Il y a quatre siècles les apparitions de Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque

La «disciple bien-aimée»

 La «disciple bien-aimée»  FRA-043
24 octobre 2024

«Je veux faire de toi la disciple bien-aimée de mon Sacré-Cœur»: une jeune sœur française, entrée depuis peu dans l’ordre de la Visitation de Sainte-Marie, prie devant le Très- Saint-Sacrement, dans la chapelle du couvent de Paray-le-Monial, en Bourgogne, lorsque Jésus lui apparaît et lui révèle le destin qui l’attend. L’épisode se déroule le 27 décembre, fête de saint Jean l’Evangéliste, l’apôtre qui, lors de la Cène, repose sa tête sur le torse de Jésus; le même qui, au moment de la crucifixion, voit la lance d’un soldat transpercer le flanc de Jésus avant que n’en jaillissent du sang et de l’eau. Nous sommes en 1673: Marguerite Alacoque, qui lors-qu’elle prononce ses vœux ajoute Marie à son nom, assiste à la première des nombreuses apparitions qui se succéderont pendant 17 ans, jusqu’au jour de sa mort.

Et c’est précisément pour célébrer le 350e anniversaire du début de l’extraordinaire expérience spirituelle de la mystique française que le sanctuaire de Paray-le-Monial, dont l’animation est confiée à la Communauté de l’Emmanuel, a décidé d’organiser un jubilé, qui a commencé le 27 décembre 2023 et finira le 27 juin 2025, solennité du Sacré-Cœur et date liturgique de la grande apparition de 1675, celle où Jésus demanda l’institution de la fête, en adressant à Marguerite-Marie ces paroles: «C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur».

«Rendre amour pour amour» est le thème choisi pour cet important moment de pèlerinages, de prières et de rencontres. La phrase fait référence à la demande de réparation que Jésus adressa en 1674 à sa «disciple bien-aimée», car déçu de ne recevoir que de l’indifférence et de l’ingratitude de la part des hommes, «comme elle le raconte dans ses écrits», explique le recteur du sanctuaire Etienne Kern. Si aujourd’hui on connait ces épisodes très détaillés, c’est grâce à son père spirituel, le jésuite Claude de la Colombière (béatifié par la suite), qui reconnaît dans la jeune visitandine le charisme des saints et lui ordonne de raconter ses expériences mystiques dans ce qui deviendra son autobiographie, qui nous est parvenue. Au cours des années, la religieuse fait l’expérience d’une profonde transformation intérieure, conformant de plus en plus son cœur à celui de Jésus.

A partir de la communauté de Marguerite-Marie — et pourtant, au début, beaucoup de sœurs et de supérieurs ne la croyaient pas, voire même se riaient d’elle — le mouvement pour promouvoir la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus se diffuse rapidement dans la région. En 1721, le diocèse d’Autun, où se trouve le couvent de Paray-le-Monial, commence par instituer une fête religieuse. Quelques années après, la Pologne est le premier pays à se consacrer au Sacré-Cœur. Entre-temps, les missionnaires jésuites font connaître, avec succès, l’expérience de la mystique française en Amérique du Sud. «Mais c’est principalement au xixe siècle — qui est appelé le «grand siècle du Sacré-Cœur» — que cette dévotion se diffuse dans le monde entier», souligne Etienne Kern: des centaines de congrégations se revendiquent directement et explicitement du Sacré Cœur. De nombreux évêques et congrégations religieuses adressent une supplique au Pape pour instituer la fête du Sacré-Cœur, de sorte que la demande de Jésus à Marguerite-Marie soit réellement honorée. C’est Pie ix qui, en 1856, décide d’étendre au niveau universel la célébration de la solennité du Très Saint Cœur de Jésus.

«Aujourd’hui, l’Eglise catholique compte trois fêtes liturgiques liées à des apparitions privées», souligne le recteur de Paray-le-Monial: l’expérience mystique vécue par Marguerite-Marie se place entre celle de Julienne de Cornillon en Belgique, qui permet l’institution en 1264, quelque temps après la mort de la religieuse augustinienne, de la fête du Saint-Sacrement (aujourd’hui solennité du Corps et du Sang du Christ), et l’expérience vécue par Faustine Kowalska, à l’origine du Dimanche de la Divine Miséricorde voulu par Jean-
Paul ii.

Bien qu’appartenant à un ordre contemplatif, Marguerite-Marie Alacoque, qui jus-qu’à sa mort n’aura jamais quitté le couvent de la Visitation à Paray-le-Monial, est donc parvenue à étendre au monde entier la dévotion au Cœur de Jésus. «On peut la définir comme une religieuse de clôture missionnaire», affirme le père Kern. Une expérience de vie d’ailleurs semblable à celle de sainte Thérèse de Lisieux, déclarée “patronne des missionnaires” par Pie xi, bien qu’après ses vœux elle ne soit jamais sortie de son couvent. La diffusion hors d’Europe de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus doit aussi beaucoup au zèle missionnaire de la Compagnie de Jésus et de l’Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, dont les fruits sont encore visibles aujourd’hui. «Lorsque je vivais à Salvador de Bahia, au Brésil, où j’ai passé un certain nombre d’années avant de retourner en France, il m’arrivait de me rendre dans les favelas: souvent, quand je rentrais dans les maisons, mon regard était immédiatement attiré par un tableau représentant le Sacré Cœur», se souvient le père Kern: «l’Amérique du Sud est un continent qui souffre beaucoup et qui trouve dans la compassion du Christ une source de consolation. Jésus offre son Cœur blessé pour notre guérison».

Charles de Pechpeyrou