L’articulation entre primauté de l’Evêque de Rome, collégialité avec les autres évêques et synodalité à l’écoute du peuple de Dieu a été le thème principal approfondi à l’occasion d’une table ronde œcuménique organisée conjointement à Rome par l’Institut Français Centre Saint-Louis et l’Institut d’études œcuméniques de l’Université pontificale Saint Thomas d’Aquin, dans la soirée du 3 octobre. La rencontre était organisée à l’occasion de la publication en français par les Editions du Cerf du document L’Evêque de Rome. Primauté et synodalité dans les dialogues œcuméniques et réponses à l'encyclique Ut unum sint, publié le 14 juin 2024 par le dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, avec l’approbation du -Pape François.
Parmi les intervenants, sœur Nathalie Becquart, sous-secrétaire de la Secrétairerie du Synode des évêques, a souligné que ce document de 155 pages «est cité par l’Instrumentum laboris sur lequel nous sommes en train de travailler». «Il existe un lien intrinsèque entre le ministère pétrinien de l’Evêque de Rome et le Synode des évêques créé à la suite du Concile Vatican ii. Le Synode comme lieu de collaboration et de dialogue entre le Pape et les évêques», a indiqué la religieuse xavière.
Dans la Constitution apostolique Episcopalis communio de 2018, le Synode est défini comme lieu de collaboration et de dialogue entre le Pape et les autres évêques. Selon ce texte le Pape est un «évêque parmi les évêques, appelé en même temps — comme Successeur de l’Apôtre Pierre — à guider l’Eglise de Rome qui préside dans l’amour toutes les Eglises». Dans Episcopalis communio, en outre, le Pape François affirme que «l’activité du Synode des évêques pourra, à sa façon, contribuer au rétablissement de l’unité entre tous les chrétiens, suivant la volonté du Seigneur que le synode pourra a sa façon participer à l’union de tous les chrétiens».
Sœur Nathalie Becquart a ensuite voulu «montrer que le processus synodal nous aide à voir la figure du ministère pétrinien sous trois aspects qui nous ont particulièrement touchés». Le premier est la dimension de l’articulation unité-diversité. Ce Synode aide à apprendre à vivre un peu différemment l’unité dans et par la diversité. Le processus met de plus en plus l’accent sur les Eglises locales et sur une nouvelle manière de vivre et penser la vie l’unité dans la diversité, en reconnaissant et valorisant les cultures particulières. C’est là «l’enjeu d’une décentralisation salutaire», comme le dit le Pape François dans Evangelii gaudium. Le deuxième point touche à une reconfiguration de ce triptyque fondamental: primauté (ministère pétrinien), collégialité (le Pape est avec tous les évêques) et synodalité de tout le Peuple de Dieu. «Comme le pen-sent plusieurs théologiens — a affirmé la responsable — avec ce Synode nous sommes dans une nouvelle phase de réception du Concile Vatican ii qui vient toucher et appeler à exercer la primauté et la collégialité à l’intérieur de toute la synodalité du Peuple de Dieu».
De son côté, le père dominicain Hyacinthe Destivelle, du dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, promoteur de la rencontre du 3 octobre, est revenu sur la genèse du document L’Evêque de Rome — qui remonte à 2020, 25e anniversaire de l’encyclique Ut unum sint —, les motivations qui ont poussé un groupe de personnes membres du dicastère et de l’Angelicum à entreprendre ce travail, et le statut du texte. Le religieux français a cité des textes de trois Papes engagés dans le parcours du dialogue entre les différentes confessions chrétiennes. Paul vi, tout d’abord, lors d’un discours au Secrétariat pour l’unité des chrétiens, le 28 avril 1967, avait admis que «le Pape, comme nous le savons fort bien, constitue sans aucun doute l’obstacle le plus grave sur la route de l’œcuménisme». Jean-Paul ii, ensuite, qui dans Ut unum sint «prie l’Esprit Saint de nous donner sa lumière et d’éclairer tous les pasteurs et théologiens de nos Eglises, afin que nous puissions chercher, évidemment ensemble, les formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d’amour reconnu par les uns et par les autres». Le Pape François, enfin, qui, quelques minutes seulement après avoir été élu, dans son premier discours, affirma à la foule présente place Saint-Pierre: «vous savez que la tâche du Conclave était de donner un Evêque à Rome». «Ce document d’études, non magistériel, fait la synthèse de tout ce qui s’est dit dans les dialogues œcuméniques théologiques — a affirmé le père Destivelle, mais ça n’est pas pour autant un working paper car il a été publié avec la bénédiction et l’autorisation du Pape». Le texte présente pour la première fois une synthèse des réponses à l’encyclique Ut unum sint et des dialogues œcuméniques sur la question de la primauté et de la synodalité, et se termine par une proposition du dicastère qui identifie les suggestions les plus significatives pour un exercice renouvelé du ministère d’unité de l’Evêque de Rome «reconnu par les uns et par les autres» (Ut unum sint, 95). «C’est un point d’arrivée mais aussi un point de départ — a synthétisé le père dominicain — nous l’avons envoyé à tous les chefs d’Eglises chrétiennes en leur demandant de nous donner leur retour d’ici fin 2024».
La rencontre au Centre Saint-Louis, en plein centre historique de la capitale italienne, a vu également la participation de plusieurs pères synodaux, tels que frère Alois, ancien prieur de la communauté œcuménique de Taizé, mon-seigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, le métropolite Job de Pisidie, du Patriarcat œcuménique de Constantinople. Mgr Paul Rouhana, évêque auxiliaire de Joubbé, Sarba et Jounieh des Maronites, a particulièrement salué la proposition contenue à la fin du document, «synthèse du dialogue entrepris sur ce thème jusqu’à présent et indication claire du chemin à suivre». Le prélat libanais a souligné en outre l’étroit lien entre le document d’étude et le Synode en cours, indiquant que l’étude du thème de «la réception des fruits du cheminement œcuménique dans les pratiques ecclésiales» a été confiée par la Secrétairerie générale du Synode des évêques, en collaboration avec le dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, au groupe d’étude numéro 10 de la deuxième session synodale. «Il revient à ce groupe — est-il indiqué — d’approfondir en premier lieu le lien entre synodalité et primauté, aux différents niveaux — local, régional et universel — dans leur interdépendance mutuelle. Le document d’étude sur l’Evêque de Rome leur servira de guide principal pour ce travail de réception». Dans son intervention mon-seigneur Rouhana s’est enfin penché sur le thème de l’œcuménisme spirituel». «Nourri par la prière, par la conversion du cœur, celui-ci est une dimension importante, non seulement de la vocation baptismale commune des chrétiens mais aussi et surtout de la vocation ministérielle dans l’Eglise à tous les niveaux».
Charles de Pechpeyrou