
Emma a 14 ans et travaille dans une boulangerie. Ce n’est plus une enfant, mais ce n’est pas encore une femme. Pourtant, elle devient d’abord un témoin inconscient, puis conscient, et même actif de la Résistance des partisans contre les troupes nazi-fascistes, dans la ville de Venise occupée entre janvier et avril 1945. L’histoire racontée par Vichi De Marchi dans le beau livre « Il segreto del naso di Rioba » [Le secret du nez de Rioba] (Éditions Emons), écrit pour des lecteurs de 10 à 13 ans (mais aussi très agréable pour les adultes), possède la fraîcheur du regard d’Emma : curieux, audacieux, limpide. C’est ce point de vue, celui d’une adolescente, qui rend le récit inédit. Non seulement parce qu’il nous fait regarder des années que nous connaissons déjà bien avec les yeux d’une jeune fille qui n’en sait rien, mais aussi parce qu’il nous rappelle que beaucoup de partisans étaient à peine plus âgés qu’Emma. D’ailleurs, les autres personnages du livre, qui guideront la jeune fille à la découverte du monde des partisans, sont son frère aîné Mario et Elio, qui travaille avec elle à la boulangerie de Monsieur Bepi, tous deux à peine plus âgés qu’Emma.
Dans une progression qui captive l’attention au fil des pages, Emma, chapitre après chapitre, découvre le monde de la Résistance qui vit caché dans le quotidien qu’elle fréquente. En même temps, elle aussi change peu à peu, grandit, découvre de nouveaux sentiments, élargit les frontières de son petit univers. C’est un livre d’aventures qui mêle invention et faits réellement arrivés. Si Emma est un fruit de l’imagination, ce n’est pas la cas, par exemple, des stratagèmes que les partisans utilisaient pour communiquer (comme un cahier caché dans un monument) ou la créativité avec laquelle on essayait de mobiliser la population (les tracts cachés qu’on lançait des loges du Théâtre Goldoni, un épisode qui s’est réellement produit). Et c’est peut-être là l’un des mérites du livre : nous rappeler qu’on peut être un héros même à quatorze ans. Mieux encore, que c’est justement à cet âge-là qu’on est fait pour devenir des protagonistes audacieux et imaginatifs de l’Histoire.
Elisa Calessi