L’Eglise au défi de l’ia

 L’Eglise au défi de l’ia  FRA-003
04 mars 2025

Charles de Pechpeyrou

Ces dernières semaines, l’on a pu voir le Vatican s’exprimer à de nombreuses reprises sur le thème de l’intelligence artificielle. Il y eut d’abord la Note Antica et Nova, publiée le 28 janvier conjointement par le Dicastère pour la doctrine de la foi et le Dicastère pour la culture et l’éducation. Quelques jours plus tard, le Pape François a adressé un message au président français Emmanuel Macron à l’occasion du iiie Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle des 10 et 11 février à Paris. Un autre message du Souverain Pontife a été envoyé cette fois-ci aux participants au Congrès latino-américain «Intelligence artificielle et abus sexuels: un nouveau défi pour la prévention», organisé du 25 au 27 février à Lima par le Centre de recherche et formation pour la protection des mineurs du Conseil épiscopal latino-américain (Celam). Au même moment se tenait au siège genevois des Nations unies le débat de haut niveau de la session 2025 de la Conférence du désarmement, lors duquel Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les Etats et les organisations internationales, a pris la parole. On peut encore citer l’intervention de Mgr Richard Gyhra, représentant permanent du Saint-Siège auprès de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le 26 février à Vienne. Bref, les occasions n’ont pas manqué pour évoquer les risques et les dangers aussi bien que les opportunités et les innovations positives liées à l’intelligence artificielle.

Parmi les domaines concernés par l’ia ne figurent pas seulement la géopolitique, la sécurité ou la -technologie. La culture, et l’art notamment, se trouvent bousculés de manière particulière, en ce qu’ils renvoient à l’homme, entendu cette fois comme personne créatrice. D’un côté, l’ia peut représenter un formidable instrument au service de la (re)découverte des trésors culturels que le christianisme offre à l’humanité. Visiter une cathédrale à distance en réalité augmentée? C’est l’affaire de quelques années, sinon quelques mois. De l’autre, pour ce qui est de la création à proprement parler d’œuvres d’art, les questions sont plus nombreuses que les réponses. «Les esprits vont devoir s’adapter — commente dans nos colonnes le père Laurent Stalla-Bourdillon, directeur du Service pour les professionnels de l’information (Spi) auprès de la Conférence des évêques de France (Cef) — c’est comme l’irruption d’une nouvelle catégorie dans le paysage des créations».

Ainsi, quand les perspectives et les possibilités se trouvent décuplées de manière aussi exponentielle, que reste-t-il de propre à l’artiste? Nick Cave — dont ce numéro rapporte des propos tenus il y a deux ans — esquissait une réponse: «Ce que nous, humbles humains, pouvons offrir, et que l’ia ne peut qu’imiter, c’est le voyage transcendant de l’artiste qui est toujours aux prises avec ses propres défauts. C’est là que réside le génie humain, profondément ancré dans ces limites, tout en les dépassant». Signe des temps, une des séries qui rencontrent le plus de succès actuellement est le thriller allemand Cassandra diffusé sur Netflix, qui explore les thèmes croisés de l’ia et du transhumanisme. Elle montre combien, si performante soit elle, cette intelligence-là manquera toujours de chair. Virtuose de l’imitation, elle ne remplacera jamais la main et le cœur de l’artiste, où l’histoire singulière d’un être s’incarne dans un corps, en un lieu et un moment donné. En somme, l’ia nous met au défi de notre humanité.