
Philippe Lefebvre
Faculté de théologie
de l’Université de Fribourg
Jésus est au temple et il a dé-ployé tout un enseignement en paraboles: il est le berger et ses brebis le connaissent. Puis il a marché dans l’esplanade du temple, circulant notamment sous le portique de Salomon, au moment où l’on célébrait la fête de la Dédicace. Il est alors apostrophé par des autorités religieuses qui lui demandent de dire clairement s’il est bel et bien le Messie. Jésus leur répond: «Je suis le bon Pasteur…» — c’est le début de notre extrait. Mais il est important, pour entendre vraiment ses paroles, d’avoir en tête ce contexte immédiat.
Le temple nous entraîne à l’époque de David, le roi messie d’Israël, qui a conquis Jérusalem — notamment la colline où le temple sera construit (2 S 5). C’est Salomon, son fils, qui fit ériger ce sanctuaire (1 R 6-7). Détruit, reconstruit, le temple et son esplanade ont encore un «portique de Salomon», qui n’est sans doute pas de l’époque de ce roi, mais qui en rappelle le nom. Et puis la fête de la Dédicace qu’on y célèbre fait mémoire du temple qui, ravagé deux siècles auparavant par le roi Antiochos iv, fut purifié et remis en service.
Pour répondre à ceux qui l’interrogent, Jésus reprend donc la parabole, lancée plus tôt, sur le bon berger qui connaît ses brebis. En cela, il retrouve les paroles de son ancêtre David qui commença par être berger pour le compte de son père. Quand il se présenta pour combattre Goliath et qu’on lui fit remarquer qu’il n’avait aucune expérience du combat militaire, David déclara qu’au péril de sa vie il avait plusieurs fois arraché ses brebis de la gueule des prédateurs. Le roi David déploiera à plusieurs reprises l’image du troupeau pour désigner le peuple dont il est le berger (2 S 24, 17). Au temple où il se trouve, Jésus apparaît aussi comme le nouveau Salomon, dépositaire de la parole de son père David (1 R 8, 24), une parole qui s’accomplit avec l’avènement de Salomon comme roi — et qui s’accomplit définitivement par l’avènement de Jésus. Rappelons au passage que la première dédicace du temple fut faite par Salomon (1 R 8, 63) et que le terme qui désigne les parvis au temple désigne aussi par ailleurs les enclos des brebis.
L’expérience des bergers et la vie du temple sont donc en interaction depuis longtemps dans la Bible. Jésus au temple parle du troupeau de ses brebis. Il est UN avec le Père et il nous propose d’être unis intimement à Lui et donc au Père. Au début de notre évangile, quand Jésus fait son apparition publique, Jean-Baptiste le désigne aussitôt comme «l’Agneau de Dieu» (Jn 1, 29). Le berger est donc aussi agneau, solidaire du plus fragile du troupeau, du plus exposé. Il est ainsi uni au plus faible, tout en étant uni au Père. Sa chair sainte peut s’unir aussi avec nos chairs fragiles, flageolantes. Il nous rassemble en Lui comme un berger son troupeau. Le temple où il nous conduit, comme il le dit dès les débuts de sa mission, c’est «le temple de son corps» (Jn 2, 21).