
Anne-Marie Pelletier
Théologienne
Membre de l’Académie pontificale pour la vie
Ce dimanche résonne de l’acclamation de Pâques. L’Eglise exulte de joie, tout éblouie par l’événement: Jésus, le crucifié du Golgotha, est vivant. La vie a vaincu la mort, la croix a vaincu l’enfer. Et la nouvelle circule, grande rumeur qui passe de bouche en bouche: «Christ est ressuscité!», «Oui, il est vraiment ressuscité!». Mais, n’oublions pas: cette vérité repose sur le témoignage de l’Evangile, sur celui de ceux et celles qui ont vu et auxquels le grand secret a été partagé, pour qu’il remplisse la terre et parvienne jusqu’à nous.
Alors qu’ont-ils vu, ces témoins? Au long de ces jours, la liturgie va nous rappeler les moments où Jésus s’est rendu visible à ses disciples, à commencer, ce soir même, dans l’auberge d’Emmaüs. La Messe de ce jour nous transporte, elle, aux premières heures du matin, quand Marie-Madeleine presse le pas jusqu’au tombeau. «C’étaient encore les ténèbres», dit le récit. De fait, il ne peut s’agir pour elle, après les heures de la Passion, que d’aller honorer un mort bien-aimé.
Première surprise cependant, la pierre du tombeau est roulée. Qu’est devenu le corps de Jésus? Qui a pu le déplacer? Et pour le déposer où? Marie-Madeleine court partager sa perplexité à Simon-Pierre et à l’autre disciple. Pour l’instant, il n’est question que d’un constat étrange. D’ailleurs, Matthieu évoquera le bruit répandu par les autorités pour faire croire que ses disciples ont dérobé le corps de Jésus. Mais voilà que l’évangile centre l’attention sur un détail décisif. On nous dit que le premier disciple, en se penchant, aperçoit les linges posés à plat, qui ont servi à ensevelir Jésus. Même remarque pour Simon-Pierre. Entrant dans le tombeau, «il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, roulé à part, à sa place». A l’évidence, ce qui est advenu dans ce tombeau, ce n’est pas le rapt précipité d’un corps, que des voleurs auraient emporté naturellement tout enveloppé. C’est l’acte souverain d’un Vivant, qui a déposé les linges de la mort, pour se lever dans la puissance glorieuse de la vie de Dieu. Jésus a traversé la mort et l’a vaincue.
Le signe est d’une certaine manière minuscule comparé à l’affirmation que nous portons aujourd’hui dans l’allégresse de Pâques. Mais le récit le met fortement en valeur. C’est d’ailleurs avec la même discrétion que Jésus aura été manifesté, à sa naissance, quand le signe donné aux bergers est celui d’un enfant emmailloté dans une crèche. Chrétiens, nous sommes appelés à notre tour aujourd’hui à croire, en accueillant le signe silencieux des linges soigneusement disposés, la signature du Vivant en quelque sorte. Alors, par-delà le vacarme du temps, nous recevrons à neuf le message de Pâques: Dieu règne, comme le proclame le psaume. Il règne, dans la force de son amour, sur toutes les puissances de mort, qui prétendent faire la loi. Et il nous appelle à être témoins de sa victoire