Ce pardon qui trouve en Jésus une porte toujours ouverte

 Ce pardon qui trouve en Jésus une porte toujours ouverte  FRA-002
04 février 2025

Amedeo Lomonaco

Le chemin des jubilés, depuis ses origines en 1300, est un chemin qui traverse des contextes historiques très différents. C’est un itinéraire de foi toujours orienté par la même boussole: celle du pardon qui trouve en Jésus une «Porte» toujours ouverte. L’histoire des Années Saintes, en particulier, peut également être lue à travers les Bulles d’indiction, des documents généralement rédigés en latin et portant le sceau du Pape, qui indiquent les dates de début et de fin du «jubilé». A l’origine, le sceau — c’est-à-dire la «bulle» — était généralement en plomb et portait sur le devant l’image des saints apôtres Pierre et Paul. Les Bulles d’indiction des Jubilés du xxe et du xxie siècles croisent des tournants cruciaux de l’histoire, des temps marqués par le progrès mais aussi par des conjonctures dramatiques. Dans la Bulle de l’Année Sainte 1900, Properante ad exitum saeculo, Léon xiii, le Pape de Rerum Novarum, rappelle le contexte dans lequel se déroule le passage entre deux siècles, marqué par les «conditions changées de Rome», proclamée capitale du royaume d’Italie. Le Jubilé de 1900, qui voit le Saint-Père «prisonnier au Vatican» en raison de la question romaine, s’inscrit dans un monde de plus en plus petit, où les bateaux à vapeur sillonnent rapidement les océans et le réseau ferroviaire se révèle de plus en plus étendu. Faisant référence à l’Année Sainte, Léon xiii lance un appel pour le réveil de la foi du peuple chrétien et exhorte à gagner le défi de la modernisation. La première période des années 1900 est secouée par la Première Guerre mondiale qui, à partir de 1914 et jusqu’en 1918, enflamme l’Europe. Des millions d’hommes se battent et meurent. Les armes, notamment les gaz toxiques, les chars et les avions équipés de bombes, sont de plus en plus dévastatrices. Un autre événement de cette première partie du xxe siècle, marquée entre autres par la montée des totalitarismes, est la destitution du tsar russe et la victoire des révolutionnaires communistes. En 1924, Pie xi proclame l’Année Sainte 1925 par la Bulle intitulée Infinita Dei Misericordia. Dans ce document, le Pape exprime son souhait pour une «restauration de la société». De nombreux pays sont encore bouleversés par les blessures déchirantes provoquées par la Première Guerre mondiale. «Il est difficile — écrit le Souverain Pontife — que les liens de fraternité entre les peuples puissent être restaurés et qu’une paix durable puisse être rétablie si les citoyens et les gouvernements eux-mêmes ne sont pas imprégnés de cette charité qui, surtout à cause de la guerre, semble malheureusement depuis longtemps endormie et presque abandonnée». En 1933, à l’occasion du 1900e anniversaire de la mort de Jésus, s’ouvre le Jubilé extraordinaire de la Rédemption, annoncé par Pie xi dans la Bulle d’indiction Quod Nuper. «Que les hommes — écrit le Pape — détournent, au moins un peu, leurs pensées des choses terrestres et passagères, au milieu desquelles ils se débattent si péniblement aujourd’hui, vers les choses célestes et éternelles; et que des conditions trépidantes et tristes de cette époque, ils élèvent leur âme vers l’espérance de ce bonheur auquel Jésus-Christ Notre Seigneur nous a appelés». C’est une période où, dans divers pays, l’on assiste à la démolition des valeurs démocratiques. Dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale, de fortes tensions sociales et des revendications nationalistes ont en effet été la toile de fond sur laquelle se sont instaurés les régimes totalitaires. Le fascisme en Italie et le nazisme en Allemagne conduisent le monde vers la Seconde Guerre mondiale. Une horreur qui provoque plus de 50 millions de morts et d’immenses destructions.

La Bulle annonçant le Jubilé de l’Année Sainte 1950, Iubilaeum Maximum, suit le drame de la Seconde Guerre mondiale. Le souhait de Pie xii est que le Jubilé «prépare avec bonheur un retour général au Christ». Le Pape voit de l’espoir parmi les ruines, non seulement matérielles, d’un nouvel humanisme. «Que la paix revienne enfin dans le cœur de chacun, au sein du foyer, dans chaque nation, dans la communauté universelle des peuples». Les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont vu s’établir de nouveaux équilibres géopolitiques, dictés par deux grandes puissances mondiales, les Etats-Unis et l’Union soviétique. Le monde est divisé en blocs et une «guerre froide» commence, également basée sur la stratégie de dissuasion des armes nucléaires.

Les années 1970 ont été marquées, entre autres, par le processus de sécularisation, par de nombreux conflits dont celui du Vietnam et par la multiplication des mouvements de protestation des jeunes. La société de 1968 appelle à un changement profond du tissu social. C’est dans ce contexte qu’en 1975 Paul vi convoque le Jubilé par la Bulle Apostolorum Limina. L’Eglise, «sans envahir les domaines qui ne sont pas de sa compétence, veut faire ressentir aux hommes l’exigence de se convertir à Dieu». «Pour le monde entier, cet appel au renouveau et à la réconciliation répond aux aspirations les plus sincères de liberté, de justice, d’unité et de paix».

Renouvelant l’invitation exprimée au lendemain de son élection à la chaire de Pierre, Jean-Paul ii lance un appel adressé à toute l’Eglise pour le Jubilé extraordinaire de 1983, à l’occasion mille neuf cent cinquantième anniversaire de la Rédemption. C’est ce qu’exprime le titre de la Bulle d’indiction, Aperite Portas Redemptori. Le Pape nous exhorte à ouvrir les portes au Rédempteur. Les années 1980 sont une époque secouée par des fléaux comme le Sida, où l’on assiste au démantèlement progressif des barrières entre l’Est et l’Ouest. La chute du mur de Berlin en 1989 conduit à une nouvelle structure géopolitique. Un modèle économique déterminé avant tout par les processus de mondialisation commence à s’imposer dans diverses régions de la planète.

Le Jubilé de l’an 2000 accompagne les premiers pas de l’humanité vers le troisième millénaire. Dans la Bulle d’indiction, Incarnationis Mysterium, Jean-Paul ii exprime son souhait que l’Année Sainte soit «un chant unique et ininterrompu de louange à la Trinité». «Le pas des croyants vers le troisième millénaire — écrit le Pape — n’est nullement affecté par la fatigue que pourrait entraîner avec lui le poids de deux mille ans d’histoire; les chrétiens se sentent plutôt rassurés car ils ont conscience qu’ils apportent au monde la vraie lumière, le Christ Seigneur». La première décennie du troisième millénaire est bouleversée par de multiples événements, parmi lesquels l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles et le Pentagone. Ce sont des années au cours desquelles la crise financière, qui a débuté aux Etats-Unis, produit de lourdes con-séquences dans le monde entier.

«Ne tombez pas dans le terrible piège de penser que la vie dépend de l’argent et que, comparé à lui, tout le reste devient dénué de valeur et de dignité. C’est juste une illusion». C’est l’un des passages de Misericordiae Vultus, la Bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde de 2015, convoqué à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin du Concile Vatican ii. Le Pape François souligne que la pierre angulaire de la vie de l’Eglise est la miséricorde. Ce sont des années où le phénomène migratoire devient de plus en plus important et où les déséquilibres entre les régions du nord et du sud de la planète se creusent. L’Année Sainte 2025 est précédée par plusieurs fléaux, comme la pandémie et le déclenchement de nombreuses guerres, notamment en Ukraine et au Moyen-Orient. Dans la Bulle d’indiction intitulée Spes non confundit, le Pape François indique tout d’abord un horizon: «Que le premier signe d’espérance se traduise en paix pour le monde, qui se retrouve une fois de plus plongé dans la tragédie de la guerre». Le Pape souligne que, même en cette époque marquée par les réseaux numériques et l’intelligence artificielle, «l’espérance qui ne déçoit pas» reste toujours une Personne: Jésus est la «Porte» vers laquelle l’humanité doit tendre pour vivre l’espérance et trouver une véritable consolation.