Les appels des Papes contre la guerre ont été mêlés à l'histoire de l'Organisation

La même voix de paix

 La même voix de paix  FRA-041
10 octobre 2024

S’il y a un leitmotiv récurrent dans l'histoire diplomatique du Vatican, c'est bien l'invitation des Papes à éviter la guerre: une invitation réitérée à l'onu, une organisation à laquelle le Saint-Siège a toujours prêté une grande attention (bien que n'étant pas membre).

En 1945, le Pape Pie xii savait que la période «d’après-guerre» n'était que l'absence de guerre, et non une paix sûre. Le totalitarisme que -
Pie xii avait connu pendant la guerre avait survécu. Le Pape Pacelli déclarait à la Curie romaine à Noël 1945 que le totalitarisme était «incompatible avec une démocratie vraie et saine», un dangereux bacille qui empoisonnait la communauté des Etats. Le totalitarisme était un danger constant de guerre. «L'œuvre de paix future veut bannir du monde tout usage agressif de la force, toute guerre offensive».
Pie xii approuvait cette idée, prévenant que: «Si l'on ne veut pas que ce soit seulement un beau geste, il faut exclure toute oppression et tout arbitraire, à l'intérieur comme à l'extérieur». Pie xii, «homme de paix et Pape de guerre», le savait bien.

Pour le Pape Jean xxiii également, le lien entre la paix et les Nations unies était indissoluble. Son encyclique Pacem in Terris du 11 avril 1963 était révélatrice. Le Papa Roncalli, qui avait sauvé des Juifs de la Shoah, savait bien que l'humanité vivait «sous la menace d'un épouvantable ouragan, capable de se déchaîner à tout instant». Rappelant les paroles de Pie xii («Rien n’est perdu avec la paix. Tout peut l’être avec la guerre»), Jean xxiii espérait que les pays en possession d'armes létales puissent éviter «la surprise, l'accident» d'une nouvelle guerre; mais il craignait aussi que «si on ne met pas un terme aux expériences nucléaires tentées à des fins militaires», elles «risquent d'avoir des suites fatales pour la vie sur le globe». La guerre, la paix et la protection de la Création sont donc des éléments vitaux pour le parcours de l'homme. D'où une leçon capitale: «il devient humainement impossible de penser que la guerre soit, en notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir justice».

Paul vi s'était rendu au Palais de Verre le 4 octobre 1965, à l'occasion du 20e anniversaire de la Charte de San Francisco. Il déclarait aux délégués des Etats: «Vous sanctionnez le grand principe que les rapports entre les peuples doivent être réglés par la raison, par la justice, le droit, et la négociation, et non par la force, ni par la violence, ni par la guerre, non plus que par la peur et par la tromperie». Un manifeste clair pour des relations internationales inspirées d'un souffle universel. D'où le message du Souverain Pontife: «Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais! N'est-ce pas surtout dans ce but qu'est née l'Organisation des Nations unies: contre la guerre et pour la paix?». «Ecoutez les paroles lucides d'un grand disparu, John Kennedy, qui proclamait, il y a quatre ans: “L'humanité devra mettre fin à la guerre, ou c'est la guerre qui mettra fin à l'humanité”. Il n'y a pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre Institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d'hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d'inutiles massacres et d'épouvantables ruines sanc-tionnent le pacte qui vous unit, en un serment qui doit changer l'histoire future du monde: jamais plus la guerre, jamais plus la guerre! C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité!». Le Pape Montini avait ensuite demandé que les peuples soient libérés «des pesantes dépenses des armements» et du cauchemar de la guerre toujours imminente. C'est la seule façon pour l'onu d'être «le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale».

Paul vi consacrera à ces thèmes l'un de ses derniers messages, lu par le secrétaire aux affaires publiques de l'Eglise, Mgr Agostino Casaroli, à l'Assemblée générale le 6 juin 1978. Une note manuscrite conservée dans les archives du prélat énumère les priorités: «Objectif final: l’élimination totale de l’arsenal atomique»; non à l'arme nucléaire; renonciation «aux armes de destruction massive qui ont des effets cruels à l’excès et sans nécessité». Non au danger d'escalade des conflits.

Même Jean-Paul ier, au cours de son court pontificat, a consacré des paroles importantes à la paix et à la collaboration entre les Etats (comme dans le message Urbi et Orbi du 27 août 1978, et dans celui adressé au Corps diplomatique le 31). Il attendait beaucoup des négociations ayant mené aux Accords de Camp David pour la paix au Moyen-Orient entre le président égyptien Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous les auspices du président américain Jimmy Carter. «Tous les hommes ont faim et soif de paix, spécialement les pauvres qui dans les tumultes et dans les guerres paient le plus et souffrent le plus» avait-t-il déclaré lors de l'Angelus du 10 septembre 1978.

Le successeur du Pape Luciani, Jean-Paul ii, s'est exprimé devant les Nations unies le 2 octobre 1979. Il évoquait la guerre dans sa Pologne natale et les camps d'extermination d'Auschwitz et de Birkenau, et faisait sienne l'invitation de Paul vi à l'onu: «Jamais plus les uns contre les autres! Jamais plus la guerre». Dans la continuité idéale de ses prédécesseurs, le Pape Wojtyła mettait également en garde contre «les préparatifs de guerre continuels que manifeste en divers pays la production d'armes toujours plus nombreuses, plus puissantes et plus sophistiquées». On veut être prêt pour la guerre, mais «être prêt veut dire être en mesure de la provoquer», s'exposer au risque d'une destruction générale.

Il invitait donc à «liquider même les possibilités de provocation à la guerre, est donc nécessaire, de façon à rendre impossibles ces cataclysmes, en agissant sur les comportements, sur les convictions, sur les intentions et les aspirations des gouvernements et des peuples». Comment l'onu pourrait-elle y parvenir? En revenant aux «justes idéaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme». Pour Jean-Paul ii, ce document avait «atteint réellement les racines multiples et profondes de la guerre», qui se cachaient là où les droits inaliénables de l'Homme étaient violés. La Charte de 1945 et la Déclaration de 1948 (à laquelle se réfère également Jean xxiii dans Pacem in Terris) constituent donc un seul et même instrument pour une paix stable et durable. Le respect des droits de l'Homme dans les Etats individuels, et pas seulement au niveau international, ainsi que le renoncement aux biens matériels comme source de bien-être social en sont le corollaire.

Ces concepts ont été réitérés avec force par Jean-Paul ii au secrétaire général de l'onu, Javier Pérez de Cuéllar, lors de sa visite au Vatican le 6 avril 1982 (à cette occasion, la guerre des Malouines avait également été évoquée). Jean-Paul ii avait renouvelé son appel à la paix le 5 octobre 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de l'onu, qu'il a décrit comme la «structure interne» de la communauté mondiale, fondée sur la défense des «droits de l'Homme universels, enracinés dans la nature de la personne». Les événements de 1989 ont «donné une leçon qui va bien au-delà des frontières d'une zone géographique précise», révélant «la dignité et la valeur inestimables de la personne humaine» que les Nations unies sont appelées à défendre.

Suivant les traces de ses prédécesseurs, le Pape Benoît xvi a ajouté des réflexions utiles lors de sa visite à l'onu le 18 avril 2008. Les Etats avaient des objectifs universels «qui, même s’ils ne coïncident pas avec la totalité du bien commun de la famille humaine, n’en représentent pas moins une part fondamentale». Il avait ensuite appelé à «vision de la vie solidement ancrée dans la dimen-sion religieuse», qui conduirait «engagement contre la violence, le terrorisme ou la guerre, et à la promotion de la justice et de la paix», et faciliterait le dialogue interreligieux que les Nations unies sont appelées à soutenir.

Le 25 septembre 2015, le Pape François a célébré le 70e anniversaire de l'onu, évoquant à cette occasion un «désordre causé par les ambitions incontrôlées et par les égoïsmes collectifs». Sans les Nations unies, «l'humanité n'aurait peut-être pas survécu». Rappelant Laudato si' et l'Agenda 2030 pour le développement durable signé ce même 25 septembre 2015, François a souligné: «négation de tous les droits et une agression dramatique contre l’environnement». Bannir la guerre, sauver l'environnement et les droits: c’est un présent qui engage chacun vers l'avenir.

Matteo Luigi Napolitano