
Tiziana Campisi et Daniele Piccini
La Messe dans la chapelle avec les frères augustins, jour au cours duquel l’Eglise commémore la bienheureuse Notre-Dame de Fatima et la liturgie de l’Ordre célèbre la bienheureuse Notre-Dame du Bon Secours, perpétuant une ancienne dévotion née au début du xive siècle dans l’église Saint-Augustin, à Palerme. Puis le déjeuner tous ensemble, comme il en avait l’habitude, presque quotidiennement, lorsqu’il était cardinal.
Le 13 mai, peu avant midi, Léon XIV s’est rendu au siège de la Curie généralice de l’Ordre de Saint-Augustin, où il a vécu de 2001 à 2013, période pendant laquelle il a été prieur général.
Quelques mètres ont été parcourus par le minivan noir qui a conduit le Pape du Vatican à la Via Paolo VI, à côté de la colonnade du Bernin, pour une visite privée à sa famille religieuse, où la convivialité est la première des «normes» observées, car elle est prescrite par le saint évêque d’Hippone dans la règle de vie de ses frères: «Avant tout, vivez unanimes à la maison, ayant une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu. N’est-ce pas la raison même de votre rassemblement?».
La dernière visite remontait au 6 mai, veille de l’entrée au Conclave: à cette occasion, il avait prié avec et pour les frères et pour tous les cardinaux qui allaient avoir la tâche de choisir le Successeur de Pierre.
Le Saint-Père a commencé son homélie par les mêmes mots que ceux choisis pour la bénédiction Urbi et Orbi le jour de son élection: «Que la paix soit avec vous». Il a ensuite souligné le rôle missionnaire de l’Eglise et la nécessité de marcher ensemble de manière synodale. Enfin, il a insisté sur l’importance d’une spiritualité de communion, trait distinctif de l’héritage augustinien, qui nous incite à avancer unis pour diffuser le message de l’Evangile au monde.
Plus tard, dans le réfectoire, le prieur général Alejandro Moral a assuré le Souverain Pontife de la prière, du soutien et de la fraternité inconditionnelle de tout l’Ordre. Avec une pointe d’humour, il a ensuite fait remarquer que, bien que l’Eglise universelle ait pourvu la sede vacante, «c’est maintenant nous qui avons une sede vacante dans notre maison, dans notre chapelle et dans le réfectoire où nous avons partagé tant de moments fraternels».
En effet, depuis que François l’avait appelé au Vatican en tant que préfet du Dicastère des évêques en 2023, le cardinal Prevost avait l’habitude de célébrer l’eucharistie quotidienne et de participer à la prière du matin dans la chapelle de la Curie généralice, en partageant le déjeuner avec ses frères augustins.
C’est ainsi que tout s’est passé le 13 mai, comme autrefois: «C’était une visite de famille, d’action de grâce. Ce furent des moments très agréables passés ensemble, parce qu’il connaît tout le monde et que nous le connaissons tous, et c’est pour cela que c’est très beau», a déclaré le père Moral aux médias du Vatican. Outre les Augustins, a poursuivi le prieur général, «d’autres personnes sont venues le saluer: les ouvriers qui travaillent avec nous, les cuisinières. Nous étions tous très heureux».
Le Saint-Père, — a annoncé la Curie dans un communiqué de presse — après avoir exprimé ses meilleurs vœux à deux frères qui célébraient respectivement leur anniversaire et leur fête, a encouragé les personnes présentes à persévérer dans la diffusion, en tant qu’Ordre, du patrimoine doctrinal et spirituel du saint évêque d’Hippone. Il a notamment recommandé de «rester toujours proches les uns des autres» et de «vivre, comme le demande saint Augustin, la communion».
Le Pape Léon XIV a ensuite partagé le souvenir d’une rencontre, en tant que prieur général, avec Benoît XVI dans les Jardins du Vatican à l’occasion de la bénédiction d’une mosaïque dédiée à la Vierge Marie, Mère du Bon Secours, dont le culte a été diffusé par l’Ordre de Saint-Augustin: à cette occasion, le Pape Ratzinger avait exhorté les Augustins à ne jamais cesser d’étudier, d’approfondir et de diffuser la pensée du fondateur. Suivant les traces de son prédécesseur, le Pape Prevost a donc rappelé l’importance de l’œuvre de l’Institut patristique Augustinianum, institution académique privilégiée pour mener à bien cette mission.
Pendant ce temps, des centaines de personnes se sont rassemblées devant la porte de la Curie pour attendre la sortie du Souverain Pontife, bravant même un orage inattendu. Léon XIV a quitté la communauté vers 15 heures: des fidèles -joyeux ont crié «Vive le Pape!». Le Saint-Père, depuis la fenêtre arrière du véhicule, les a salués de la main.
Les instants suivant le départ du Pape, les frères avaient les yeux qui brillaient: «J’avais été invité par le prieur général à un déjeuner et à une célébration eucharistique. Au lieu de cela, nous avons eu la surprise de voir que c’était le Saint-Père, notre bon frère, qui présidait», a déclaré avec émotion le père Gabriele Pedicino, provincial d’Italie.
«J’ai été très touché — a poursuivi l’augustin — par la familiarité avec laquelle nous avons déjeuné ensemble. Sa proximité et le fait qu’il soit si près de nous nous ont permis de le percevoir de nouveau comme “père Robert”. Jusqu’à présent, nous avons raconté aux journalistes les émotions des Augustins, maintenant nous avons aussi entendu celles du Pape. Ce qu’il a dit, par respect, nous le gardons comme un don qu’il ne voulait offrir qu’à ses frères, car désormais il est le “Souverain Pontife”».
Repensant à l’homélie prononcée peu avant par Léon XIV, le père Pedicino a ajouté: «Nous célébrons Notre-Dame du Bon Secours, il a donc rappelé sa dévotion à Marie, à cette aide, à ce secours auquel il se confie pour l’important ministère qui lui a été confié».
«Nous avons vécu la première visite du Pape à ses frères augustins», a commenté Mgr Lizardo Estrada Herrera, augustin lui aussi, auxiliaire de Cuzco, au Pérou, et secrétaire général du Conseil épiscopal latino-américain, encore tout émerveillé. «Je dirais que ce fut un moment normal de la vie communautaire, parce qu’il a toujours eu l’habitude de venir ici et d’être avec cette communauté: pour déjeuner et, simplement, pour partager la vie communautaire. Ce qui a changé, c’est que maintenant, il est le Saint-Père».
Comme le Pape François, le nouveau Souverain Pontife a demandé que l’on prie pour lui. «Le Pape Léon XIV a demandé nos prières, nous a remerciés et nous a exhortés à continuer à être de bons Augustins, à faire connaître saint Augustin. Nous sommes reconnaissants d’avoir vécu ce moment de joie. Nous avons apprécié d’être avec lui, c’était vraiment une émotion particulière».
Une journée ordinaire, mais en même temps si extraordinaire qu’elle ne se reproduira peut-être pas. «Le Pape a dit qu’il ne pourra plus venir tous les jours, comme avant», a conclu l’évêque avec la nostalgie de celui qui sait que son frère est devenu le père et le pasteur de tous.