«Chaque personne fait partie intégrante de la famille universelle et personne ne doit être victime de la culture du rejet». Telle est la recommandation du Pape François aux participants au G7 Inclusion et Handicap, reçus dans la matinée du jeudi 17 octobre dans la salle du Consistoire. Rappelant la «Charte de Solfagnano» signée la veille «sur des thèmes fondamentaux comme l'inclusion, l'accessibilité, la vie autonome et la valorisation des personnes», le Souverain Pontife a souligné que ces thèmes rejoignent «la vision que l'Eglise a de la dignité humaine». Nous publions ci-dessous le discours du Pape.
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les délégués,
Veuillez m’excusez pour l’heure, mais il y avait beaucoup de choses de prévues aujourd’hui. Je vous salue avec gratitude et estime pour votre engagement à promouvoir la dignité et les droits des personnes en situation de handicap. Un jour, en parlant des personnes atteintes de handicap, un homme m’a dit: «Faites attention car nous en avons tous un, hein!» Nous tous. C’est vrai. Cette rencontre, cette occasion du g7 est un signe concret de la volonté de construire un monde plus juste, plus inclusif, où chaque personne, avec ses propres capacités, puisse vivre pleinement et contribuer à la croissance de la société. Au lieu de parler d’«incapacités», parlons de «capacités différentes». Nous avons tous des capacités. Je me souviens d’un groupe qui est venu ici, d’une société, d’un restaurant; aussi bien les cuisiniers que les personnes qui servaient les repas étaient en situation de handicap. Mais tous le faisaient très bien. Très bien. Je remercie Madame Alessandra Locatelli, ministre pour le handicap, présente aujourd’hui, pour avoir promu cette initiative importante. Merci.
Hier, vous avez signé la «Charte de Solfagano», fruit de votre travail sur des thèmes fondamentaux comme l’inclusion, l’accessibilité, la vie autonome et la valorisation des personnes. Ces thèmes rejoignent la vision que l’Eglise a de la dignité humaine. Chaque personne, en effet, fait partie intégrante de la famille universelle et personne ne doit être victime de la culture du rejet, personne. Cette culture cause des préjudices et nuit à la société.
Tout d’abord, il est nécessaire que l’inclusion des personnes en situation de handicap soit reconnue comme une priorité par tous les pays. Le mot handicap ne me plait pas beaucoup. Je préfère ceux-ci: capacités différentes. Malheureusement, dans certains pays, on peine aujourd’hui encore à les reconnaître comme des personnes de dignité égale (cf. Lett. enc. Fratelli tutti, 98). Rendre le monde inclusif signifie non seulement adapter les structures, mais également changer les mentalités, afin que les personnes en situation de handicap soient considérées à tous points de vue comme des acteurs de la société. Il n’y a pas de véritable développement humain sans la contribution des plus vulnérables. En ce sens, l’accessibilité universelle devient une grande finalité à atteindre, afin que chaque barrière physique, sociale, culturelle et religieuse soit abattue, permettant à chacun de mettre à profit ses talents et contribuer au bien de la maison commune. Et ce, à chaque phase de la vie, de l’enfance à la vieillesse. Cela me fait mal lorsqu’on vit selon la culture du rejet avec les personnes âgées. Les personnes âgées sont la sagesse et on les jette comme si elles étaient des chaussures laides.
Garantir des services adéquats aux personnes en situation de handicap n’est pas une question d’assistanat — cette politique de l’assistanat: non, ce n’est pas ça — mais de justice et de respect de leur dignité. Tous les pays, donc, ont le devoir de garantir les conditions pour que chaque individu puisse se développer pleinement, en communautés inclusives (cf. Fratelli tutti, 107).
Il est donc important d'œuvrer ensemble pour qu’il soit possible aux personnes en situation de handicap de choisir leur propre chemin de vie, en les libérant des chaînes du préjudice. La personne humaine — rappelons-le — ne doit jamais être être traitée comme un moyen, mais toujours comme une fin! Cela signifie, par exemple, valoriser les capacités de chacun, offrant des opportunités de travail digne. Exclure quelqu’un de la possibilité de travailler est une grave forme de discrimination (cf. Fratelli tutti, 162). Le travail, c’est la dignité; c’est l’onction de la dignité. Si l’on exclue la possibilité, on lui enlève cela. La même chose peut être dite pour la participation à la vie culturelle et sportive: c’est une offense à la dignité humaine.
Les nouvelles technologies peuvent aussi être de puissants outils d’inclusion et de participation, à condition qu’elles soient accessibles à tous. Elles doivent être destinées au bien commun, au service de la culture de la rencontre et de la solidarité. La technologie doit être utilisée avec sagesse, afin de ne pas créer de nouvelles inégalités, mais afin qu’elle devienne un moyen pour les vaincre.
Enfin, le thème de l’inclusion doit tenir compte des urgences de notre maison commune. Nous ne pouvons pas ignorer les urgences humanitaires liées à la crise climatique et aux conflits qui touchent de façon disproportionnée les personnes les plus vulnérables, dont celles en situation de handicap (cf. Lett. enc. Laudato si’, 25). Il est de notre devoir de garantir que les personnes porteuses de handicap ne soient pas mises de côté dans ces situations, qu’elles soient protégées, qu’elles soient assistées de façon adéquate. Il faut construire un système de prévention et de réponse aux urgences qui tienne compte de leurs exigences spécifiques et qui garantisse que personne ne soit exclu de la protection et du secours.
Mesdames et Messieurs, je vois votre travail comme un signe d’espérance, dans un monde qui trop souvent oublie les personnes porteuses de handicap ou qui, malheureusement, les rejette même avant qu’elles naissent: ils voient les échographies et… au rebut. Je vous exhorte à continuer sur cette voie, inspirés par la foi et par la conviction que chaque personne est un don; chaque personne est un don précieux pour la société. Saint François d’Assise, témoin d’un amour sans limite pour les plus fragiles, nous rappelle que la vraie richesse se trouve dans la rencontre avec les autres — cette culture de la rencontre doit être développée —, spécialement avec ceux qu’une fausse culture du bien-être tend à rejeter. Parmi les personnes victimes de ce rejet se trouvent les grands-parents: les grands-parents, les personnes âgées en maison de retraite. C’est vraiment laid. Je connais une histoire très belle. On raconte que le grand-père vivait avec sa famille. Mais le grand-père a vieilli et à table, il mangeait et se salissait… Un jour, le père fabrique une table pour la mettre dans la cuisine et dit: «Papy mangera dans la cuisine, comme ça nous pourrons inviter des gens». Le temps passe et un jour, le père rentre à la maison et trouve son fils de cinq ans qui joue avec du bois. [Il lui demande]: «Qu’est-ce que tu fais?» — «Je fais une table» — «Une table? Pourquoi?» — «Pour toi, papa. Pour quand tu seras vieux». Ce que nous faisons aux personnes âgées, nos enfants le feront à nous. Ne l’oublions pas. Ensemble, nous pouvons construire un monde où la dignité de chaque individu est pleinement reconnue et respectée.
Que Dieu vous bénisse et vous accompagne, toujours. Merci.