Editoriaux

Marcher sans avoir peur des défis de l’histoire

 Marcher sans avoir peur  des défis de l’histoire  FRA-006
14 mai 2025

Andrea Monda

Léon, le nom frappe sans aucun doute. La pensée va immédiatement à Léon XIII, au Pape Pecci qui a choisi ce nom le 20 février 1878. Treize ans plus tard, il promulgua l’Encyclique Rerum novarum, l’emblème de son pontificat. Le Pape des «choses nouvelles». L’Eglise, dépouillée du règne temporel, se présentait au monde non plus comme un Etat parmi tant d’autres, mais, libérée de ce poids, elle pouvait se présenter au monde en devenant simplement davantage levain, sel de la terre. Privée de sa «carapace», désarmée, l’Eglise devait et pouvait marcher dans le monde comme compagne de route des gens ordinaires et encourager le cœur et l’esprit des hommes et des femmes souvent égarés, blessés, découragés. Parmi ces «choses nouvelles», Léon XIII, par exemple, expérimenta le monde de la communication, en se laissant filmer en 1898 dans une séquence cinématographique, ce septième nouvel art qui venait de naître. Mais ensuite, c’est surtout l’Eglise du Pape Pecci qui voulut regarder le monde avec un cœur de mère et affronter immédiatement les problèmes plus graves de la société, ses questions cruciales comme les thèmes de l’économie et des conditions des travailleurs. Le texte de cette Encyclique devint immédiatement une pierre angulaire de la Doctrine sociale de l’Eglise et contribua à rendre plus humaines les conditions dans lesquelles se trouvent des millions d’hommes et de femmes.

Aujourd’hui, la situation se répète d’une certaine façon. Aujourd’hui aussi, le monde semble plein de «choses nouvelles». Nous vivons un «changement historique», comme l’a dit et toujours répété le Pape François, et les anciennes catégories d’interprétation ne suffisent plus. Certains problèmes sont restés les mêmes, les conditions dont parlait Léon XIII ne sont pas entièrement améliorées et l’économie possède aujourd’hui encore un visage inhumain qui produit des «rebuts». Et voici que l’Eglise appelle un homme du Nouveau Monde pour affronter ces défis anciens et nouveaux avec courage, «sans peur». Ainsi, par deux fois au moins, le Pape Léon XIV a répété dans son premier salut: «sans peur». Cette expression encourageante, ou d’autres semblables comme «n’ayez pas peur», représente le message le plus répété dans le texte biblique. Le Pape a voulu dès les premiers jours répéter le message que Jésus et ses prédécesseurs sur le Siège de Pierre ont répété au cours de ces vingt siècles, une parole d’encouragement, de confiance, d’espérance.

Vendredi 9 mai au matin, dans l’homélie devant ses confrères cardinaux dans la chapelle Sixtine, là où quelques heures auparavant, les 132 autres, provenant de 71 nations différentes, l’ont élu, le Pape a parlé de l’urgence de la mission évangélisatrice, «car le manque de foi entraîne souvent des drames tels que la perte du sens de la vie, l’oubli de la miséricorde, la violation de la dignité de la personne sous ses formes les plus dramatiques, la crise de la famille et tant d’autres blessures dont notre société souffre con-sidérablement».

Du haut de la Loggia des bénédictions, dans l’après-midi du 8 mai, le nouveau Pape a en outre rappelé que le devoir de l’Eglise et des chrétiens est de «construire des ponts, par le dialogue, par la rencontre, en nous unissant tous pour être un seul peuple toujours en paix». Et, tandis qu’il parlait au monde entier, il a voulu, en espagnol, adresser un salut à son «cher diocèse de Chiclayo, au Pérou, où un peuple fidèle a accompagné son évêque». Cette union d’universalité et de particularité, d’éternel et de contingent, appartient précisément à la nature de l’Eglise, institution humaine et divine. Parce que ce monde, que le chrétien, à la suite du Christ, est appelé à ne pas juger mais à aimer (Jn 3, 17), est uni à Dieu par le «pont» le plus grand, Jésus lui-même. «Alors — a-t-il exhorté — sans crainte, unis main dans la main avec Dieu et entre nous, allons de l’avant. Nous sommes disciples du Christ. Le Christ nous précède. Le monde a besoin de sa lumière. L’humanité a besoin de Lui comme pont pour être rejoint par Dieu et par son amour». Ces mains unies forment l’Eglise, où les mains des êtres humains s’unissent à la main de Dieu qui soutient toute l’humanité.

A présent, il nous revient à nous chrétiens de suivre Léon XIV, appelé à être Evêque de Rome et pasteur universel. De le suivre jusqu’à disparaître et devenir petit «pour que le Christ demeure» comme il l’a dit dans l’homélie de sa première Messe. Disparaître précisément comme le sel qui, pour donner du goût, doit disparaître, comme la graine qui doit mourir pour donner du fruit. Suivre le pasteur comme le fait le troupeau, sans peur.