation de la Bulle In apostolicae dignitatis solio, par laquelle le Pape Benoît XIII approuva votre Institut et votre Règle (26 janvier 1725). Il coïncide également avec le 75e anniversaire de la proclamation par le Pape Pie XII de saint Jean-Baptiste de La Salle comme «Patron céleste de tous les éducateurs» (cf. Lett. ap. Quod ait, 15 mai 1950: AAS 12, 1950, 631-632).

Après trois siècles, il est beau de constater que votre présence continue à apporter la fraîcheur d’une réalité éducative riche et vaste, avec laquelle, dans diverses parties du monde, vous vous con-sacrez encore avec enthousiasme, fidélité et esprit de sacrifice, à la formation des jeunes.

C’est précisément à la lumière de ces anniversaires que je voudrais m’arrêter pour réfléchir avec vous sur deux aspects de votre histoire que je con-sidère importants pour nous tous: l’attention à l’actualité et la dimension ministérielle et missionnaire de votre enseignement dans la communauté.

Les débuts de votre œuvre parlent beaucoup d’«actualité». Saint Jean-Baptiste de La Salle a commencé en répondant à la demande d’aide d’un laïc, Adrien Nyel, qui avait des difficultés à maintenir ses «écoles des pauvres». Votre fondateur a reconnu dans cette demande d’aide un signe de Dieu, a accepté le défi et s’est mis au travail. Ainsi, au-delà de ses propres intentions et attentes, il a donné naissance à un nouveau système d’enseignement: celui des Ecoles chrétiennes, gratuites et ouvertes à tous. Parmi les éléments novateurs qu’il introduisit dans cette révolution pédagogique, rappelons l’enseignement organisé par classes et non plus par élèves; l’adoption du français, qui était accessible à tous, comme langue didactique au lieu du latin; les cours du dimanche, auxquels pouvaient participer même les jeunes contraints de travailler en semaine; la participation des familles dans le parcours scolaire, selon le principe du «triangle éducatif», encore valable aujourd’hui. Ainsi, les problèmes, au fur et à mesure qu’ils se présentaient, au lieu de le décourager, le stimulaient à chercher des réponses créatives et à s’aventurer sur des sentiers nouveaux et souvent inexplorés.

Tout cela ne peut que nous faire réfléchir en soulevant également en nous des questions utiles. Quels sont, dans le monde des jeunes d’aujourd’hui, les défis les plus urgents à relever? Quelles sont les valeurs à promouvoir? Sur quelles ressources compter?

Les jeunes de notre temps, comme ceux de toute époque, sont un volcan de vie, d’énergies, de sentiments, d’idées. Cela se voit dans les choses merveilleuses qu’ils peuvent faire, dans de nombreux domaines. Mais ils ont aussi besoin d’aide pour faire grandir dans l’harmonie autant de richesses et surmonter ce qui, même de manière différente par rapport au passé, peut encore empêcher leur sain développement.

Si, par exemple, au XVIIe siècle, l’utilisation de la langue latine constituait pour beaucoup une barrière de communication insurmontable, il existe aujourd’hui d’autres obstacles à affronter. Pen-sons à l’isolement provoqué par des modèles relationnels insidieux de plus en plus marqués par la superficialité, l’individualisme et l’instabilité affective; à la diffusion de modèles de pensée affaiblis par le relativisme; à la prévalence de - rythmes et de styles de vie qui ne laissent pas suffisamment de place à l’écoute, à la réflexion et au dialogue, à l’école, dans la famille, parfois aussi entre des personnes du même âge, avec la solitude qui en résulte.

Ce sont des défis exigeants, dont nous pouvons toutefois nous aussi, comme saint Jean-Baptiste de La Salle, faire des tremplins pour explorer des voies, concevoir des instruments et adopter de nouveaux langages, avec lesquels continuer à toucher le cœur des élèves, en les aidant et en les incitant à affronter chaque obstacle avec courage, afin de donner le meilleur d’eux-mêmes dans la vie, selon les desseins de Dieu.

Dans ce sens, l’attention que vous portez, dans vos écoles, à la formation des enseignants et à la création de communautés éducatives dans lesquelles l’effort pédagogique est enrichi par la contribution de tous, est louable. Je vous encourage à poursuivre dans cette voie.

Mais je voudrais mentionner un autre aspect de la réalité lasallienne que je considère comme important: l’enseignement vécu comme ministère et mission, comme consécration dans l’Eglise. Saint Jean-Baptiste de La Salle ne voulait pas qu’il y ait des prêtres parmi les maîtres des Ecoles chrétiennes, mais seulement des «frères», pour que chacun de vos efforts soit orienté, avec l’aide de Dieu, vers l’éducation des élèves. Il aimait dire: «Votre autel est la chaire», promouvant ainsi dans l’Eglise de son temps une réalité jusqu’alors inconnue: celle d’enseignants et de catéchistes laïcs investis, dans la communauté, d’un véritable «ministère», selon le principe d’évangéliser en éduquant et d’éduquer en évangélisant (cf. François, Discours aux participants au Chapitre général des Frères des Ecoles chrétiennes, 21 mai 2022).

Ainsi, le charisme de l’école, que vous embrassez avec le quatrième vœu d’enseignement, outre un service à la société et une précieuse œuvre de charité, apparaît aujourd’hui encore comme l’une des explications les plus belles et les plus éloquentes de ce munus sacerdotal, prophétique et -royal que nous avons tous reçu au Baptême, comme le soulignent les documents du Concile Vatican II. Dans vos réalités éducatives, les religieux rendent ainsi prophétiquement visible, par leur consécration, le ministère baptismal qui encourage tous (cf. Constitution dogmatique Lumen gentium, n. 44), chacun selon son statut et ses devoirs, sans différences, à «coopérer comme des membres vivants au progrès de l’Eglise et à sa sanctification permanente» (ibid., 33).

Pour cette raison, je souhaite que les vocations à la consécration religieuse lasallienne se développent, qu’elles soient encouragées et promues, dans vos écoles et en dehors, et que, en synergie avec toutes les autres composantes de la formation, elles contribuent à susciter parmi les jeunes qui les fréquentent des chemins de sainteté -joyeux et féconds.

Merci pour ce que vous faites! Je prie pour vous et je vous donne ma Bénédiction apostolique, que j’étends volontiers à toute la Famille lasallienne.

Discours au Corps diplomatique
accrédité près le Saint-Siège

Salle Clémentine, 16 mai 2025

Paix, justice, vérité

Eminence,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Que la paix soit avec vous!

Je remercie S.E. M. George Poulides, ambassadeur de la République de Chypre et doyen du Corps diplomatique, pour les paroles cordiales qu’il m’a adressées en votre nom à tous, et pour le travail inlassable qu’il poursuit avec la vigueur, la passion et l’amabilité qui le caractérisent. Ces qualités lui ont valu l’estime de tous mes prédécesseurs qu’il a rencontrés au cours de ces années de mission auprès du Saint-Siège, et en particulier du regretté Pape François.

Je voudrais également vous exprimer ma gratitude pour les nombreux messages de vœux qui ont suivi mon élection, ainsi que pour les messages de condoléances au décès du Pape François provenant aussi de pays avec lesquels le Saint-Siège n’entretient pas de relations diplomatiques. Il s’agit là d’une marque d’estime significative qui encourage à approfondir les relations mutuelles.

Dans notre dialogue, je voudrais que le sentiment d’appartenance à une famille prenne toujours le pas. En effet, la communauté diplomatique représente toute la famille des peuples, partageant les joies et les peines de la vie ainsi que les valeurs humaines et spirituelles qui l’animent. La diplomatie pontificale est, en effet, une expression de la catholicité même de l’Eglise et, dans son action diplomatique, le Saint-Siège est animé par une urgence pastorale qui le pousse non pas à rechercher des privilèges, mais à intensifier sa mission évangélique au service de l’humanité. Il combat toute indifférence et rappelle sans cesse les cons-ciences, comme l’a fait inlassablement mon vénérable prédécesseur, toujours attentif au cri des pauvres, des nécessiteux et des marginalisés, mais aussi aux défis qui marquent notre temps, depuis la sauvegarde de la création jusqu’à l’intelligence artificielle.

En plus d’être le signe concret de l’attention que vos pays accordent au Siège apostolique, votre présence aujourd’hui est pour moi un don qui permet de renouveler l’aspiration de l’Eglise — et la mienne personnelle — à rejoindre et à étreindre tous les peuples et toutes les personnes de cette terre, désireux et en quête de vérité, de justice et de paix! D’une certaine manière, mon expérience de vie, qui s’est déroulée entre l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe, est représentative de cette aspiration à dépasser les frontières pour rencontrer des personnes et des cultures différentes.

Grâce au travail constant et patient de la Secrétairerie d’Etat, j’entends consolider la connaissance et le dialogue avec vous et vos pays, dont j’ai déjà eu la grâce d’en visiter un bon nombre au cours de ma vie, en particulier lorsque j’étais prieur général des Augustins. Je suis convaincu que la Divine Providence m’accordera d’autres occasions de rencontres avec les réalités dont vous êtes issus, me permettant ainsi de saisir les opportunités qui se présenteront pour confirmer la foi de tant de frères et sœurs dispersés à travers le monde, et pour construire de nouveaux ponts avec toutes les personnes de bonne volonté.

Dans notre dialogue, je voudrais que nous gardions à l’esprit trois mots clés qui constituent les piliers de l’action missionnaire de l’Eglise et du travail diplomatique du Saint-Siège.

Le premier mot est paix. Trop souvent, nous con-sidérons ce mot comme «négatif», c’est-à-dire comme la simple absence de guerre et de conflit, car l’opposition fait partie de la nature humaine et nous accompagne toujours, nous poussant trop souvent à vivre dans un «état de conflit» permanent: à la maison, au travail, dans la société. La paix semble alors n’être qu’une simple trêve, une pause entre deux conflits, car, malgré tous nos efforts, les tensions sont toujours présentes, un peu comme des braises qui couvent sous la cendre, prêtes à se rallumer à tout moment.

Dans la perspective chrétienne — comme dans d’autres expériences religieuses — la paix est avant tout un don le premier don du Christ: «Je vous donne ma paix» (Jn 14, 27). Elle est cependant un don actif, engageant, qui concerne et implique chacun de nous, indépendamment de notre origine culturelle et de notre appartenance religieuse, et qui exige avant tout un travail sur soi-même. La paix se construit dans le cœur et à partir du cœur, en déracinant l’orgueil et les revendications, et en mesurant son langage, car on peut blesser et tuer aussi par des mots, pas seulement par des armes.

Dans cette optique, je considère que la contribution que les religions et le dialogue interreligieux peuvent apporter pour favoriser des contextes de paix est fondamentale. Cela exige naturellement le plein respect de la liberté religieuse dans chaque pays, car l’expérience religieuse est une dimension fondamentale de la personne humaine, sans laquelle il est difficile, voire impossible, d’accomplir cette purification du cœur nécessaire pour construire des relations de paix.

A partir de ce travail, auquel nous sommes tous appelés, il est possible d’éradiquer les prémices de tout conflit et de toute volonté destructrice de conquête. Cela exige également une sincère volonté de dialogue, animée par le désir de se rencontrer plutôt que de s’affronter. Dans cette perspective, il est nécessaire de redonner un souffle à la diplomatie multilatérale et aux institutions internationales qui ont été voulues et conçues avant tout pour remédier aux conflits pouvant surgir au sein de la Communauté internationale. Bien sûr, il faut encore la volonté de cesser de produire des instruments de destruction et de mort, car, comme le rappelait le pape François dans son dernier Message Urbi et Orbi, «aucune paix n’est possible sans véritable désarmement [et] le besoin de chaque peuple de pourvoir à sa propre défense ne peut se transformer en une course générale au réarmement»1.

Le deuxième mot est justice. Poursuivre la paix exige de pratiquer la justice. Comme je l’ai déjà évoqué, j’ai choisi mon nom en pensant avant tout à Léon XIII, le Pape de la première grande encyclique sociale, Rerum novarum. Dans le changement d’époque que nous vivons, le Saint-Siège ne peut s’empêcher de faire entendre sa voix face aux nombreux déséquilibres et injustices qui conduisent, entre autres, à des conditions de travail indignes et à des sociétés de plus en plus fragmentées et conflictuelles. Il faut également s’efforcer de remédier aux inégalités mondiales, qui voient l’opulence et la misère creuser des fossés profonds entre les continents, entre les pays et même au sein d’une même société.

Il incombe à ceux qui ont des responsabilités gouvernementales de s’efforcer à construire des sociétés civiles harmonieuses et pacifiées. Cela peut être accompli avant tout en misant sur la famille fondée sur l’union stable entre un homme et une femme, «une société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile»2. En outre, personne ne peut se dispenser de promouvoir des contextes où la dignité de chaque personne soit protégée, en particulier celle des plus fragiles et des plus vulnérables, du nouveau-né à la personne âgée, du malade au chômeur, que celui-ci soit citoyen ou immigrant.

Mon histoire est celle d’un citoyen, descendant d’immigrés, lui-même émigré. Au cours de la vie, chacun d’entre nous peut se retrouver en bonne santé ou malade, avec ou sans emploi, dans sa patrie ou en terre étrangère: cependant sa dignité reste toujours la même, celle d’une créature voulue et aimée de Dieu.

Le troisième mot est vérité. On ne peut construire des relations véritablement pacifiques, même au sein de la Communauté internationale, sans vérité. Là où les mots revêtent des connotations ambiguës et ambivalentes ou le monde virtuel, avec sa perception altérée de la réalité, prend le dessus sans contrôle, il est difficile de construire des rapports authentiques, puisque les prémisses objectives et réelles de la communication font défaut.

Pour sa part, l’Eglise ne peut jamais se soustraire à son devoir de dire la vérité sur l’homme et sur le monde, en recourant si nécessaire à un langage franc qui peut au début susciter une certaine incompréhension. Mais la vérité n’est jamais séparée de la charité qui, à la racine, a toujours le souci de la vie et du bien de tout homme et de toute femme. D’ailleurs, dans la perspective chrétienne, la vérité n’est pas l’affirmation de principes abstraits et désincarnés, mais la rencontre avec la personne même du Christ qui vit dans la communauté des -croyants. Ainsi, la vérité ne nous éloigne pas, mais au contraire elle nous permet d’affronter avec plus de vigueur les défis de notre temps comme les migrations, l’utilisation éthique de l’intelligence artificielle et la sauvegarde de notre Terre bien-aimée. Ce sont des défis qui exigent l’engagement et la collaboration de tous, car personne ne peut penser les relever seul.

Chers ambassadeurs,

mon ministère commence au cœur d’une année jubilaire, dédiée d’une façon particulière à l’espérance. C’est un temps de conversion et de renouveau, mais surtout l’occasion de laisser derrière nous les conflits et d’emprunter un nouveau chemin, animés par l’espérance de pouvoir construire, en travaillant ensemble, chacun selon ses sen-sibilités et ses responsabilités, un monde dans lequel chacun pourra réaliser son humanité dans la vérité, dans la justice et dans la paix. Je souhaite que cela puisse se réaliser dans tous les contextes, à commencer par les plus éprouvés, comme celui de l’Ukraine et de la Terre Sainte.

Je vous remercie pour tout le travail que vous accomplissez afin de construire des ponts entre vos pays et le Saint-Siège, et de tout cœur je vous bénis, ainsi que vos familles et vos peuples. Merci!

[Bénédiction]

Et merci pour tout le travail que vous accomplissez!

1Message Urbi et Orbi, 20 avril 2025.

2Léon XIII, Lett. enc. Rerum novarum, 15 mai 1891, n. 9.

Discours à la Fondation Centesimus Annus Pro Pontefice

Salle Clémentine, 17 mai 2025

Donner la parole aux pauvres, actualiseurs de la Doctrine sociale de l’Eglise

Good morning everyone! Bonjour! Chers frères et sœurs, bienvenue!

Je remercie le Président et les membres de la Fondation Centesimus Annus Pro Pontifice, et je salue chacun de vous qui participez à la Conférence internationale annuelle et à l’Assemblée générale.

Le thème de votre conférence cette année — «Surmonter les polarisations et reconstruire la gouvernance mondiale: les fondements éthiques» — touche au cœur le sens et le rôle de la Doctrine sociale de l’Eglise, instrument de paix et de dialogue pour construire des ponts de fraternité universelle. En particulier en ce temps pascal, nous reconnaissons que le Ressuscité nous précède, même là où il semble que l’injustice et la mort aient triomphé. Aidons-nous les uns les autres, comme je l’ai exhorté le soir de mon élection, «à construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant tous pour être un seul peuple toujours en paix». Cela ne s’improvise pas: c’est un entrelacement dynamique et constant de grâce et de liberté que nous renforçons aujourd’hui encore par notre rencontre.

Déjà le Pape Léon XIII — ayant vécu à une époque de transformations historiques majeures et bouleversantes — s’était donné pour objectif de contribuer à la paix en stimulant le dialogue social entre le capital et le travail, entre les technologies et l’intelligence humaine, entre les différentes cultures politiques, entre les nations. Le Pape François a utilisé le terme polycrise pour évoquer la gravité de la conjoncture historique que nous traversons, où convergent les guerres, les changements climatiques, les inégalités croissantes, les migrations forcées et contrastées, la pauvreté stigmatisée, les innovations technologiques de rupture, la précarité du travail et des droits1. Face à de tels enjeux, la Doctrine sociale de l’Eglise est appelée à fournir des clés de lecture permettant d’établir le dialogue entre la science et la conscience, apportant ainsi une contribution fondamentale à la connaissance, à l’espérance et à la paix.

La Doctrine sociale, en effet, nous enseigne à reconnaître que la manière dont nous abordons les problèmes est plus importante que les problèmes eux-mêmes ou que les solutions que nous leurs trouvons: avec des critères d’évaluation, des principes éthiques et l’ouverture à la grâce de Dieu.

Vous avez l’opportunité de montrer que la Doctrine sociale de l’Eglise, avec son regard anthropologique propre, vise à favoriser un véritable accès aux questions sociales: elle ne prétend pas détenir la vérité absolue, ni en matière d’analyse des problèmes, ni pour leur résolution. Concernant ces questions, il est plus important de savoir s’approcher humblement que de fournir une réponse rapide sur pourquoi une chose s’est produite ou sur la façon dont la dépasser. L’objectif est d’apprendre à affronter les problèmes, qui sont toujours différents, car chaque génération est nouvelle, avec de nouveaux défis, de nouveaux rêves, de nouvelles interrogations.

Nous avons ici un aspect fondamental pour cons-truire une «culture de la rencontre» à travers le dialogue et l’amitié sociale. Pour la sensibilité de nombre de nos contemporains, les mots dialogue et doctrine paraissent opposés, incompatibles. Peut-être qu’en entendant le mot doctrine, nous pen-sons immédiatement à la définition classique: un ensemble d’idées propres à une religion. Et cette définition nous donne le sentiment de manquer de liberté pour réfléchir, remettre en question, chercher des alternatives.

Il est donc urgent de montrer, à travers la Doctrine sociale de l’Eglise, qu’il existe un autre sens — prometteur — au mot doctrine, sans lequel même le dialogue devient vide. Ses synonymes peuvent être «science», «discipline» ou «savoir». Ainsi comprise, chaque doctrine est le fruit d’une recherche et donc d’hypothèses, de voix diverses, d’avancées et d’échecs, à travers lesquels elle tente de transmettre un savoir fiable, structuré et systématique sur un sujet donné. Ainsi, une doctrine n’équivaut pas à une opinion, mais devient un chemin commun, choral et même interdisciplinaire vers la vérité.

L’endoctrinement est immoral, il empêche le jugement critique, porter atteinte à la liberté sacrée du respect de la conscience — même erronée —, et se ferme à de nouvelles réflexions parce qu’il rejette le mouvement, le changement ou l’évolution des idées face à de nouveaux problèmes. A l’inverse, la doctrine, entendue comme une ré-flexion sérieuse, paisible et rigoureuse, veut d’abord nous enseigner à nous approcher des situations, et avant tout, des personnes. De plus, elle nous aide à formuler un jugement prudentiel. Ce sont la rigueur, le sérieux et la sérénité que nous devons tirer de toute doctrine, même de la Doctrine sociale.

Dans le contexte de la révolution numérique en cours, la mission d’éduquer au sens critique doit être redécouverte, expliquée et cultivée, en résistant aux tentations contraires qui peuvent même affecter le corps ecclésial. Il y a peu de dialogue autour de nous, et les paroles criées dominent, souvent accompagnées de fausses informations et de thèses irrationnelles proférées par quelques puissants. D’où l’importance primordiale de l’approfondissement, de l’étude, mais aussi de la rencontre et de l’écoute des pauvres, trésor de l’Eglise et de l’humanité, porteurs de points de vue marginalisés, mais indispensables pour voir le monde avec les yeux de Dieu. Ceux qui naissent et grandissent loin des centres de pouvoir ne doivent pas seulement être formés à la Doctrine sociale de l’Eglise, mais être reconnus comme ses continuateurs et ses actualisateurs: les témoins d’engagement social, les mouvements populaires et les différentes organisations catholiques de travailleurs sont l’expression des périphéries existentielles où l’espérance résiste et germe toujours. Je vous recommande de donner la parole aux pauvres.

Très chers amis, comme l’affirme le Concile Vatican II: «L’Eglise a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Evangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques» (Const. past. Gaudium et spes, n. 4).

Je vous invite donc à participer activement et de manière créative à cet exercice de discernement, en contribuant à développer la Doctrine sociale de l’Eglise avec le peuple de Dieu, en cette époque de profonds bouleversements sociaux, en écoutant et en dialoguant avec tous. Il existe aujourd’hui un besoin généralisé de justice, une demande de paternité et de maternité, un profond désir de spiritualité, surtout chez les jeunes et les marginalisés, qui ne trouvent pas toujours de -moyens efficaces pour s’exprimer. Il existe une attente croissante envers la Doctrine sociale de l’Eglise à laquelle nous devons répondre.

Je vous remercie pour votre engagement et vos prières pour mon ministère, et je bénis de tout cœur chacun de vous, vos familles et votre travail. Merci!

1 Message aux participants à l’Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie, 3 mars 2025.

Homélie lors de la messe d’inauguration du pontificat du Pape Léon XIV

Place Saint-Pierre, 18 mai 2025

Je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie

Chers frères cardinaux,

Frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

distinguées autorités et membres du Corps diplomatique,

Salutations aux pèlerins venus pour le Jubilé des Confréries!

Frères et sœurs, c’est avec un cœur plein de gratitude que je vous salue tous au début du ministère qui m’a été confié. Saint Augustin écrivait: «Tu nous as faits pour Toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Toi» (Les Confessions, 1.1.1).

Ces derniers jours, nous avons vécu un moment particulièrement intense. La mort du Pape François a rempli nos cœurs de tristesse et, dans ces heures difficiles, nous nous sommes sentis comme ces foules dont l’Evangile dit qu’elles étaient «comme des brebis sans berger» (cf. Mt 9, 36). Le jour de Pâques, cependant, nous avons reçu sa dernière bénédiction et, à la lumière de la résurrection, nous avons affronté ce moment dans la certitude que le Seigneur n’abandonne jamais son peuple, qu’il le rassemble lorsqu’il est dispersé et qu’il le «garde comme un berger son troupeau» (Jr 31, 10).

Dans cet esprit de foi, le Collège des cardinaux s’est réuni pour le Conclave; issus d’histoires et de parcours différents, nous avons remis entre les mains de Dieu le désir d’élire le nouveau successeur de Pierre, l’Evêque de Rome, un pasteur capable de garder le riche héritage de la foi chrétienne et, en même temps, de jeter son regard au loin pour répondre aux questions, aux inquiétudes et aux défis d’aujourd’hui. Accompagnés par votre prière, nous avons senti l’action de l’Esprit Saint qui a su accorder les différents instruments de musique en faisant vibrer les cordes de nos cœurs en une mélodie unique.

J’ai été choisi sans aucun mérite et, avec crainte et tremblements, je viens à vous comme un frère qui veut se faire le serviteur de votre foi et de votre joie, en marchant avec vous sur le chemin de l’amour de Dieu, qui veut que nous soyons tous unis en une seule famille.

Amour et Unité: ce sont les deux dimensions de la mission confiée à Pierre par Jésus.

C’est ce que nous raconte le passage de l’Evangile qui nous conduit au lac de Tibériade, là même où Jésus avait commencé la mission reçue du Père: «pêcher» l’humanité pour la sauver des eaux du mal et de la mort. En passant sur la rive de ce lac, il avait appelé Pierre et les autres premiers disciples à être comme Lui «pêcheurs d’hommes» et désormais, après la résurrection, c’est à eux de poursuivre cette mission, de jeter le filet encore et encore pour plonger dans les eaux du monde l’espérance de l’Evangile, de naviguer sur la mer de la vie pour que tous puissent se retrouver dans l’étreinte de Dieu.

Comment Pierre peut-il s’acquitter de cette tâche? L’Evangile nous dit que cela n’est possible que parce qu’il a expérimenté dans sa propre vie l’amour infini et inconditionnel de Dieu, y compris à l’heure de l’échec et du reniement. C’est pourquoi, lorsque Jésus s’adresse à Pierre, l’Evangile utilise le verbe grec agapao, qui se réfère à l’amour que Dieu a pour nous, à son offrande sans réserve et sans calcul, différent de celui utilisé pour la réponse de Pierre, qui décrit plutôt l’amour de l’amitié, que nous avons entre nous.

Lorsque Jésus demande à Pierre: «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu?» (Jn 21, 16), il fait donc référence à l’amour du Père. C’est comme si Jésus lui disait: ce n’est que si tu as connu et expérimenté cet amour de Dieu, qui ne manque jamais, que tu pourras paître mes agneaux; ce n’est que dans l’amour de Dieu le Père que tu pourras aimer tes frères un «encore plus», c’est-à-dire en offrant ta vie pour tes frères.

A Pierre est donc confiée la tâche «d’aimer davantage» et de donner sa vie pour le troupeau. Le ministère de Pierre est précisément marqué par cet amour oblatif, car l’Eglise de Rome préside à la charité et sa véritable autorité est la charité du Christ. Il ne s’agit jamais d’emprisonner les autres par la domination, la propagande religieuse ou les moyens du pouvoir, mais il s’agit toujours et uniquement l’aimer comme Jésus l’a fait.

Lui — affirme l’apôtre Pierre lui-même — «est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle» (Ac 4, 11). Et si la pierre est le Christ, Pierre doit paître le troupeau sans jamais céder à la tentation d’être un meneur solitaire ou un chef placé au-dessus des autres, se faisant maître des personnes qui lui sont confiées (cf. 1 P 5, 3). Au contraire, il lui est demandé de servir la foi de ses frères, en marchant avec eux: en effet, nous sommes tous constitués «pierres vivantes» (1 P 2, 5), appelés par notre baptême à construire l’édifice de Dieu dans la communion fraternelle, dans l’harmonie de l’Esprit, dans la coexistence des diversités. Comme l’affirme saint Augustin: «L’Eglise est constituée de tous ceux qui sont en accord avec leurs frères et qui aiment leur prochain» (Discours 359, 9).

Cela frères et sœurs, je voudrais que ce soit notre premier grand désir: une Eglise unie, signe d’unité et de communion, qui devienne ferment pour un monde réconcilié.

A notre époque, nous voyons encore trop de discorde, trop de blessures causées par la haine, la violence, les préjugés, la peur de l’autre, par un paradigme économique qui exploite les ressources de la Terre et marginalise les plus pauvres. Et nous voulons être, au cœur de cette pâte, un petit levain d’unité, de communion, de fraternité. Nous voulons dire au monde, avec humilité et joie: regardez le Christ! Approchez-vous de Lui! Accueillez sa Parole qui illumine et console! Ecoutez sa proposition d’amour pour devenir son unique famille: dans l’unique Christ, nous sommes un. Et c’est la route à parcourir ensemble, entre nous, mais aussi avec les Eglises chrétiennes sœurs, avec ceux qui suivent d’autres chemins religieux, avec ceux qui cultivent l’inquiétude de la recherche de Dieu, avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, pour construire un monde nouveau où règne la paix!

Tel est l’esprit missionnaire qui doit nous animer, sans nous enfermer dans notre petit groupe ni nous sentir supérieurs au monde; nous sommes appelés à offrir à tous l’amour de Dieu, afin que se réalise cette unité qui n’efface pas les différences, mais valorise l’histoire personnelle de chacun et la culture sociale et religieuse de chaque peuple.

Frères et sœurs, c’est l’heure de l’amour! La charité de Dieu qui fait de nous des frères est au cœur de l’Evangile et, avec mon prédécesseur Léon XIII, aujourd’hui, nous pouvons nous demander si on ne verrait pas «l’apaisement se faire à bref délai, si ces enseignements pouvaient prévaloir dans les sociétés?» (Lett enc. Rerum Novarum, n. 21)

Avec la lumière et la force du Saint Esprit, cons-truisons une Eglise fondée sur l’amour de Dieu et signe d’unité, une Eglise missionnaire, qui ouvre les bras au monde, annonce la Parole, se laisse interpeller par l’histoire et devient un levain d’unité pour l’humanité.

Ensemble, comme un seul peuple, comme des frères tous, marchons vers Dieu et aimons-nous les uns les autres.

Regina Cæli

Place Saint-Pierre, 18 mai 2025

N’oublions pas ceux qui souffrent à cause des guerres

Au terme de cette célébration, je vous salue et je vous remercie tous, Romains et fidèles venus de nombreuses parties du monde, qui avez souhaité y participer!

J’exprime en particulier ma gratitude aux délégations officielles de nombreux pays, ainsi qu’aux représentants des Eglises et des Communautés ecclésiales et des autres religions.

Je salue chaleureusement les milliers de pèlerins venus de tous les continents pour le Jubilé des confréries. Chers amis, je vous remercie de maintenir vivant le grand patrimoine de la piété populaire!

Au cours de la Messe, j’ai ressenti fortement la présence spirituelle du Pape François qui nous accompagne depuis le Ciel. Dans cette dimension de communion des saints, je rappelle qu’hier a été béatifié, à Chambéry, en France, le prêtre Camille Costa de Beauregard qui a vécu à la fin des années 1800 et au début des années 1900 et qui a témoigné d’une grande charité pastorale.

Dans la joie de la foi et de la communion, nous ne pouvons pas oublier nos frères et sœurs qui souffrent des guerres. A Gaza, des enfants, des familles et des personnes âgées survivantes sont réduits à la famine. En Birmanie, de nouvelles hostilités ont coûté la vie à de jeunes innocents. L’Ukraine martyrisée attend enfin des négociations pour une paix juste et durable.

C’est pourquoi, alors que nous confions à Marie le service de l’Evêque de Rome, pasteur de l’Eglise universelle, nous nous tournons, depuis la «barque de Pierre», vers l’Etoile de la mer, vers la Mère du Bon Conseil, comme vers un signe d’espérance. Nous implorons de son intercession le don de la paix, le soutien et le réconfort pour ceux qui souffrent, la grâce pour nous tous d’être des témoins du Seigneur ressuscité.

Discours aux représentants d’autres Eglises et Communautés ecclésiales
et d’autres religions

Salle Clémentine, 19 mai 2025

Témoigner de la fraternité pour édifier un monde plus pacifique

Chers frères et sœurs!

C’est avec une grande joie que je vous adresse mes salutations cordiales, à vous tous, représentants d’autres Eglises et Communautés ecclésiales, ainsi que d’autres religions, qui avez voulu prendre part à la célébration inaugurale de mon ministère d’Evêque de Rome et de Successeur de Pierre. Tout en exprimant mon affection fraternelle à Sa Sainteté Bartholomée, à Sa Béatitude Théophile III et à Sa Sainteté Mar Awa III, je suis sincèrement reconnaissant à chacun d’entre vous: votre présence et votre prière sont pour moi un grand réconfort et un encouragement.

L’un des points forts du Pontificat du Pape François a été celui de la fraternité universelle. Sur ce point, le Saint-Esprit l’a vraiment «poussé» à faire avancer à grands pas les ouvertures et les initiatives déjà entreprises par les Papes précédents, surtout à partir de Saint Jean XXIII. Le Pape de Fratelli tutti a promu tant le chemin œcuménique que le dialogue interreligieux, et il l’a fait surtout en cultivant les relations interpersonnelles, de manière à ce que, sans rien enlever aux liens ecclésiaux, l’aspect humain de la rencontre soit toujours valorisé. Que Dieu nous aide à tirer profit de son témoignage!

Mon élection a eu lieu en l’année du 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique de Nicée. Ce Concile représente une étape fondamentale dans l’élaboration du Credo commun à toutes les Eglises et Communautés ecclésiales. Alors que nous sommes en chemin vers le rétablissement de la pleine communion entre tous les chrétiens, nous reconnaissons que cette unité ne peut être qu’une unité dans la foi. En tant qu’Evêque de Rome, je considère comme l’un de mes devoirs prioritaires la recherche du rétablissement de la pleine et visible communion entre tous ceux qui professent la même foi en Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.

En réalité, l’unité a toujours été une préoccupation constante pour moi, comme en témoigne la devise que j’ai choisie pour mon ministère épiscopal: In Illo uno unum, une expression de saint Augustin d’Hippone qui rappelle que nous aussi, bien que nous soyons nombreux, «dans l’Unique — c’est-à-dire le Christ — nous sommes un» (Enarr. in Ps., 127, 3). Notre communion se réalise en effet dans la mesure où nous convergeons vers le Seigneur Jésus. Plus nous lui sommes fidèles et obéissants, plus nous sommes unis entre nous. C’est pourquoi, en tant que chrétiens, nous sommes tous appelés à prier et à travailler ensemble pour atteindre pas à pas ce but qui est et reste l’œuvre de l’Esprit Saint.

Conscient, en outre, que la synodalité et l’œcuménisme sont étroitement liés, je tiens à assurer mon intention de poursuivre l’engagement du Pape François à promouvoir le caractère synodal de l’Eglise catholique et à développer des formes nouvelles et concrètes pour une synodalité toujours plus intense dans le domaine œcuménique.

Notre cheminement commun peut et doit être compris également dans un sens large, qui implique tout le monde, dans l’esprit de fraternité humaine que j’évoquais plus haut. Aujourd’hui, le temps est venu de dialoguer et de construire des ponts. Je suis donc heureux et reconnaissant de la présence des représentants d’autres traditions religieuses, qui partagent la recherche de Dieu et de sa volonté, qui est toujours et uniquement une volonté d’amour et de vie pour les hommes et les femmes ainsi que pour toutes les créatures.

Vous avez été témoins des efforts considérables déployés par le Pape François en faveur du dialogue interreligieux. Par ses paroles et ses actions, il a ouvert de nouvelles perspectives de rencontre, afin de promouvoir «la culture du dialogue comme voie, la collaboration commune comme conduite, la connaissance réciproque comme méthode et critère» (Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abou Dabi, 4 février 2019). Et je remercie le Dicastère pour le dialogue interreligieux pour le rôle essentiel qu’il joue dans ce travail patient d’encouragement aux rencontres et aux échanges concrets, visant à cons-truire des relations fondées sur la fraternité humaine.

Je souhaite adresser un salut particulier aux frères et sœurs juifs et musulmans. En raison des racines juives du christianisme, tous les chrétiens ont une relation particulière avec le judaïsme. La déclaration conciliaire Nostra aetate (n. 4) souligne la grandeur du patrimoine spirituel commun aux chrétiens et aux juifs, encourageant la connaissance et l’estime mutuelles. Le dialogue théologique entre chrétiens et juifs reste toujours important et me tient très à cœur. Même en ces temps difficiles, marqués par des conflits et des malentendus, il est nécessaire de poursuivre avec élan ce dialogue si précieux.

Les relations entre l’Eglise catholique et les musulmans ont été marquées par un engagement croissant en faveur du dialogue et de la fraternité, favorisé par l’estime pour ces frères et sœurs «qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes» (ibid., n. 3). Cette approche, fondée sur le respect mutuel et la liberté de conscience, constitue une base solide pour cons-truire des ponts entre nos communautés.

A vous tous, représentants des autres traditions religieuses, j’exprime ma gratitude pour votre participation à cette rencontre et pour votre contribution à la paix. Dans un monde blessé par la violence et les conflits, chacune des communautés ici représentées apporte sa contribution de sagesse, de compassion, d’engagement pour le bien de l’humanité et la sauvegarde de la maison commune. Je suis convaincu que, si nous sommes en accord et libres de tout conditionnement idéologique et politique, nous pourrons dire efficacement «non» à la guerre et «oui» à la paix, «non» à la course aux armements et «oui» au désarmement, «non» à une économie qui appauvrit les peuples et la Terre et «oui» au développement intégral.

Le témoignage de notre fraternité, que j’espère nous pourrons manifester par des gestes efficaces, contribuera certainement à édifier un monde plus pacifique, comme le désirent dans leur cœur tous les hommes et toutes les femmes de bonne -volonté.

Très chers amis, merci encore de votre proximité. Invoquons dans nos cœurs la bénédiction de Dieu: que son infinie bonté et sa sagesse nous aident à vivre comme ses enfants et comme des frères et sœurs entre nous, afin que l’espérance grandisse dans le monde. Je vous remercie de tout cœur!

Homélie lors de la visite au sépulcre
de saint Paul

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, mardi 20 mai 2025

Témoins de la charité pour
se faire proches les uns des autres

Le passage biblique que nous avons entendu est le début d’une très belle lettre adressée par saint Paul aux chrétiens de Rome, dont le message s’articule autour de trois grands thèmes: la grâce, la foi et la justice. Alors que nous confions à l’intercession de l’Apôtre des nations le début de ce nouveau pontificat, réfléchissons ensemble à son message.

Saint Paul dit tout d’abord qu’il a reçu de Dieu la grâce de l’appel (cf. Rm 1, 5). Il reconnaît, en effet, que sa rencontre avec le Christ et son ministère sont liés à l’amour par lequel Dieu l’a précédé, l’appelant à une nouvelle existence alors qu’il était encore loin de l’Evangile et qu’il persécutait l’Eglise. Saint Augustin, lui aussi converti, parle de la même expérience en disant: «Que pouvons-nous choisir, si nous n’avons pas d’abord été choisis? En effet, si nous n’avons pas d’abord été aimés, nous ne pouvons même pas aimer» (Discours 34, 2). A la racine de toute vocation, il y a Dieu: sa miséricorde, sa bonté généreuse comme celle d’une mère (cf. Is 66, 12-14) qui, naturellement, nourrit son enfant à travers son propre corps lorsqu’il est encore incapable de se nourrir seul (cf. Saint Augustin, Commentaire du Ps 130, 9).

Paul, cependant, dans le même passage, parle aussi d’«obéissance de la foi» (Rm 1, 5), et là aussi, il partage ce qu’il a vécu. En effet, le Seigneur, en lui apparaissant sur le chemin de Damas (cf. Ac 9, 1-30), ne l’a pas privé de sa liberté, mais lui a laissé la possibilité d’un choix, d’une obéissance fruit d’efforts, de luttes intérieures et extérieures, qu’il a accepté d’affronter. Le salut ne vient pas par enchantement, mais par un mystère de grâce et de foi, d’amour prévenant de Dieu et d’adhésion confiante et libre de la part de l’homme (cf. 2 Tm 1, 12).

Alors que nous rendons grâce au Seigneur pour l’appel qui a transformé la vie de Saul, nous lui demandons de nous rendre capables de répondre de la même manière à ses invitations, en devenant témoins de l’amour «répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné» (Rm 5, 5). Nous lui demandons de savoir cultiver et diffuser sa charité, en nous rendant proches les uns des autres (cf. François, Homélie des secondes Vêpres de la solennité de la Conversion de saint Paul, 25 janvier 2024), dans la même course à l’amour qui, depuis sa rencontre avec le Christ, a poussé l’ancien persécuteur à se faire «tout à tous» (cf. 1 Co 9, 19-23) jusqu’au martyre. Ainsi, pour nous comme pour lui, dans la faiblesse de la chair se révélera la puissance de la foi en Dieu qui justifie (cf. Rm 5, 1-5).

Depuis des siècles, cette basilique est confiée aux soins d’une communauté bénédictine. Comment ne pas rappeler, alors, en parlant de l’amour comme source et moteur de l’annonce de l’Evangile, les appels insistants de saint Benoît, dans sa Règle, à la charité fraternelle dans le monastère et à l’hospitalité envers tous (Règle, chap. LIII; LXIII)?

Mais je voudrais conclure en rappelant les paroles que, plus de mille ans après, un autre Benoît, le pape Benoît XVI, adressait aux jeunes: «Chers amis, disait-il, Dieu nous aime. C’est la grande vérité de notre vie et celle qui donne tout son sens au reste […]. A l’origine de notre existence, il y a un projet d’amour de Dieu», et la foi nous conduit à «ouvrir notre cœur à ce mystère d’amour et à vivre comme des personnes qui se reconnaissent aimées de Dieu» (Homélie lors de la veillée de prière avec les jeunes, Madrid, 20 août 2011).

C’est là que réside la racine, simple et unique, de toute mission, y compris la mienne, en tant que successeur de Pierre et héritier du zèle apostolique de Paul. Que le Seigneur me donne la grâce de répondre fidèlement à son appel.

Audience générale

Place Saint-Pierre, 21 mai 2025

La parole de Dieu féconde
et provoque toutes les réalités

Chers frères et sœurs, bonjour!

Je suis heureux de vous accueillir pour ma première Audience générale. Je reprends aujourd’hui le cycle des catéchèses jubilaires, sur le thème «Jésus-Christ Notre Espérance», ouvert par le Pape François.

Aujourd’hui, nous continuons à méditer sur les paraboles de Jésus, qui nous aident à redécouvrir l’espérance, parce qu’elles nous montrent comment Dieu agit dans l’histoire. Aujourd’hui, je voudrais m’arrêter sur une parabole un peu particulière, parce qu’elle est une sorte d’introduction à toutes les paraboles. Je me réfère à celle du semeur (cf. Mt 13, 1-17). D’une certaine manière, nous pouvons reconnaître dans ce récit la manière de communiquer de Jésus, qui a tant à nous enseigner pour l’annonce de l’Evangile aujourd’hui.

Chaque parabole raconte une histoire tirée de la vie quotidienne, mais elle veut nous dire quelque chose de plus, nous renvoyer à un sens plus profond. La parabole nous interroge, nous invite à ne pas nous arrêter aux apparences. Devant l’histoire qui m’est racontée ou l’image qui m’est donnée, je peux me demander: où suis-je dans cette histoire? Que dit cette image à ma vie? Le terme parabole vient en effet du verbe grec paraballein, qui signifie jeter devant. La parabole jette devant moi une parole qui me provoque et me pousse à m’interroger.

La parabole du semeur parle précisément de la dynamique de la parole de Dieu et des effets qu’elle produit. En effet, chaque parole de l’Evangile est comme une graine qui est semée dans le sol de notre vie. Jésus utilise plusieurs fois l’image de la semence, avec des significations diverses. Au chapitre 13 de l’Evangile de Matthieu, la parabole du semeur introduit une série d’autres petites paraboles, dont certaines parlent précisément de ce qui se passe dans la terre: le blé et l’ivraie, la graine de moutarde, le trésor caché dans le champ. Quelle est donc cette terre? C’est notre cœur, mais c’est aussi le monde, la communauté, l’Eglise. La parole de Dieu, en effet, féconde et provoque toutes les réalités.

Au début, nous voyons Jésus sortir de la maison et une grande foule se rassembler autour de lui (cf. Mt 13, 1). Sa parole fascine et fait réfléchir. Parmi les gens, il y a évidemment beaucoup de situations différentes. La parole de Jésus s’adresse à tous, mais elle agit en chacun d’une manière diverse. Ce contexte nous permet de mieux comprendre le sens de la parabole.

Un semeur plutôt original sort pour semer, mais il ne se soucie pas de l’endroit où la graine tombe. Il sème les graines même là où elles ont peu de chances de porter du fruit: sur le chemin, parmi les pierres, parmi les ronces. Cette attitude étonne l’auditeur et l’amène à se demander: comment est-ce possible?

Nous avons l’habitude de calculer les choses — et c’est parfois nécessaire — mais cela ne s’applique pas à l’amour! La manière dont ce semeur «gaspilleur» sème la graine est une image de la manière dont Dieu nous aime. En effet, il est vrai que le destin de la semence dépend aussi de la manière dont le sol l’accueille et de la situation dans laquelle elle se trouve, mais cette parabole de Jésus nous dit avant tout que Dieu sème la semence de sa parole sur toutes sortes de sols, c’est-à-dire dans n’importe laquelle de nos situations: parfois nous sommes plus superficiels et distraits, parfois nous nous laissons emporter par l’enthousiasme, parfois nous sommes accablés par les soucis de la vie, mais il y a aussi des moments où nous nous montrons disponibles et accueillants. Dieu est confiant et espère que tôt ou tard la graine fleurira. Il nous aime ain-si: il n’attend pas que nous soyons la meilleure terre, il nous donne toujours généreusement sa parole. Peut-être qu’en voyant qu’il nous fait confiance, le désir d’être une meilleure terre naîtra en nous. C’est cela l’espérance, fondée sur le roc de la générosité et de la miséricorde de Dieu.

En racontant comment la graine porte du fruit, Jésus parle aussi de sa vie. Jésus est la Parole, il est la Semence. Et la semence, pour porter du fruit, doit mourir. Ainsi, cette parabole nous dit que Dieu est prêt à «gaspiller» pour nous et que Jésus est prêt à mourir pour transformer nos vies.

Je pense à ce magnifique tableau de Van -Gogh: Semeur au soleil couchant. Cette image du semeur sous un soleil de plomb me parle aussi du labeur du paysan. Et je suis frappé par le fait que, derrière le semeur, Van Gogh a représenté le grain déjà mûr. Il me semble que c’est une image d’espérance: d’une manière ou d’une autre, la semence a porté ses fruits. Nous ne savons pas exactement comment, mais c’est ainsi. Au centre de la scène, cependant, il n’y a pas le semeur, qui se tient sur le côté, mais tout le tableau est dominé par l’image du soleil, peut-être pour nous rappeler que c’est Dieu qui fait bouger l’histoire, même s’il semble parfois absent ou distant. C’est le soleil qui réchauffe les mottes de terre et qui fait mûrir la semence.

Chers frères et sœurs, dans quelle condition de la vie la parole de Dieu nous rejoint-elle aujourd’hui? Demandons au Seigneur la grâce d’accueillir toujours cette semence qu’est sa parole. Et si nous nous rendons compte que nous ne sommes pas une terre féconde, ne nous décourageons pas, mais demandons-lui de nous retravailler encore pour faire de nous une terre meilleure.

Au terme de l’Audience générale, le Saint-Père a lancé l’appel et les saluts suivants:

La situation dans la bande de Gaza est de plus en plus préoccupante et douloureuse. Je renouvelle mon appel du fond du cœur à permettre l’entrée d’une aide humanitaire décente et à mettre fin aux hostilités, dont le prix déchirant est payé par les enfants, les personnes âgées, les personnes malades.

J’adresse une cordiale bienvenue aux pèlerins. Je salue les sœurs de Saint-Joseph d’Annecy et les moniales de la Passion de Jésus-Christ qui célèbrent leurs respectifs Chapitres généraux: chères sœurs, je vous accompagne par ma prière afin que le Seigneur rende fructueux votre engagement apostolique.

J’accueille avec bienveillance les groupes paroissiaux et je les encourage à suivre avec fidélité l’Evangile, pour être des chrétiens authentiques en famille et dans tout environnement.

Et nous ne pouvons pas conclure cette rencontre sans rappeler avec beaucoup de gratitude le bien-aimé Pape François, qui est retourné à la maison du Père il y a exactement un mois.

J’accorde à tous ma bénédiction.

Parmi les groupes ayant assisté à l’Audience générale étaient présents les groupes francophones suivants:

De France: Doyenné de Briançon; paroisses de Saint Raphaël; famille Missionnaire de Notre-Dame, de Saint-Pierre-de-Colombier; communauté chrétienne, de Valpré; groupe de pèlerins de l’île de La Réunion; lycée Saint-Genès La Salle, de Saint-Genès; lycée de l’Immaculée Conception, de Laval.

Du Sénégal: Pèlerins de Dakar.

Du Canada: Membres de la Mission de Saint-François, de Montréal.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les fidèles des paroisses de Briançon, Saint Raphaël, La Réunion et les lycéens de Saint-Genès La Salle et de l’Immaculée Conception.

Demandons à Dieu la grâce de labourer notre cœur pour en faire une terre féconde: qu’il soit apte à accueillir et à faire grandir la semence de sa Parole.

Que Dieu vous bénisse!

Discours à l’Assemblée générale
des Œuvres pontificales missionnaires

Salle Clémentine, 22 mai 2025

Apporter l’Evangile d’une paix véritable et durable parmi les blessures des guerres et l’injustice

Eminence, Excellences,

Secrétaires généraux, directeurs nationaux et membres des Œuvres pontificales missionnaires,

Chers frères et sœurs,

Je souhaite la bienvenue à vous tous qui êtes venus de plus de cent vingt pays pour participer à l’Assemblée générale annuelle des Œuvres pontificales missionnaires. Je voudrais tout d’abord vous exprimer ma gratitude, à vous et à vos collaborateurs, pour votre dévouement, indispensable à la mission évangélisatrice de l’Eglise, comme j’ai pu le voir dans mon expérience pastorale acquise au cours des années où j’ai exercé mon ministère au Pérou.

Les Œuvres pontificales missionnaires sont en effet, le «moyen principal» pour éveiller la res-ponsabilité missionnaire de tous les baptisés et pour soutenir les communautés ecclésiales dans les régions où l’Eglise est encore jeune (cf. Décret Ad Gentes, n. 38). Nous le voyons à travers l’Œuvre de la Propagation de la Foi, qui apporte son aide aux programmes pastoraux et catéchétiques, à la construction de nouvelles églises, aux soins de santé et aux besoins éducatifs dans les territoires de mission. L’Œuvre de la Sainte Enfance soutient également des programmes de formation chrétienne pour les enfants, en plus de subvenir à leurs besoins fondamentaux et d’assurer leur protection. De même, l’Œuvre de saint Pierre apôtre contribue à cultiver les vocations missionnaires, sacerdotales et religieuses, tandis que l’Union Missionnaire s’engage à former des prêtres, des religieux et religieuses, et tout le peuple de Dieu pour l’œuvre missionnaire de l’Eglise.

La promotion du zèle apostolique parmi le peuple de Dieu reste un aspect essentiel du renouveau de l’Eglise tel qu’envisagé par le Concile Vatican II, et elle est d’autant plus urgente à notre époque. Notre monde, meurtri par la guerre, la violence et l’injustice, a besoin d’entendre le message évangélique de l’amour de Dieu et de faire l’expérience du pouvoir réconciliateur de la grâce du Christ. En ce sens, l’Eglise elle-même, dans tous ses membres, est de plus en plus appelée à être «une Eglise missionnaire qui ouvre ses bras au monde, proclame la parole […] et devient un levain d’harmonie pour l’humanité» (Homélie, Messe d’ouverture du pontificat, 18 mai 2025). Nous devons apporter à tous les peuples, et même à toutes les créatures, la promesse évangélique d’une paix véritable et durable, qui est possible parce que, selon les mots du Pape François, «le Seigneur a vaincu le monde et ses conflits permanents en faisant la paix par le sang de sa croix» (Evangelii Gaudium, n. 229).

Nous voyons donc combien il est important de nourrir chez tous les baptisés un esprit de disciple missionnaire et la conscience de l’urgence d’apporter le Christ à tous les hommes. A cet égard, je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, pour les efforts que vous déployez chaque année afin de promouvoir la Journée mondiale des Missions, qui a lieu l’avant-dernier dimanche d’octobre, et qui m’est d’une aide précieuse dans ma sollicitude pour les Eglises situées dans les régions sous la responsabilité du Dicastère pour l’évangélisation.

Aujourd’hui, comme au lendemain de la Pentecôte, l’Eglise, guidée par l’Esprit Saint, poursuit son chemin à travers l’histoire avec confiance, joie et courage, proclamant le nom de Jésus et le salut qui naît de la foi dans la vérité salvifique de l’Evangile. Les Œuvres pontificales missionnaires constituent une partie importante de ce grand effort. Dans leur travail de coordination de la formation missionnaire et d’animation de l’esprit missionnaire au niveau local, je demande aux directeurs nationaux de donner la priorité aux visites des diocèses, des paroisses et des communautés, et d’aider ainsi les fidèles à reconnaître l’importance fondamentale des missions et du soutien à nos frères et sœurs dans les régions du monde où l’Eglise est encore jeune et en croissance.

Avant de conclure ces quelques mots avec vous ce matin, je voudrais réfléchir avec vous sur deux éléments distinctifs de votre identité en tant que Œuvres pontificales missionnaires. On peut les décrire comme communion et l’universalité. En tant qu’œuvres engagées à partager la responsabilité missionnaire du Pape et du Collège épiscopal, vous êtes appelées à cultiver et à promouvoir davantage parmi vos membres la vision de l’Eglise comme communion des croyants, animée par l’Esprit Saint, qui nous permet d’entrer dans la communion et l’harmonie parfaites de la Sainte Trinité. En effet, c’est dans la Trinité que toutes choses trouvent leur unité. Cette dimension de notre vie et de notre mission chrétienne me tient particulièrement à cœur et se reflète dans les paroles de saint Augustin que j’ai choisies pour mon service épiscopal et maintenant pour mon ministère pontifical: In Illo uno unum. Le Christ est notre Sauveur et en lui nous sommes un, une famille de Dieu, au-delà de la riche diversité de nos langues, de nos cultures et de nos expériences.

L’appréciation de notre communion en tant que membres du Corps du Christ nous ouvre naturellement à la dimension universelle de la mission évangélisatrice de l’Eglise et nous incite à transcender les limites de nos paroisses, diocèses et nations, afin de partager avec toutes les nations et tous les peuples la richesse inépuisable de la connaissance de Jésus-Christ (cf. Ph 3, 8).

Une attention renouvelée à l’unité et à l’universalité de l’Eglise correspond précisément au charisme authentique des Œuvres pontificales missionnaires. En tant que tel, il doit inspirer le processus de renouvellement des statuts que vous avez engagé. A cet égard, je suis convaincu que ce processus confirmera les membres des Œuvres dans le monde entier dans leur vocation à être un levain de zèle missionnaire au sein du Peuple de Dieu.

Chers amis, la célébration de cette Année Sainte nous invite tous à être des «pèlerins de l’espérance». Reprenant les mots choisis par le pape François comme thème de la Journée mondiale des missions de cette année, je voudrais conclure en vous encourageant à continuer d’être «missionnaires de l’espérance parmi tous les peuples». Vous confiant, ainsi que vos bienfaiteurs et tous ceux qui sont associés à votre importante œuvre, à la tendre intercession de Marie, Mère de l’Eglise, je vous accorde de tout cœur ma Bénédiction Apostolique, gage de joie et de paix durables dans le Seigneur.

Discours aux officals de la Curie romaine et aux employés du Saint-Siège,
du Gouvernorat de l’Etat de la Cité
du Vatican et du Vicariat de Rome

Salle Paul VI, samedi 24 mai

Artisans d’unité et protecteurs
de la mémoire et de la mission

Merci! Quand les applaudissements durent plus longtemps que le discours, il faut faire un discours plus long! Alors… faites attention! Merci!

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, la paix soit avec vous.

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de pouvoir vous saluer, vous qui formez les communautés de travail de la Curie romaine, du Gouvernorat et du Vicariat de Rome.

Je salue les chefs des Dicastères et les autres supérieurs, les chefs de bureau et tous les officials; ain-si que les autorités de la Cité du Vatican, les dirigeants et les employés. Et je suis très heureux que soient également présents plusieurs membres de vos familles, profitant de ce samedi.

Cette première rencontre n’est certainement pas l’occasion de faire des discours programmatiques, mais plutôt de vous remercier pour le service que vous accomplissez, ce service dont j’«hérite», pour ainsi dire, de mes prédécesseurs. Merci beaucoup. Oui, comme vous le savez, je suis arrivé seulement il y a deux ans, lorsque le bien-aimé Pape François m’a nommé préfet du Dicastère pour les évêques. A ce moment-là, j’ai quitté le diocèse de Chiclayo, au Pérou, et je suis venu travailler ici. Quel changement! Et maintenant… que puis-je dire? Sinon ce que Simon Pierre dit à Jésus sur le lac de Tibériade: «Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime» (Jn 21, 17).

Les Papes passent, la Curie demeure. Cela vaut dans chaque Eglise particulière, pour les Curies épiscopales. Et cela vaut aussi pour la Curie de l’Evêque de Rome. La Curie est l’institution qui protège et transmet la mémoire historique d’une Eglise, du ministère de ses Evêques. C’est très important. La mémoire est un élément essentiel dans un organisme vivant. Elle n’est pas uniquement tournée vers le passé, elle nourrit le présent et regarde l’avenir. Sans mémoire, le chemin s’égare, il perd le sens de sa trajectoire.

Voici, chers amis, la première pensée que je souhaite partager avec vous: travailler à la Curie romaine signifie contribuer à garder vivante la mémoire du Siège apostolique, au sens vital que je viens d’évoquer, afin que le ministère du Pape puisse s’accomplir du mieux possible. Par analogie, on peut dire la même chose des services de l’Etat de la Cité du Vatican.

Il y a ensuite un autre aspect que je désire rappeler, complémentaire à celui de la mémoire: la dimension missionnaire de l’Eglise, de la Curie et de chaque institution liée au ministère pétrinien. Le Pape François a beaucoup insisté sur ce point et, en cohérence avec le projet énoncé dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, il a réformé la Curie romaine dans la perspective de l’évangélisation, avec la Constitution apostolique Praedicate Evangelium. Et il l’a fait en s’inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs, spécialement saint Paul VI et saint Jean-Paul II.

Comme vous le saurez, l’expérience de la mission fait partie de ma vie, non seulement en tant que baptisé, comme pour nous tous chrétiens, mais aussi parce que, en tant que religieux augustin, j’ai été missionnaire au Pérou, et c’est au milieu du peuple péruvien que ma vocation pastorale a mûri. Je ne pourrai jamais assez remercier le Seigneur pour ce don! Ensuite, l’appel à servir l’Eglise ici, à la Curie romaine, a été une nouvelle mission, que j’ai partagée avec vous au cours de ces deux dernières années. Et je la poursuis encore et la poursuivrai, tant que Dieu le voudra, dans ce service qui m’a été confié.

C’est pourquoi je vous redis ce que j’ai dit lors de mon premier salut, le soir du 8 mai: «Nous devons chercher ensemble comment être une Eglise missionnaire, une Eglise qui construit les ponts, le dialogue, toujours prête à accueillir […] avec les bras ouverts. Tous, tous ceux qui ont besoin de notre charité, de notre présence, de dialogue et d’amour». Ces paroles étaient adressées à l’Eglise de Rome. Et je les répète maintenant en pensant à la mission de cette Eglise vers toutes les Eglises et vers le monde entier, au service de la communion, de l’unité, dans la charité et dans la vérité. Le Seigneur a confié cette tâche à Pierre et à ses successeurs, et vous collaborez tous de différentes manières à cette grande œuvre. Chacun apporte sa contribution en accomplissant son travail quotidien avec engagement et aussi avec foi, car la foi et la prière sont comme le sel pour la nourriture, elles donnent de la saveur.

Donc, si nous devons tous coopérer à la grande cause de l’unité et de l’amour, cherchons à le faire avant tout par notre attitude dans les situations quotidiennes, y compris dans notre environnement de travail. Chacun peut être artisan d’unité par son attitude envers ses collègues, en surmontant les inévitables incompréhensions avec patience, avec humilité, en se mettant à la place des autres, en évitant les préjugés, et aussi avec une bonne dose d’humour, comme nous l’a enseigné le Pape François.

Chers frères et sœurs, je vous remercie encore du fond du cœur! Nous sommes au mois de mai: invoquons ensemble la Vierge Marie, afin qu’elle bénisse la Curie romaine et la Cité du Vatican, ain-si que vos familles, en particulier les enfants, les personnes âgées, les personnes malades et les personnes qui souffrent.

Merci!

Alors prononçons ensemble: «Je vous salue Marie…»

[Bénédiction]

Merci encore, meilleurs vœux à tous!

Regina cæli

Palais apostolique, 25 mai 2025

Chercher la paix avec courage
et persévérance

Chers frères et sœurs, bon dimanche!

Je suis encore au début de mon ministère parmi vous et je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’affection que vous me témoignez, alors que je vous demande de me soutenir par votre prière et votre proximité.

Dans tout ce à quoi le Seigneur nous appelle, sur le chemin de la vie comme dans notre cheminement de foi, nous nous sentons parfois inaptes. Cependant, l’Evangile de ce dimanche (cf. Jn 14, 23-29) nous dit justement que nous ne devons pas regarder nos forces, mais la miséricorde du Seigneur qui nous a choisis, certains que l’Esprit Saint nous guide et nous enseigne tout.

A la veille de la mort du Maître, les apôtres sont troublés et angoissés et ils se demandent comment ils pourront être les continuateurs et les témoins du Royaume de Dieu. Jésus leur annonce le don de l’Esprit Saint, avec cette merveilleuse promesse: «Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. Et mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui et nous ferons chez lui notre demeure» (v. 23).

Jésus libère ainsi ses disciples de toute angoisse et de toute inquiétude et peut leur dire: «Que votre cœur ne se trouble pas et ne s’alarme pas» (v. 27). Si nous restons dans son amour, en effet, c’est lui-même qui vient habiter en nous. Notre vie devient le temple de Dieu et cet amour nous éclaire, il s’introduit dans notre façon de penser et dans nos choix, jusqu’à s’étendre aux autres et à rayonner sur toutes les situations de notre existence.

Voilà, frères et sœurs, cette habitation de Dieu en nous est précisément le don de l’Esprit Saint, qui nous prend par la main et nous fait expérimenter, y compris dans notre vie quotidienne, la présence et la proximité de Dieu, en faisant de nous sa demeure.

Il est beau que, en regardant notre vocation, les réalités et les personnes qui nous ont été confiées, les engagements que nous prenons, notre service dans l’Eglise, chacun de nous puisse dire avec confiance: même si je suis fragile, le Seigneur n’a pas honte de mon humanité, au contraire, il vient établir sa demeure en moi. Il m’accompagne de son Esprit, il m’illumine et fait de moi un instrument de son amour pour les autres, pour la société et pour le monde.

Très chers amis, sur le fondement de cette promesse, marchons dans la joie de la foi, pour être le temple saint du Seigneur. Engageons-nous à apporter son amour partout, en nous rappelant que chaque sœur et chaque frère est demeure de Dieu, et que sa présence se révèle particulièrement dans les petits, les pauvres et ceux qui souffrent, nous demandant d’être des chrétiens attentifs et compatissants.

Et confions-nous tous à l’intercession de Marie Très Sainte. Par l’œuvre de l’Esprit, elle est devenue «Demeure consacrée à Dieu». Avec elle, nous pouvons aussi faire l’expérience de la joie d’accueillir le Seigneur et d’être signe et instrument de son amour.

Au terme du Regina cæli, le Pape a prononcé les paroles suivantes:

Chers frères et sœurs!

Hier, à Poznań (Pologne), Stanislas Kostka Streich, prêtre diocésain tué en 1938 dans un acte de haine contre la foi, a été béatifié, car son œuvre en faveur des pauvres et des ouvriers dérangeait les partisans de l’idéologie communiste. Que son exemple puisse inciter en particulier les prêtres à se dépenser généreusement pour l’Evangile et pour leurs frères.

Hier également, en mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge Marie Auxiliatrice, a été célébrée la Journée de prière pour l’Eglise en Chine, instituée par le Pape Benoît XVI. Dans les églises et les sanc-tuaires de Chine et du monde entier, des prières ont été élevées vers Dieu en signe de sollicitude et d’affection pour les catholiques chinois et de leur communion avec l’Eglise universelle. Que l’intercession de la Très Sainte Marie leur obtienne, ainsi qu’à nous, la grâce d’être des témoins forts et joyeux de l’Evangile, même au milieu des épreuves, afin de toujours promouvoir la paix et l’harmonie.

Avec ces sentiments, notre prière embrasse tous les peuples qui souffrent à cause de la guerre. Nous implorons le courage et la persévérance pour tous ceux qui sont engagés dans le dialogue et dans la recherche sincère de la paix.

Il y a dix ans, le Pape François signait l’Encyclique Laudato si’, consacrée au soin de la maison commune. Elle a connu une diffusion extraordinaire, inspirant d’innombrables initiatives et enseignant à tous à écouter le double cri de la Terre et des pauvres. Je salue et j’encourage le mouvement Laudato si’ et tous ceux qui poursuivent cet engagement.

Je souhaite à tous un bon dimanche!

Salut au maire de Rome

Place Aracoeli, 25 mai 2025

«Je suis romain, pour vous
et avec vous!»

Monsieur le Maire,

Je vous suis très reconnaissant pour votre accueil et vos paroles. Je joins mon remerciement au vôtre envers l’administration municipale, les autorités civiles et militaires, en ce jour de ma prise de possession de la chaire de l’Eveque de Rome.

Débutant officiellement mon ministère de Pasteur de ce diocèse, je ressens la grave mais passionnante responsabilité de servir tous ses membres, en ayant à cœur avant tout la foi du Peuple de Dieu, et donc le bien commun de la société. Pour cette dernière finalité nous sommes collaborateurs, chacun dans son propre domaine institutionnel. Immédiatement après mon élection, je rappelais aux frères et sœurs rassemblés place Saint-Pierre que je suis chrétien avec eux et évêque pour eux: à titre particulier, aujourd’hui, je peux dire que je suis romain, pour vous et avec vous!

Depuis deux millénaires, l’Eglise vit son apostolat à Rome en annonçant l’Evangile du Christ et en se consacrant à la charité. L’éducation des jeunes et l’assistance envers ceux qui souffrent, le dévouement envers les derniers et la culture des arts sont les expressions de ce soin pour la dignité humaine que nous devons soutenir en tout temps, en particulier envers les petits, les vulnérables et les pauvres. En cette Année sainte du Jubilé, cette sollicitude s’étend aux pèlerins provenant du monde entier et bénéficie également de l’engagement de la Ville de Rome, pour lequel j’exprime ma profonde gratitude.

Monsieur le Maire, j’espère que Rome, inégalable de par la richesse de son patrimoine historique et artistique, se distinguera toujours également par ces valeurs d’humanité et de civilisation qui puisent leur sève vitale dans l’Evangile. Avec ces sentiments, j’accorde la bénédiction apostolique sur cette ville et sur tous ses habitants.

Homélie lors de la prise de possession
de la chaire de l’Evêque de Rome

Basilique Saint-Jean-de-Latran, 25 mai 2025

Apprendre, comprendre
et décider ensemble

Je salue cordialement les cardinaux présents, en particulier le cardinal-vicaire, les évêques auxiliaires et tous les évêques, les très chers prêtres — curés, vicaires et tous ceux qui, à divers titres, collaborent à la pastorale dans nos communautés —; ainsi que les diacres, les religieux, les religieuses, les autorités et vous tous, très chers fidèles.

L’Eglise de Rome est l’héritière d’une grande histoire, enracinée dans le témoignage de Pierre, de Paul et d’innombrables martyrs, et elle a une mission unique, bien indiquée par ce qui est écrit sur la façade de cette Cathédrale: être Mater omnium Ecclesiarum, Mère de toutes les Eglises.

Le Pape François nous a souvent invités à réfléchir sur la dimension maternelle de l’Eglise (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, nn. 46-49.139-141; Catéchèse, 13 janvier 2016) et sur ses caractéristiques propres: la tendresse, la disponibilité au sacrifice et cette capacité d’écoute qui permet non seulement de venir en aide, mais souvent aussi d’anticiper les besoins et les attentes, avant même qu’ils ne soient exprimés. Ce sont là des traits que nous souhaitons voir grandir partout dans le peuple de Dieu, ici aussi, dans notre grande famille diocésaine: chez les fidèles, chez les pasteurs, chez moi le premier. Les lectures que nous avons écoutées peuvent nous aider à y réfléchir.

Dans les Actes des Apôtres (cf. 15, 1-2.22-29), en particulier, il est raconté comment la communauté des origines a affronté le défi de l’ouverture au monde païen dans l’annonce de l’Evangile. Cela n’a pas été un processus facile: cela a demandé beau-coup de patience et d’écoute mutuelle; cela s’est produit tout d’abord au sein de la communauté d’Antioche, où les frères, en dialoguant — même en discutant — sont parvenus à définir ensemble la question. Mais ensuite, Paul et Barnabé sont montés à Jérusalem. Ils n’ont pas décidé de leur propre chef: ils ont cherché la communion avec l’Eglise mère et s’y sont rendus avec humilité.

Pierre et les Apôtres les ont écoutés. Ainsi s’est engagé le dialogue qui a finalement conduit à la bonne décision: reconnaissant et considérant la difficulté des néophytes, il a été convenu de ne pas leur imposer de charges excessives, mais de se limiter à leur demander l’essentiel (cf. Ac 15, 28-29). Ainsi, ce qui pouvait sembler un problème est devenu pour tous une occasion de réfléchir et de grandir.

Le texte biblique, cependant, nous en dit davantage, allant au-delà de la riche et intéressante dynamique humaine de l’événement.

C’est ce que révèlent les paroles que les frères de Jérusalem adressent par lettre à ceux d’Antioche, leur communiquant les décisions prises. Ils écrivent: «L’Esprit Saint et nous-mêmes » (Ac 15, 28). Ils soulignent, en effet, que dans toute cette histoire, l’écoute la plus importante, celle qui a rendu tout le reste possible, a été celle de la voix de Dieu. Ils nous rappellent ainsi que la communion se cons-truit avant tout «à genoux», dans la prière et dans un engagement continu de conversion. Ce n’est que dans cette tension, en effet, que chacun peut entendre en lui la voix de l’Esprit qui crie: «Abba! Père!» (Ga 4, 6) et, par conséquent, écouter et comprendre les autres comme des frères.

L’Evangile nous réaffirme également ce message (cf. Jn 14, 23-29), en nous disant que nous ne sommes pas seuls dans les choix de vie. L’Esprit nous soutient et nous montre le chemin à suivre, en nous «enseignant» et en nous «rappelant» tout ce que Jésus nous a dit (cf. Jn 14, 26).

Tout d’abord, l’Esprit nous enseigne les paroles du Seigneur en les imprimant profondément en nous, selon l’image biblique de la loi écrite non plus sur des tables de pierre, mais dans nos cœurs (cf. Jr 31, 33); un don qui nous aide à grandir jusqu’à devenir «lettre du Christ» (cf. 2 Co 3, 3) les uns pour les autres. Et il en est ainsi: nous sommes d’autant plus capables d’annoncer l’Evangile que nous nous laissons conquérir et transformer, en permettant à la puissance de l’Esprit de nous purifier au plus profond de nous-mêmes, de rendre nos paroles simples, nos désirs honnêtes et limpides, nos actions généreuses.

Et c’est là qu’intervient l’autre verbe: «rappeler», c’est-à-dire ramener l’attention du cœur vers ce que nous avons vécu et appris, afin d’en pénétrer plus profondément le sens et d’en savourer la beauté.

Je pense à cet égard au chemin exigeant que le diocèse de Rome parcourt depuis quelques années, articulé à différents niveaux d’écoute: vers le monde environnant, pour en accueillir les défis, et au sein des communautés, pour en comprendre les besoins et promouvoir des sages et prophétiques initiatives d’évangélisation et de charité. C’est un chemin difficile, encore en cours, qui cherche à embrasser une réalité très riche, mais aussi très complexe. Il est toutefois digne de l’histoire de cette Eglise qui a si souvent démontré sa capacité à voir «grand», en s’investissant sans réserve dans des projets courageux et s’impliquant même face à des scénarios nouveaux et exigeants.

En témoigne le travail considérable accompli ces jours-ci par l’ensemble du diocèse en vue du Jubilé, dans l’accueil et l’accompagnement des pèlerins et à travers d’innombrables autres initiatives. Grâce à ces nombreux efforts, la ville apparaît à ceux qui y arrivent, parfois de très loin, comme une grande maison ouverte et accueillante, et surtout comme un foyer de foi.

Pour ma part, j’exprime le désir et l’engagement d’entrer dans ce chantier si vaste en me mettant, autant que possible, à l’écoute de tous, pour apprendre, comprendre et décider ensemble: «chrétien avec vous et pour vous évêque», comme le disait saint Augustin (cf. Discours 340, 1). Je vous demande de m’aider à le faire dans un effort commun de prière et de charité, en rappelant les paroles de saint Léon le Grand: «Tout le bien que nous accomplissons dans l’exercice de notre ministère est l’œuvre du Christ; et non pas la nôtre, car nous ne pouvons rien sans lui, mais nous nous glorifions en lui, de qui vient toute l’efficacité de notre action» (Serm. 5, de natali ipsius, 4).

A ces paroles je voudrais joindre, en concluant, celles du Bienheureux Jean-Paul Ier, qui le 23 septembre 1978, avec le visage radieux et serein qui lui avait déjà valu l’appellation de «Pape du sourire», saluait ainsi sa nouvelle famille diocésaine: «Devenant patriarche à Venise, saint Pie X s’était exclamé à Saint-Marc: “Qu’en serait-il de moi, Vénitiens, si je ne vous aimais pas?”. Aux Romains, je dirai quelque chose de semblable; je puis vous assurer que je vous aime, que je désire seulement entrer à votre service et mettre à votre disposition, toutes mes pauvres forces, le peu que j’ai et le peu que je suis» (Homélie à l’occasion de la prise de possession de la «Cathedra Romana», 23 septembre 1978).

Je vous exprime également toute mon affection, avec le désir de partager avec vous, sur notre chemin commun, les joies et les peines, les difficultés et les espoirs. Je vous offre moi aussi «le peu que j’ai et que je suis», et je le confie à l’intercession des saints Pierre et Paul et de tant d’autres frères et sœurs dont la sainteté a illuminé l’histoire de cette Eglise et les rues de cette ville. Que la Vierge Marie nous accompagne et intercède pour nous.

Paroles pour la bénédiction de la ville
de Rome

Loggia de la basilique Saint-Jean-du-Latran,
25 mai 2025

Témoins d’espérance
pour le monde

Que la paix soit avec vous!

Chers frères et sœurs, communauté de Rome, cela me fait très plaisir d’être avec vous ce soir, pour cet acte liturgique au cours duquel nous avons célébré ma prise de possession en tant que votre nouvel Evêque de Rome. Merci à vous tous!

Vivons notre foi, spécialement au cours de cette Année jubilaire, en cherchant l’espérance; en cherchant cependant à être nous-mêmes un témoignage qui offre l’espérance au monde. Un monde qui souffre tant, qui éprouve tant de douleur, à cause des guerres, de la violence, de la pauvreté! Mais le Seigneur demande à nous, chrétiens, d’être toujours ce témoignage vivant. Vivre notre foi, ressentir dans notre cœur que Jésus Christ est présent et savoir qu’Il nous accompagne toujours sur notre chemin.

Merci à vous qui marchez ensemble! Marchons tous ensemble! Comptez toujours sur moi, car avec vous je suis chrétien et pour vous je suis Evêque. Merci à tous!

[Bénédiction]

Bonne soirée à tous! Vivons avec cette joie, toujours. Merci.

Paroles prononcées au terme de l’acte
de vénération de la «Salus Populi Romani»

Loggia de la basilique Sainte-Marie-Majeure, 25 mai 2025

Acte de vénération de la «Salus Populi Romani»

Frères et sœurs, que la paix soit avec vous!

Bonsoir à tous! Merci d’être ici! Merci d’être ici, devant cette basilique, en cet après-midi, en cette soirée, alors que nous célébrons, tous ensemble, en tant que membres du diocèse de Rome, la présence du son nouvel Evêque. Je suis très heureux de vous retrouver tous ici et je vous remercie du fond du cœur.

Je remercie tous ceux qui travaillent dans cette basilique, les deux cardinaux qui m’accompagnent ce soir et les nombreuses autres personnes qui se consacrent à nous aider à vivre notre vie de prière, de dévotion et qui surtout nous aident à nous rapprocher de la Mère de Jésus, la Mère de Dieu, la Très-Sainte Vierge Marie. C’est une belle occasion de renouveler cette dévotion à Marie, Salus Popoli Romani, qui a accompagné de nombreuses fois le peuple de Rome dans ses besoins.

Demandons à Dieu, par l’intercession de sa Mère, qu’il vous bénisse tous, vos familles, vos proches et qu’il nous aide à marcher ensemble dans l’Eglise, unis comme unique famille de Dieu.

Prononçons ensemble:

[Je vous salue Marie, pleine de grâce…]

[Bénédiction]

Bonne soirée à tous et merci beaucoup!

Salut aux participants au pèlerinage jubilaire pour l’Afrique

26 mai 2025, basilique Saint-Pierre

Des signes d’espérance
dans le monde

Bon après-midi à tous, en particulier aux représentants.

Vous pouvez vous asseoir, je reste debout. Je suis venu pour un court instant, pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue à Rome, au Vatican, dans la basilique Saint-Pierre, et pour m’unir brièvement à vous en ce pèlerinage jubilaire durant l’Année Sainte, une année qui nous inspire tous et nous invite tous à chercher l’espérance, mais également à être des signes d’espérance.

Comme il est important que chaque personne baptisée se sente appelée par Dieu à être un signe d’espérance dans le monde actuel.

C’est notre foi qui nous donne la force. C’est notre foi qui nous permet de voir la lumière de Jésus-Christ dans nos vies et de comprendre à quel point il est important de vivre notre foi.

Pas uniquement le dimanche, pas uniquement lors d’un pèlerinage, mais chaque jour, de façon a être comblés de l’espérance que seul Jésus Christ peut nous donner et tous ensemble nous continuerons à marcher, unis comme des frères et sœurs pour louer notre Dieu, pour reconnaître que tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes est un don de Dieu, et pour mettre ces dons au service des autres.

Je suis très heureux de pouvoir tous vous saluer en cet après-midi, même si c’est pour un court instant, et de pouvoir dire à chacun d’entre vous: merci car tu vis ta vie, ta foi en Jésus-Christ.

Vous êtes déjà bien accompagné par leurs Eminences, le cardinal Turkson, le cardinal Arinze et l’archevêque Fortunatus, et nous tous, ensemble, sommes comblés du grand témoignage que vous tous donnez et que le continent africain donne au monde entier.

Disons «Merci, Seigneur Jésus, que ton nom soit loué». Que Dieu vous bénisse.

Je conclurai donc avec la bénédiction.

Que le Seigneur soit avec vous. Que vous bénisse Dieu Tous-Puissant, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Amen.

Que la paix de Dieu soit toujours avec vous.

Audience générale

Place Saint-Pierre, 28 mai 2025

La compassion est une question d’humanité et non de religion

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous continuons à méditer quelques paraboles de l’Evangile qui sont une occasion de changer de perspective et de nous ouvrir à l’espérance. Le manque d’espérance est parfois dû au fait que nous nous fixons sur une certaine manière rigide et close de voir les choses, et les paraboles nous aident à les regarder d’un autre point de vue.

Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une personne expérimentée, savante, docteur de la Loi, qui a cependant besoin de changer de perspective, parce qu’elle est centrée sur elle-même et ne perçoit pas les autres (cf. Lc 10, 25-37). En effet, il interroge Jésus sur la manière dont on «hérite» de la vie éternelle, en utilisant une expression qui la comprend comme un droit sans équivoque. Mais derrière cette question se cache peut-être précisément un besoin d’attention: le seul mot sur lequel il interroge Jésus est le terme «prochain», qui signifie littéralement celui qui est proche.

C’est pourquoi Jésus raconte une parabole qui est un chemin pour transformer cette question, pour passer de la question qui m’aime ? à celle de qui a aimé ? La première question est une question immature, la seconde est la question de l’adulte qui a compris le sens de sa vie. La première question est celle que nous posons lorsque nous attendons dans un coin, la seconde est celle qui nous pousse à l’engagement.

La parabole que Jésus raconte a en effet pour cadre une route, et c’est une route difficile et malaisée, comme la vie. Il s’agit de la route parcourue par un homme qui descend de Jérusalem, la ville sur la montagne, à Jéricho, la ville au-dessous du niveau de la mer. C’est une image qui préfigure déjà ce qui pourrait arriver: il arrive en effet que cet homme soit attaqué, battu, volé et laissé à moitié mort. C’est l’expérience qui se produit lorsque les situations, les personnes, parfois même celles en qui nous avions confiance, nous prennent tout et nous laissent au plein milieu de la route.

Mais la vie est faite de rencontres, et dans ces rencontres, nous nous révélons tels que nous sommes. Nous nous trouvons face à l’autre, face à sa fragilité et à sa faiblesse, et nous pouvons décider de ce que nous allons faire: nous occuper de lui ou faire comme si de rien n’était. Un prêtre et un lévite suivent le même chemin. Ce sont des personnes qui servent dans le Temple de Jérusalem, qui habitent dans l’espace sacré. Pourtant, la pratique du culte ne conduit pas automatiquement à la compassion. En effet, avant d’être une question religieuse, la compassion est une question d’humanité! Avant d’être croyants, nous sommes appelés à être humains.

Nous pouvons imaginer qu’après un long séjour à Jérusalem, ce prêtre et ce lévite sont pressés de rentrer chez eux. C’est justement cette hâte, si présente dans nos vies, qui nous empêche souvent d’éprouver de la compassion. Celui qui pense que son propre voyage est prioritaire n’est pas prêts à s’arrêter pour un autre.

Mais voici quelqu’un qui est capable de s’arrêter: c’est un Samaritain, qui appartient donc à un peuple méprisé (cf. 2 Rois 17). Dans son cas, le texte ne précise pas la direction, mais dit seulement qu’il était en voyage. La religiosité n’a rien à voir ici. Ce Samaritain s’arrête simplement parce qu’il est un homme devant un autre homme qui a besoin d’aide.

La compassion s’exprime par des gestes concrets. L’évangéliste Luc s’attarde sur les actions du Samaritain, que nous appelons «bon», mais qui, dans le texte, est simplement une personne: le Samaritain se fait proche, parce que si l’on veut aider quelqu’un, on ne peut pas penser à se tenir à distance, il faut s’impliquer, se salir, peut-être se contaminer; il panse ses blessures après les avoir net-toyées avec de l’huile et du vin; il le charge sur sa monture, c’est-à-dire qu’il le prend en charge, parce qu’on aide vraiment si l’on est prêt à sentir le poids de la douleur de l’autre; il l’emmène à l’hôtel où il dépense de l’argent, «deux deniers», plus ou moins deux jours de travail; et il s’engage à revenir et éventuellement à payer à nouveau, parce que l’autre n’est pas un colis à livrer, mais quelqu’un dont il faut prendre soin.

Chers frères et sœurs, quand serons-nous capables, nous aussi, d’interrompre notre voyage et d’avoir de la compassion? Quand nous comprendrons que cet homme blessé sur la route représente chacun d’entre nous. Et alors, le souvenir de toutes les fois où Jésus s’est arrêté pour prendre soin de nous nous rendra d’autant plus capables de compassion.

Prions donc afin de pouvoir grandir en humanité, de telle sorte que nos relations soient plus vraies et plus riches de compassion. Demandons au Cœur du Christ la grâce de partager toujours plus ses propres sentiments.

Au terme de l’Audience générale, le Saint-Père a prononcé les appels suivants:

Ces jours-ci, je pense souvent au peuple ukrainien frappé par de nouvelles attaques graves contre les civils et les infrastructures. J’assure ma proximité et mes prières à toutes les victimes, en particulier les enfants et les familles.

Je renouvelle avec force mon appel à arrêter la guerre et à soutenir toute initiative en faveur du dialogue et de la paix. Je demande à tous de s’unir dans la prière pour la paix en Ukraine et partout où l’on souffre de la guerre.

De la bande de Gaza, s’élèvent toujours plus intenses vers le ciel les cris des mères, des pères qui serrent les corps sans vie de leurs enfants et qui sont continuellement obligés de se déplacer à la recherche d’un peu de nourriture et d’un abri plus sûr contre les bombardements.

Aux responsables, je renouvelle mon appel: cessez le feu; libérez tous les otages et respectez intégralement le droit humanitaire. Marie Reine de la Paix, priez pour nous.

Parmi les groupes ayant assisté à l’Audience générale étaient présents les groupes francophones suivants:

De France: Dominicaines du Cœur Immaculé de Marie, de Bourg-en-Bresse; aumônerie nationale des catholiques malgaches de France; école de charité et de mission, de Rouen et Bourges.

De Belgique: membres des Patrons of the Arts des Musées du Vatican.

Du Canada: groupe de Séminaristes de Montréal.

Du Togo: Sœurs de la Providence de Saint Paul.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les Patrons of the Arts des Musées du Vatican de Belgique, ainsi que les pèlerins venus de France, de Suisse, du Togo et du Canada.

Frères et sœurs, par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, demandons la grâce de cultiver des relations vraies et riches de compassion.

Que Dieu vous bénisse!

Message à la Conférence des évêques
de France

Trois modèles de sainteté contre
le matérialisme et l’individualisme

Je suis heureux de pouvoir m’adresser pour la première fois à vous, pasteurs de l’Eglise de France et, à travers vous, à tous vos fidèles alors qu’est célébré, en ce mois de mai 2025, le 100e anniversaire de la canonisation de trois saints que, par la grâce de Dieu, votre pays a donnés à l’Eglise universelle: saint Jean Eudes (1601-1680), saint Jean-Marie Vianney (1786-1859) et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face (1873-1897). En les élevant à la gloire des autels, mon prédécesseur Pie XI souhaitait les présenter au Peuple de Dieu comme des maîtres à écouter, comme des modèles à imiter, et comme de puissants soutiens à prier et à invoquer. L’ampleur des défis qui se présentent, un siècle plus tard, à l’Eglise de France, et la pertinence toujours très actuelle de ses trois figures de sainteté pour y faire face, me poussent à vous inviter à donner un relief particulier à cet anniversaire.

Je ne retiendrai, dans ce bref message, qu’un trait spirituel que Jean Eudes, Jean Marie Vianney et Thérèse ont en commun et présentent de manière très parlante et attrayante aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui: ils ont aimé sans réserve Jésus de manière simple, forte et authentique; ils ont fait l’expérience de sa bonté et de sa tendresse dans une particulière proximité quotidienne, et ils en ont témoigné dans un admirable élan missionnaire.

Le regretté Pape François nous a laissé, un peu comme un testament, une belle Encyclique sur le Sacré-Cœur dans laquelle il affirme: «Un fleuve qui ne s’épuise pas, qui ne passe pas, qui s’offre toujours de nouveau à qui veut aimer, continue de jaillir de la blessure du côté du Christ. Seul son amour rendra possible une nouvelle humanité» (Dilexit nos, n. 219). Il ne saurait y avoir de plus beau et de plus simple programme d’évangélisation et de mission pour votre pays: faire découvrir à chacun l’amour de tendresse et de prédilection que Jésus a pour lui, au point d’en transformer la vie.

Et à ce titre, nos trois saints sont assurément des maîtres dont je vous invite à faire sans cesse connaître et apprécier la vie et la doctrine au Peuple de Dieu. Saint Jean Eudes n’est-il pas le premier à avoir célébré le culte liturgique des Cœurs de Jésus et de Marie; Saint Jean Marie Vianney n’est-il pas ce curé passionnément donné à son ministère qui affirmait: «Le sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus»; et enfin, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face n’est-elle pas le grand Docteur en scientia amoris dont notre monde a besoin, elle qui «respira» à chaque instant de sa vie le Nom de Jésus, avec spontanéité et fraicheur, et qui enseigna aux plus petits une voie «toute facile» pour y accéder?

Célébrer le centenaire de canonisation de ces trois Saints, c’est d’abord une invitation à rendre grâce au Seigneur pour les merveilles qu’il a accomplies en cette terre de France durant de longs siècles d’évangélisation et de vie chrétienne. Les Saints n’apparaissent pas spontanément mais, par la grâce, surgissent au sein de Communautés chrétiennes vivantes qui ont su leur transmettre la foi, allumer dans leur cœur l’amour de Jésus et le désir de le suivre. Cet héritage chrétien vous appartient encore, il imprègne encore profondément votre culture et demeure vivant en bien des cœurs.

C’est pourquoi je forme le vœu que ces célébrations ne se contentent pas d’évoquer avec nostalgie un passé qui pourrait sembler révolu, mais qu’elles réveillent l’espérance et suscitent un nouvel élan missionnaire. Dieu peut, moyennant le secours des saints qu’Il vous a donnés et que vous célébrez, renouveler les merveilles qu’Il a accomplies dans le passé. Sainte Thérèse ne sera-t-elle pas la Patronne des missions dans les contrées mêmes qui l’ont vu naître? Saint Jean-Marie Vianney et saint Jean Eudes ne sauront-ils pas parler à la conscience de nombreux jeunes de la beauté, de la grandeur et de la fécondité du sacerdoce, en susciter le désir enthousiaste, et donner le courage de répondre généreusement à l’appel, alors que le manque de vocations se fait cruellement sentir dans vos diocèses et que les prêtres sont de plus en plus lourdement éprouvés? Je profite de l’occasion pour remercier du fond du cœur tous les prêtres de France pour leur engagement courageux et persévérant et je souhaite leur exprimer ma paternelle affection.

Chers frères Evêques, j’invoque l’intercession de saint Jean Eudes, de saint Jean-Marie Vianney et de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face pour votre pays et pour le Peuple de Dieu qui y pérégrine courageusement, sous les vents contraires et parfois hostiles de l’indifférentisme, du matérialisme et de l’individualisme. Qu’ils redonnent courage à ce Peuple, dans la certitude que le Christ est vraiment ressuscité, Lui, le Sauveur du monde.

Implorant sur la France la protection maternelle de sa puissante Patronne, Notre-Dame de l’Assomption, j’accorde à chacun de vous, et à toutes les personnes confiées à vos soins pastoraux, la Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 28 mai 2025

Léon XIV

Discours aux associations et mouvements «Arène de Paix» de Vérone

Salle Clémentine, 30 mai 2025

Témoigner de la non-violence dans les relations, les décisions
et les actions

Chers frères et sœurs, que la paix soit avec vous!

Je suis heureux de vous accueillir, membres des mouvements et des associations qui ont donné vie il y a un an à la grande rencontre «Arène de Paix», à Vérone, avec la participation du Pape François. Je remercie en particulier l’évêque de Vérone, Mgr Domenico Pompili, et les pères comboniens. A cette occasion-là, le Pape avait rappelé que la construction de la paix commence par le fait de se mettre du côté des victimes, en partageant leur point de vue. Cette perspective est essentielle pour désarmer les cœurs, les regards et les esprits, et dénoncer les injustices d’un système qui tue et qui se base sur la culture du rejet.

Nous ne pouvons pas oublier l’embrassade courageuse entre l’Israélien Maoz Inon, dont les parents ont été tués par Hamas, et le Palestinien Aziz Sarah, dont le frère a été tué par l’armée israélienne, et qui sont désormais amis et collaborateurs: ce geste reste comme témoignage et signe d’espérance. Et nous les remercions d’avoir voulu être présents ici aujourd’hui.

Le chemin vers la paix demande des cœurs et des esprits entraînés et formés à l’attention envers l’autre et capables de reconnaître le bien commun dans le contexte actuel. La voie qui mène à la paix est communautaire, elle passe par le soin des relations de justice entre tous les êtres vivants. La paix, a affirmé Jean-Paul II, est un bien indivisible, elle est le fait de tous ou de personne (cf. Lett. enc. Sollicitudo rei socialis, n. 26). Elle peut réllement être conquise et mise à profit, comme qualité et vie et comme développement intégral, uniquement si s’active, dans les consciences, la «détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun» (ibid, n. 38).

A une époque comme la nôtre, marquée par la rapidité et l’instantanéité, nous devons retrouver ces temps longs nécessaires pour que ces procédés puissent avoir lieu. L’histoire, l’expérience, les nombreuses bonnes pratiques que nous connaissons nous ont fait comprendre que la paix authentique est celle qui prend forme à partir de la réalité (territoires, communautés, institutions locales, etc.) et qui est à l’écoute de celle-ci. C’est précisément pour cela que nous nous rendons compte que cette paix est possible quand les différences et les conflits qu’elles comportent ne sont pas mises de côté mais sont reconnus, compris et affrontés.

C’est pourquoi votre engagement de mouvements et d’associations populaires, que concrètement et «par le bas», en dialogue avec tous et avec la créativité et ingéniosité qui naissent de la culture de la paix, vous menez à bien par des projets et des actions au service concret des personnes et du bien commun, est particulièrement précieux. De cette façon, vous générez de l’espérance.

Chers frères et sœurs, il y a trop de violence dans le monde, dans nos sociétés. Face aux guerres, au terrorisme, à la traite des êtes humains, à l’agressivité diffuse, les enfants et les jeunes ont besoin d’expériences qui éduquent à la culture de la vie, du dialogue, du respect mutuel. Et, avant toute chose, ils ont besoin de témoins d’un style de vie différent, non violent. Par conséquent, de l’échelle locale et quotidienne à l’échelle mondiale, quand les personnes qui ont subi des injustices et les victimes de la violence savent résister à la tentation de la vengeance, elles deviennent les protagonistes les plus crédibles de procédés non violents de construction de la paix. La non-violence comme méthode et comme style doit distinguer nos décisions, nos relations, nos actions.

L’Evangile et la Doctrine sociale sont pour les chrétiens le nutriment constant de cet engagement; mais en même temps ils peuvent être une boussole utile pour tous. Car il s’agit, en effet, d’un devoir confié à tous, croyants et non-croyants, qui doit l’élaborer et l’accomplir à travers la réflexion et la pratique inspirées à la dignité de la personne et au bien commun.

Si tu veux la paix, prépare des institutions de paix. Nous nous rendons toujours plus compte qu’il ne s’agit pas seulement d’institutions politiques, nationales ou internationales mais que c’est l’ensemble des institutions — éducatives, économiques, sociales — qui sont misent en cause. L’Encyclique Fratelli tutti revient de nombreuses fois sur le rappel aux nécessités de la construction d’un «nous», qui doit se traduire également au niveau institutionnel. C’est pourquoi je vous encourage à être présents: présents dans la pâte de l’histoire comme levain d’unité, de communion, de fraternité. La fraternité a besoin d’être découverte, aimée, expérimentée, annoncée et témoignée dans l’espérance confiante qu’elle est disponible grâce à l’amour de Dieu, «répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous fut donné» (Rm 5, 5).

Chers amis, merci d’être venus. Je prie pour vous: pour que vous puissiez œuvrer avec ténacité et patience. Et je vous accompagne de ma bénédiction.

Homélie à l’occasion de la Messe d’ordinations sacerdotales

Basilique Saint-Pierre, 30 mai 2025

Il est nécessaire d’être crédibles même si imparfaits

Chers frères et sœurs!

Aujourd’hui est un jour de grande joie pour l’Eglise et pour chacun de vous, ordinands au sacerdoce, ainsi que pour vos familles, vos amis et vos compagnons de route pendant vos années de formation. Comme le souligne le rite de l’ordination à plusieurs reprises, le lien entre ce que nous célébrons aujourd’hui et le Peuple de Dieu est fondamental. La profondeur, l’ampleur et même la durée de la joie divine que nous partageons aujourd’hui est directement proportionnelle aux liens qui existent et qui grandiront entre vous, ordinands, et le peuple dont vous êtes issus, auquel vous appartenez et vers lequel vous êtes envoyés. Je m’arrêterai sur cet aspect, en gardant toujours à l’esprit que l’identité du prêtre découle de son union avec le Christ, souverain et éternel prêtre.

Nous sommes le peuple de Dieu. Le Concile Vatican II a ravivé cette conscience, anticipant presque une époque où les appartenances s’affaibliraient et où le sens de Dieu se ferait plus rare. Vous êtes le témoignage que Dieu ne se lasse pas de rassembler ses enfants, si différents soient-ils, et de les constituer en une unité vivante. Il ne s’agit pas d’une action impétueuse, mais de cette «brise légère» qui redonna espoir au prophète Elie lors de son découragement (cf. 1 R 19, 12). La joie de Dieu n’est pas bruyante, mais elle transforme réellement l’histoire et nous rapproche les uns des autres. Le mystère de la Visitation en est l’icône, que l’Eglise contemple en ce dernier jour du mois de mai. De la rencontre entre la Vierge Marie et sa cousine Elisabeth jaillit le Magnificat, chant d’un peuple visité par la grâce.

Les lectures que nous venons d’entendre nous aident à interpréter ce qui se passe aussi parmi nous. Jésus, avant tout, dans l’Evangile, n’apparaît pas écrasé par la mort imminente, ni par la désillusion des liens humains brisés ou inachevés. L’Esprit Saint, au contraire, intensifie ces liens menacés. Dans la prière, ils deviennent plus forts que la mort. Au lieu de penser à son propre destin, Jésus remet entre les mains du Père les relations qu’il a bâties ici-bas. Et nous en faisons partie! L’Evangile, en effet, est arrivé jusqu’à nous à travers des liens que le monde peut user, mais non détruire.

Chers ordinands, concevez-vous donc à la manière de Jésus! Etre de Dieu — serviteurs de Dieu, Peuple de Dieu — nous lie à la terre: non à un monde idéalisé, mais au monde réel. Comme Jésus, ce sont des personnes en chair et en os que le Père mettra sur votre chemin. Consacrez-vous à elles, sans vous en séparer, sans vous isoler, sans transformer le don reçu en une sorte de privilège. Le Pape François nous a souvent mis en garde contre cela, car l’autoréférentialité étouffe le feu de l’esprit missionnaire.

L’Eglise est fondamentalement tournée vers l’extérieur, comme le sont la vie, la passion, la mort et la résurrection de Jésus. Vous ferez vôtres ses paroles à chaque Eucharistie: ceci est «pour vous et pour la multitude». Personne n’a jamais vu Dieu. Et pourtant, il s’est tourné vers nous, il est sorti de lui-même. Le Fils en est devenu l’exégèse, le récit incarné. Et il nous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ne cherchez, ne cherchons pas un autre pouvoir!

Que le geste de l’imposition des mains, par lequel Jésus bénissait les enfants et guérissait les malades, renouvelle en vous la puissance libératrice de son ministère messianique. Dans les Actes des Apôtres, ce geste, que nous allons bientôt reproduire, est transmission de l’Esprit créateur. Ainsi, le Royaume de Dieu met en communion vos libertés personnelles, prêtes à sortir d’elles-mêmes, en greffant vos intelligences et vos jeunes forces dans la mission jubilaire que Jésus a confiée à son Eglise.

Dans son discours d’adieu aux anciens d’Ephèse, dont nous avons entendu un extrait dans la première Lecture, Paul leur livre le secret de toute mission: «L’Esprit Saint vous a établis gardiens» (Ac 20, 28). Non comme maîtres, mais comme gardiens. La mission est celle de Jésus. Il est ressuscité, donc vivant, et il nous précède. Aucun de nous n’est appelé à le remplacer. Le jour de l’Ascension nous éduque à sa présence invisible. Il nous fait confiance, il nous fait de la place; il a même dit: «C’est dans votre intérêt que je parte» (Jn 16, 7). Nous aussi, les évêques, chers ordinands, en vous intégrant aujourd’hui à la mission, nous vous faisons de la place. Et vous, faites de la place aux fidèles et à toute créature dont le Ressuscité est proche et en qui il aime nous visiter et nous surprendre. Le Peuple de Dieu est plus vaste que ce que nous -voyons. Ne lui imposons pas de limites.

De ce discours poignant de saint Paul, je voudrais souligner un second mot. Il le prononce d’ailleurs en premier: «Vous savez vous-mêmes de quelle façon je n’ai cessé de me comporter avec vous» (Ac 20, 18). Gravons cette expression dans nos cœurs et nos esprits! «Vous savez vous-mêmes de quelle façon je n’ai cessé de me comporter avec vous»: la transparence de la vie. Des vies connues, des vies lisibles, des vies crédibles! Vivons au cœur du Peuple de Dieu pour pouvoir, un jour, nous tenir devant lui avec un témoignage crédible.

Ensemble, alors, nous reconstruirons la crédibilité d’une Eglise blessée, envoyée à une humanité blessée, au sein d’une création blessée. Nous ne sommes pas encore parfaits, mais il nous faut être crédibles.

Le Christ ressuscité nous montre ses plaies; bien qu’elles soient le signe du rejet de l’humanité, il nous pardonne et nous envoie. Ne l’oublions pas! Il souffle encore aujourd’hui sur nous (cf. Jn 20, 22) et fait de nous des ministres de l’espérance. «Ainsi donc, désormais nous ne connaissons personne selon la chair» (2 Co 5, 16): ce qui, à nos yeux, semble brisé et perdu apparaît désormais sous le signe de la réconciliation.

«Car l’amour du Christ nous possède», chers frères et sœurs! C’est une possession qui libère et qui nous permet de ne posséder personne. Libérer, ne pas posséder. Nous appartenons à Dieu: il n’est pas de plus grande richesse à estimer et à partager. C’est la seule richesse qui, partagée, se multiplie. Et nous voulons la porter ensemble dans ce monde que Dieu a tant aimé qu’il a donné son Fils unique (cf. Jn 3, 16).

Ainsi, la vie offerte par ces frères qui vont être ordonnés prêtres prend tout son sens. Nous les remercions et nous rendons grâce à Dieu qui les a appelés au service d’un peuple entièrement sacerdotal. Ensemble, en effet, nous unissons le ciel et la terre. En Marie, Mère de l’Eglise, resplendit ce sacerdoce commun qui élève les humbles, relie les générations et nous fait appeler bienheureux (cf. Lc 1, 48.52). Que la Vierge de la Confiance et Mère de l’Espérance intercède pour nous.

Homélie à l’occasion du Jubilé des familles, des enfants, des grands-parents
et des personnes âgées

Place Saint-Pierre, 1er juin 2025

L’alliance conjugale force d’unité dans les sociétés désagrégées

L’Evangile qui vient d’être proclamé nous montre Jésus qui, lors de la dernière Cène, prie pour nous (cf. Jn 17, 20): le Verbe de Dieu fait homme, désormais proche de la fin de sa vie terrestre, pense à nous, ses frères, se faisant bénédiction, supplication et louange au Père, avec la force de l’Esprit Saint. Et nous aussi, alors que nous entrons, remplis d’émerveillement et de confiance, dans la prière de Jésus, nous sommes impliqués par son amour dans un grand projet qui concerne toute l’humanité.

Le Christ demande en effet que nous soyons tous «un» (v. 21). Il s’agit là du plus grand bien que l’on puisse désirer, car cette union universelle réalise entre les créatures la communion éternelle d’amour dans laquelle s’identifie Dieu lui-même, comme le Père qui donne la vie, le Fils qui la reçoit et l’Esprit qui la partage.

Le Seigneur ne veut pas que nous nous unissions pour former une masse indistincte, comme un bloc anonyme, mais il souhaite que nous soyons un: «Comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi» (v. 21). L’unité pour laquelle Jésus prie est donc une communion fondée sur l’amour même dont Dieu aime, d’où viennent la vie et le salut. En tant que telle, elle est avant tout un don que Jésus vient apporter. C’est en effet, du fond de son cœur d’homme que le Fils de Dieu s’adresse au Père en disant: «Moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé» (v. 23).

Ecoutons avec admiration ces paroles: Jésus nous révèle que Dieu nous aime comme Il s’aime Lui-même. Le Père ne nous aime pas moins qu’Il n’aime son Fils unique, c’est-à-dire infiniment. Dieu n’aime pas moins, parce qu’Il aime d’abord, Il aime le premier! Le Christ Lui-même en témoigne lorsqu’Il dit au Père: «Tu m’as aimé avant la fondation du monde» (v. 24). Et il en est ainsi: dans sa miséricorde, Dieu veut depuis toujours rassembler tous les hommes auprès de lui, et c’est sa vie, donnée pour nous dans le Christ, qui nous rend un, qui nous unit entre nous.

Ecouter aujourd’hui cet Evangile, pendant le Jubilé des familles et des enfants, des grands-parents et des personnes âgées, nous comble de joie.

Très chers amis, nous avons reçu la vie avant même de la vouloir. Comme l’enseignait le pape François, «tous les hommes sont des enfants, mais aucun de nous n’a choisi de naître» (Angelus, 1er janvier 2025). Mais ce n’est pas tout. Dès notre naissance, nous avons eu besoin des autres pour vivre, seuls nous n’y serions pas y arriver: c’est quelqu’un d’autre qui nous a sauvés, en prenant soin de nous, de notre corps comme de notre esprit. Nous vivons donc tous grâce à une relation, c’est-à-dire à un lien libre et libérateur d’humanité et de soin mutuel.

Il est vrai que parfois cette humanité est trahie. Par exemple, chaque fois que l’on invoque la liberté non pour donner la vie, mais pour la retirer, non pour secourir, mais pour offenser. Cependant, même face au mal qui s’oppose et tue, Jésus continue de prier le Père pour nous, et sa prière agit comme un baume sur nos blessures, devenant pour tous une annonce de pardon et de réconciliation. Cette prière du Seigneur donne pleinement un sens aux moments lumineux de notre amour les uns pour les autres, en tant que parents, grands-parents, fils et filles. Et c’est cela que nous voulons annoncer au monde: nous sommes ici pour être «un» comme le Seigneur veut que nous soyons «un», dans nos familles et là où nous vivons, travaillons et étudions: différents, mais un, nombreux, mais un, toujours, en toutes circonstances et à tous les âges de la vie.

Mes très chers amis, si nous nous aimons ainsi, sur le fondement du Christ, qui est «l’alpha et l’oméga», «le commencement et la fin» (cf. Ap 22, 13), nous serons un signe de paix pour tous, dans la société et dans le monde. Et n’oublions pas: c’est dans les familles que se construit l’avenir des peuples.

Au cours des dernières décennies, nous avons reçu un signe qui nous remplit de joie et qui nous fait réfléchir: je veux parler du fait que des couples mariés ont été proclamés bienheureux et saints, non pas séparément, mais ensemble, en tant que couples mariés. Je pense à Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus; et j’aime rappeler les bienheureux Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi, dont la vie familiale s’est déroulée à Rome au siècle dernier. Et n’oublions pas la famille polonaise Ulma: parents et enfants unis dans l’amour et dans le martyre. Je disais que c’est un signe qui fait réfléchir. Oui: en désignant comme témoins exemplaires des époux, l’Eglise nous dit que le monde d’aujourd’hui a besoin de l’alliance conjugale pour connaître et accueillir l’amour de Dieu et surmonter, par sa force qui unifie et réconcilie, les forces qui désagrègent les relations et les sociétés.

C’est pourquoi, le cœur plein de reconnaissance et d’espérance, je vous dis, à vous les époux: le mariage n’est pas un idéal, mais la norme du véritable amour entre l’homme et la femme: un amour total, fidèle, fécond (cf. Saint Paul VI, Lettre encyclique Humanae vitae, 9). Tout en vous transformant en une seule chair, cet amour vous rend capables, à l’image de Dieu, de donner la vie.

C’est pourquoi je vous encourage à être, pour vos enfants, des exemples de cohérence, en vous comportant comme vous voulez qu’ils se comportent, en les éduquant à la liberté par l’obéissance, en recherchant toujours en eux le bien et les moyens de le faire grandir. Et vous, enfants, soyez reconnaissants envers vos parents: dire «merci» pour le don de la vie et pour tout ce qui nous est donné chaque jour avec elle, c’est la première manière d’honorer son père et sa mère (cf. Ex 20, 12). Enfin, à vous, chers grands-parents et personnes âgées, je recommande de veiller sur ceux que vous aimez, avec sagesse et compassion, avec l’humilité et la patience que les années enseignent.

Dans la famille, la foi se transmet avec la vie, de génération en génération: elle est partagée comme la nourriture sur la table et les affections du cœur. Cela en fait un lieu privilégié pour rencontrer Jésus, qui nous aime et veut notre bien, toujours.

Et j’aimerais ajouter une dernière chose. La prière du Fils de Dieu, qui nous donne l’espérance tout au long du chemin, nous rappelle aussi qu’un jour nous serons tous unum (cf. Saint Augustin, Sermo super, Ps. 127): une seule chose dans l’unique Sauveur, étreints par l’amour éternel de Dieu. Non seulement nous, mais aussi nos pères et nos mères, nos grands-mères et nos grands-pères, nos frères, nos sœurs et nos enfants qui nous ont déjà précédés dans la lumière de sa Pâque éternelle, et que nous sentons présents ici, avec nous, en ce moment de fête.

Regina cæli

Place Saint-Pierre, 1er juin 2025

Paix pour les familles qui souffrent à cause de la guerre au Moyen-Orient et en Ukraine

A la fin de cette Eucharistie, je souhaite adresser un salut chaleureux à vous tous, participants au Jubilé des familles, des enfants, des grands-parents et des personnes âgées! Vous êtes venus de toutes les parties du monde, avec des délégations de cent trente et un pays.

Je suis heureux d’accueillir autant d’enfants qui ravivent notre espérance! Je salue toutes les familles, petites églises domestiques, où l’Evangile est accueilli et transmis. La famille — disait saint Jean-Paul II — trouve son origine dans l’amour avec lequel le Créateur embrasse le monde créé (Lett. Gratissimam sane, n. 2). Que la foi, l’espérance et la charité grandissent toujours dans nos familles. Je salue tout particulièrement les grands-parents et les personnes âgées Vous êtes un modèle authentique de foi et une source d’inspiration pour les jeunes générations. Merci d’être venus!

Au terme du Regina cæli, le Pape a prononcé les paroles suivantes:

Aujourd’hui, en Italie et dans plusieurs pays, est célébrée la solennité de l’Ascension du Seigneur. C’est une très belle fête, qui nous fait regarder vers le but de notre voyage terrestre. Dans ce contexte, je rappelle qu’hier, à Braniewo, en Pologne, ont été béatifiées Cristofora Klomfass et quatorze sœurs de la Congrégation de Sainte-Catherine Vierge et Martyre, tuées en 1945 par les soldats de l’Armée rouge dans les territoires de l’actuelle Pologne. Malgré le climat de haine et de terreur contre la foi catholique, elles ont continué à servir les malades et les orphelins. À l’intercession des nouvelles bienheureuses martyres, nous confions toutes les religieuses qui, dans le monde, se dépensent généreusement pour le Royaume de Dieu.

Je rappelle également la Journée mondiale des communications sociales qui a lieu aujourd’hui et je remercie les professionnels des médias qui, en veillant à la qualité éthique des messages, aident les familles dans leur devoir éducatif.

Que la Vierge Marie bénisse les familles et les soutienne dans leurs difficultés: je pense en particulier à celles qui souffrent à cause de la guerre au Moyen-Orient, en Ukraine et dans d’autres parties du monde. Que la Mère de Dieu nous aide à marcher ensemble sur le chemin de la paix.