«Aujourd’hui, nous exprimons aussi notre honte face au scandale de la division chrétienne, au scandale de ne pas témoigner ensemble du Seigneur Jésus. Ce Synode est une opportunité pour mieux faire, en surmontant les murs qui existent encore entre nous». C’est ce que le Pape François a affirmé dans l’homélie remise à l’occasion de la Veillée de prière œcuménique dans la soirée du vendredi 11 octobre, sur la place des Protomartyrs romains au Vatican. Voici le texte de l'homélie.
«Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée» (Jn 17, 22).
Ces mots de la prière de Jésus avant la Passion peuvent être d’une façon éminente liés aux martyrs, glorifiés pour leur témoignage rendu au Christ. En ce lieu, nous nous souvenons des premiers martyrs de l’Eglise de Rome: c’est sur leur sang que cette basilique a été construite, c’est sur leur sang que l’Eglise a été édifiée. Puissent ces martyrs renforcer notre certitude qu’en nous rapprochant du Christ, nous nous rapprochons les uns des autres, soutenus par la prière de tous les saints de nos Eglises, déjà parfaitement unis par leur participation au Mystère pascal. Comme l’affirme le décret Unitatis redintegratio (ur), dont nous fêtons le soixantième anniversaire, plus les chrétiens sont proches du Christ, plus ils sont proches les uns des autres (cf. n. 7).
En ce jour où nous nous souvenons de l’ouverture du Concile Vatican ii, qui a marqué l’entrée officielle de l’Eglise catholique dans le mouvement œcuménique, nous sommes réunis avec les Délégués fraternels, nos frères et sœurs des autres Eglises. Je fais donc miennes les paroles que saint Jean xxiii a adressées aux observateurs lors de l’ouverture du Concile: «Votre estimable présence ici, l’émotion qui étreint mon cœur de prêtre, d’évêque de l’Eglise de Dieu […] m’invitent à vous confier l’aspiration de mon cœur, qui brûle du désir de travailler et de souffrir pour que s’approche l’heure où s’accomplira pour tous la prière du Christ lors de la dernière Cène» (13 octobre 1962). Entrons dans cette prière de Jésus, faisons-la nôtre dans l’Esprit Saint, accompagnée par celle des martyrs.
L’unité des chrétiens et la synodalité sont liées. En effet, si «le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire» (Discours 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 17 octobre 2015), il doit être parcouru par tous les chrétiens. «Le chemin de la synodalité […] est et doit être œcuménique, de même que le chemin œcuménique est synodal» (Discours à Sa Sainteté Mar Awa iii , 19 novembre 2022). Dans les deux processus, il ne s’agit pas tant de -construire quelque chose que d’accueillir et de faire fructifier le don que nous avons déjà reçu. Et comment se présente le don de l’unité? L’expérience synodale nous aide à en découvrir certains aspects.
L’unité est une grâce, un don imprévisible. Ce n’est pas nous qui sommes le véritable protagoniste, mais l’Esprit Saint qui nous guide vers une plus grande communion. De même que nous ne savons pas à l’avance quel sera le résultat du Synode, nous ne savons pas exactement comment sera l’unité à la quelle nous sommes appelés. L’Evangile nous dit que Jésus, dans sa grande prière, «leva les yeux au ciel»: l’unité n’est pas d’abord un fruit de la terre, mais du Ciel. C’est un don dont nous ne pouvons prévoir ni les moments ni les manières; nous devons le recevoir «sans mettre un obstacle quelconque aux voies de la Providence et sans préjuger des impulsions futures de l’Esprit Saint», comme le dit encore le décret conciliaire (ur, n. 24). Le père Paul Couturier avait l’habitude de dire que l’unité des chrétiens doit être implorée «comme le Christ le veut» et «par les moyens qu’il veut».
Un autre enseignement qui vient du processus synodal est que l’unité est un chemin: elle mûrit dans le mouvement, en chemin. Elle grandit dans le service réciproque, dans le dialogue de la vie, dans la collaboration de tous les chrétiens qui «met en plus lumineuse évidence le visage du Christ serviteur» (ur, n. 12). Mais nous devons marcher selon l’Esprit (cf. Ga 5, 16-25); ou, comme le dit saint Irénée, comme tôn adelphôn synodía, «une caravane de frères». L’union entre les chrétiens grandit et mûrit dans le pèlerinage commun «au rythme de Dieu», comme les pèlerins d’Emmaüs accompagnés par Jésus ressuscité.
Un troisième enseignement est que l’unité est harmonie. Le Synode nous aide à redécouvrir la beauté de l’Eglise dans la variété de ses visages. L’unité n’est donc pas uniformité, ni fruit de compromis ou d’équilibrismes. L’unité des chrétiens est harmonie dans la diversité des charismes suscités par l’Esprit pour l’édification de tous les chrétiens (cf. ur, n. 4). L’harmonie est la voie de l’Esprit, car Lui-même, comme le dit saint Basile, est harmonie (cf. Sur le Psaume 29, 1). Nous avons besoin de marcher sur le chemin de l’unité en vertu de notre amour pour le Christ et pour tous ceux que nous sommes appelés à servir. Sur cette route, ne nous laissons jamais arrêter par les difficultés! Nous avons confiance en l’Esprit Saint, qui incite à l’unité dans une harmonie de diversité multicolore.
Enfin, comme la synodalité, l’unité des chrétiens est nécessaire à leur témoignage: l’unité est pour la mission. «Que tous soient un… pour que le monde croie» (Jn 17, 21). C’était la conviction des Pères conciliaires lors-qu’ils ont déclaré que notre division «est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l’Evangile à toute créature» (ur, n. 1). Le mouvement œcuménique est né du désir de témoigner ensemble, avec les autres et non pas loin les uns des autres, ou pire encore, les uns contre les autres. En ce lieu, les Protomartyrs nous rappellent qu’aujourd’hui, dans de nombreuses parties du monde, des chrétiens de diverses traditions donnent leur vie ensemble pour la foi en Jésus Christ, vivant l’œcuménisme du sang. Leur témoignage est plus fort que toute parole, parce que l’unité vient de la Croix du Seigneur.
Avant de commencer cette Assemblée, nous avons eu une célébration pénitentielle. Aujourd’hui, nous exprimons aussi notre honte face au scandale de la division chrétienne, au scandale de ne pas témoigner ensemble du Seigneur Jésus. Ce Synode est une opportunité pour mieux faire, en surmontant les murs qui existent encore entre nous. Concentrons-nous sur le fondement commun de notre baptême commun, qui nous pousse à devenir des disciples missionnaires du Christ, avec une mission commune. Le monde a besoin d’un témoignage commun, le monde a besoin que nous soyons fidèles à notre mission commune.
Chers frères et sœurs, devant le Crucifix, saint François d’Assise a reçu l’appel à restaurer l’Eglise. Que la Croix du Christ nous guide nous aussi, chaque jour, sur le chemin de la pleine unité, en harmonie les uns avec les autres et avec toute la création, «car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel» (Col 1, 19-20).