Le Saint-Père signe la préface du nouveau livre d’Andrea Riccardi

La voie du dialogue pour une paix possible

 La voie du dialogue pour une paix possible  FRA-041
10 octobre 2024

Le livre «Le Parole della pace» (Edb, 306 p., 21,50€) recueille les interventions d'Andrea Riccardi lors des rencontres interreligieuses de prière pour la paix promues par la Communauté de Sant'Egidio. Edité par le même historien et fondateur de la Communauté qui promeut l'«Esprit d'Assise», le volume s'ouvre sur la préface signée par le -Pape François que nous publions intégralement ci-dessous.

Ce livre, Le parole della pace, témoigne du long chemin parcouru depuis la Rencontre interreligieuse pour la paix d'Assise de 1986, voulue par saint Jean-Paul ii, jusqu'à aujourd'hui. A travers le recueil des textes d'Andrea Riccardi, prononcés dans le cadre de ces Rencontres annuelles, les problèmes actuels, les menaces de guerre et les attentes de paix se font sentir. Les énergies et les espoirs suscités par le dialogue entre les religions et entre les croyants apparaissent également. Ce sont ces sentiments qui nous aident toujours à ne pas désespérer que la paix soit possible.

L'intuition du Pape Wojtyła, qui a convoqué les religions à Assise pour prier côte à côte et non plus l'une contre l'autre, était audacieuse. Il y avait encore la guerre froide et les temps semblaient menaçants. Les religions pouvaient, d'une part, représenter des ressources pour la paix et, d'autre part, alimenter ou sacraliser les conflits.

L'événement d'Assise a étonné le monde par sa nouveauté. Ceux qui ont vécu ce 27 octobre à Assise savent qu'il a été perçu, même de loin, comme un événement historique par la population. Cependant, les controverses n'ont pas manqué, comme c'est souvent le cas pour les événements historiques. La problématique était de savoir comment poursuivre ce chemin après le grand événement d'Assise. Jean-Paul ii avait déclaré au terme de la rencontre: «Il n'y a pas de paix sans une volonté indomptable de parvenir à la paix. La paix attend ses prophètes» (Jean-Paul ii, Assise, 27 octobre 1986).

Assise «ne pouvait pas et ne devait pas rester un événement isolé», comme je l'ai dit moi-même en recevant les chefs religieux à Rome à la fin de la Rencontre internationale pour la paix, le 30 septembre 2013: «Vous avez poursuivi ce chemin et vous l'avez accéléré, en impliquant dans le dialogue des personnalités significatives de toutes les religions et des représentants laïcs et humanistes. En ces mois, nous sentons que le monde a besoin de l'esprit qui a animé cette rencontre historique. Pourquoi? Parce qu'il a tant besoin de paix. Non! Nous ne pouvons pas nous résigner à la douleur de peuples entiers, otages de la guerre, de la misère, de l'exploitation. Le chemin d'Assise, dans les années qui ont suivi 1986, a été un acte de confiance dans la prière et le dialogue pour la paix». Assise «ne devait pas et ne pouvait pas rester un événement isolé» comme je l'ai dit moi-même en recevant les chefs religieux à Rome à la fin de la Rencontre internationale pour la paix, le 30 septembre 2013: «Vous avez poursuivi ce chemin et vous en avez intensifié l’élan, en faisant participer au dialogue des personnalités importantes de toutes les religions et des représentants laïcs et humanistes. Ces mois derniers, nous sentons précisément que le monde a besoin de l’«esprit» qui a animé cette rencontre historique. Pourquoi? Parce qu’il a un grand besoin de paix. Non! Nous ne pouvons jamais nous résigner devant la douleur de peuples entiers, otages de la guerre, de la misère, de l’exploitation. L’héritage de la première rencontre d’Assise, alimentée année après année également sur votre chemin, montre que le dialogue est intimement lié à la prière de chacun».

Ce chemin a rassemblé différentes personnalités d'un point de vue religieux; il a fait des pèlerinages dans différents endroits du monde. D'abord à Rome, deux fois, dans le quartier de Trastevere, puis à Varsovie en 1989, lorsque le mur de Berlin était sur le point de tomber, ou à Bucarest. En 1998, il a ouvert la voie au premier voyage apostolique d'un Pape, Jean-Paul ii, dans un pays orthodoxe. L'«esprit d'Assise», dans la pratique du dialogue et de l'amitié, a formé des hommes et des femmes de paix issus de religions différentes, éloignées ou hostiles depuis des siècles.

Le chemin «annuel nous suggère la route: le courage du dialogue»: les chefs religieux sont appelés à être de véritables «dialogueurs», à agir dans la construction de la paix non pas comme des intermédiaires, mais comme d'authentiques médiateurs. Chacun de nous est appelé à être un artisan de la paix, à unir et non à diviser, à éteindre la haine et non à l'alimenter, à ouvrir les voies du dialogue et non à ériger de nouveaux murs!

Dialoguer, se rencontrer pour établir dans le monde la culture du dialogue, la culture de la rencontre. Tout au long du chemin, les mondes religieux se sont rapprochés. S'il existe encore des zones et des situations de fondamentalisme préoccupantes, un changement profond s'est produit dans les relations entre les croyants des différentes religions au xxie siècle, qui ont commencé à considérer le dialogue comme un élément décisif.

Je pense notamment au Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, que j'ai signé avec le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb, en 2019. Cependant, il est nécessaire de renforcer le dialogue aujourd'hui. C’est précisément en ce moment, avec tant de conflits ouverts et de menaces de guerre, que nous réalisons que «le monde étouffe sans dialogue» (Pape François, 15 juin 2014).

Un dialogue ouvert, franc et constant est nécessaire. Les religions savent que «le dialogue et la prière grandissent ou périssent ensemble. La relation de l’homme avec Dieu est l’école et la nourriture du dialogue avec les hommes» (Pape François, 30 septembre 2013). C’est pourquoi, dans le parcours entrepris dans l’esprit d’Assise, sous l’impulsion de la Communauté de Sant’Egidio, la prière a toujours été une dimension centrale. En effet, nous croyons au pouvoir humble et doux de la prière.

Après 1989, le monde s’est mondialisé, s’unifiant dans de nombreux domaines, tels que la finance, le commerce et les communications. Cependant, il est resté profondément divisé. Cette division a été alimentée par un esprit de suspicion qui a fait que les dispositifs militaires ont non seulement été préservés, mais qu'ils se sont multipliés. C’est l’idolâtrie de la force armée: depuis le développement des armes nucléaires, chimiques et biologiques, et les possibilités immenses et croissantes offertes par les nouvelles tech-nologies, il a été accordé à la guerre un pouvoir destructeur incontrôlable. En vérité, jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle l’utilisera à bon escient (Fratelli tutti). Andrea Riccardi écrit à juste titre dans ces pages: «Nous vivons à une époque où trop de gens peuvent faire la guerre, en disposant d’armements terribles».

Mais, même si nous sommes inquiets, nous ne sommes pas paralysés par la peur. Nous ne nous résignons pas à la domination de la force et de l’intimidation. Nous ne renonçons pas au dialogue, en laissant l’esprit de haine et de guerre envahir les mondes religieux et les âmes des croyants. Nous ne faisons pas marche arrière sur le chemin œcuménique et interreligieux parcouru depuis tant d’années, comme le voudrait l’esprit de division et du mal! «Les religions ne peuvent pas être utilisées pour la guerre. Seule la paix est sainte, et que personne n’utilise le nom de Dieu pour bénir la terreur et la violence», ai-je dit en participant à l’une de ces rencontres (Pape François, Rome, 25 octobre 2022).

C’est une conscience acquise sur le chemin du dialogue, de l’amitié et de la prière: la paix est sainte et le nom de Dieu ne peut être utilisé pour combattre ou terroriser! Cette conscience est répandue et enracinée dans le peuple des simples croyants qui veulent la paix. Leurs prières et celles de ceux qui souffrent de la guerre soutiennent le dialogue.

Ainsi, formés par l’amitié de tant d’années, les croyants et, en particulier, les responsables religieux et les dirigeants, forment «un réseau de paix qui protège le monde et surtout qui protège les plus faibles» (Pape François, 30 septembre 2013). Ce livre suit les moments constructifs de ce réseau. C’est pourquoi je répète ce que j’ai dit, en participant à l’une des rencontres dans l’esprit d’Assise, promues par Sant’Egidio, devant le Colisée: «Si vous voyez des guerres autour de vous, ne vous résignez pas! Les peuples aspirent à la paix».