Visite à la communauté catholique dans la cathédrale Notre-Dame

L’Esprit de l’Evangile n’admet pas d’exclusions

 L’Esprit de l’Evangile  n’admet pas d’exclusions  FRA-040
03 octobre 2024

Dans l'après-midi du jeudi 26 septembre, après avoir quitté la maison de l'archevêché de Luxem-bourg où il s'est arrêté pour déjeuner, le Pape François s'est rendu à la cathédrale Notre-Dame, construite par les jésuites dans le centre historique de la ville, pour une rencontre avec la communauté catholique du pays. La rencontre a été marquée par un spectacle de danse «Laudato si'» inspiré de la vie du «poverello» d'Assise. Après le salut du cardinal-archevêque Hollerich et les témoignages d'un jeune homme, du vice-président du conseil pastoral diocésain et d'une religieuse représentant les communautés linguistiques, le Souverain Pontife a commenté ce qui avait été entendu peu de temps auparavant en improvisant des paroles.

Je voudrais reprendre ce que vous avez dit sur le drame des migrations. N’oublions pas un refrain qui dans la Bible, dans l’Ancien Testament, revient, revient, revient: la veuve, l’orphelin et l’étranger.

Avoir compassion — dit le Seigneur, déjà dans l’Ancien Testament — de ceux qui sont abandonnés. A cette époque, les veuves étaient abandonnées, les orphelins aussi, ainsi que les étrangers, les migrants. Les migrants font partie de la révélation. Un grand merci au peuple et au gouvernement du Luxembourg pour ce qu’ils font pour les migrants, merci.

Le Pape a ensuite prononcé son discours. En voici le texte.

Votre Altesse Royale,
Monsieur le cardinal et frères évêques,
chères sœurs, chers frères!

Je suis très heureux d’être ici parmi vous, dans cette magnifique cathédrale. Je remercie le grand-duc et sa famille pour leur présence; et je remercie le cardinal Jean-Claude Hollerich pour ses paroles aimables, ainsi que Diogo, Christine et sœur Maria Perpetua pour leurs témoignages.

Notre rencontre coïncide avec un important Jubilé marial par lequel l’Eglise luxembourgeoise commémore quatre siècles de dévotion à Marie Consolatrice des Affligés, patronne du pays. Le thème que vous avez choisi pour cette visite correspond bien à ce titre: «Pour servir». Consoler et servir sont, en effet, deux aspects fondamentaux de l’amour que Jésus nous a donné, qu’Il nous a confié comme une mission (cf. Jn 13, 13-17) et qu’Il nous a montré comme l’unique chemin vers la pleine joie (cf. Ac 20, 35). C’est pourquoi, dans quelques instants, nous demanderons à la Mère de Dieu dans la prière d’ouverture de l’Année mariale de nous aider à être «des missionnaires, prêts à témoigner de la joie de l’Evangile», en conformant notre cœur au sien «pour nous mettre au service de nos frères». Nous pouvons alors nous arrêter pour réfléchir précisément sur ces trois mots: service, mission et joie.

Tout d’abord, le service. Il a été dit précédemment que l’Eglise luxembourgeoise veut être «l’Eglise de Jésus-Christ, venu non pour être servi mais pour servir» (cf. Mt 20, 28; Mc 10, 45). L’image de saint François embrassant le lépreux et guérissant ses plaies a également été évoquée. S’agissant du service, je voudrais vous recommander un aspect très urgent aujourd’hui: celui de l’accueil. Je le fais ici parmi vous d’une manière particulière, parce que votre pays a — et maintient — vivante une tradition séculaire dans ce domaine, comme nous l’a rappelé sœur Maria Perpetua, et comme cela est apparu à plusieurs reprises dans les autres témoignages, à travers le cri: «todos, todos, todos!», «tous, tous, tous!», répété plusieurs fois. Oui, l’esprit de l’Evangile est un esprit d’accueil, d’ouverture à tous, et il n’admet aucun type d’exclusion (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 47). Je vous encourage donc à rester fidèles à votre héritage, à cette richesse que vous avez, en continuant à faire de votre pays une maison d’amitié pour tous ceux qui frappent à votre porte en demandant aide et hospitalité.

Cela est plus encore un devoir de justice que de charité, comme le disait déjà saint Jean-Paul ii rappelait les racines chrétiennes de la culture européenne. Il encourageait les jeunes Luxembourgeois à tracer le chemin pour «une Europe non seulement des marchandises et des biens, mais des valeurs, des hommes et des cœurs», dans laquelle l’Evangile serait partagé «dans la parole de l’annonce et dans les signes de l’amour» (Discours aux jeunes du grand-duché de -Luxembourg, 16 mai 1985, n. 4). Je le souligne parce que c’est important: une Europe et un monde dans lesquels l’Evangile serait partagé dans la parole de l’annonce et dans les signes de l’amour.

Et ceci nous amène au deuxième thème: la mission. Tout à l’heure, le cardinal-archevêque a parlé d’une «évolution de l’Eglise luxembourgeoise dans une société sécularisée». J’ai aimé cette expression: l’Eglise, dans une société sécularisée, évolue, mûrit, grandit. Elle ne se replie pas sur elle-même, triste, résignée, rancunière, non. Mais, dans la fidélité aux valeurs de toujours, elle relève le défi de redécouvrir et de revaloriser de façon nouvelle les voies d’évangélisation, en passant de plus en plus d’une simple approche de l’attention pastorale à celle de l’annonce missionnaire — et il faut du courage. Et pour ce faire, elle est prête à évoluer: par exemple — comme nous l’a rappelé Christine — en partageant les responsabilités et les ministères, en marchant ensemble comme une Communauté qui annonce et en faisant de la synodalité une «manière durable d’être en relation» entre ses membres.

Les jeunes amis qui ont interprété tout à l’heure quelques scènes de la comédie musicale Laudato si’ nous ont montré une très belle image de l’importance de cette croissance. Bravo, il ont fait très bien! Merci pour le cadeau que vous nous avez fait! Votre travail, fruit d’un effort communautaire impliquant de nombreuses personnes de l’archidiocèse, est pour nous tous un signe doublement prophétique! Il nous rappelle d’abord nos responsabilités à l’égard de la «maison commune» dont nous sommes les gardiens, et non pas les despotes. Mais ensuite, il nous fait aussi réfléchir sur la façon dont cette mission, vécue ensemble, constitue en elle-même un merveilleux instrument choral pour dire à tous la beauté de l’Evangile. Et cela est important, c’est important pour nous tous: ce qui nous pousse à la mission, en effet, ce n’est pas le besoin de «faire du nombre», de faire du «prosélytisme», mais le désir de faire connaître au plus grand nombre possible de frères et de sœurs la joie de la rencontre avec le Christ. Et je voudrais rappeler ici une belle expression de
Benoît xvi : l’Eglise ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction.

Voilà donc, au-delà des difficultés, le dynamisme vivant de l’Esprit Saint à l’œuvre en nous! L’amour nous pousse à annoncer l’Evangile en nous ouvrant aux autres, et le défi de l’annonce nous fait grandir en tant que communauté, en nous aidant à surmonter la peur de nous engager sur de nouveaux chemins et en nous incitant à accueillir avec gratitude la contribution de chacun. C’est une dynamique belle, saine et joyeuse qui nous fera du bien de cultiver en nous et autour de nous.

Venons-en ainsi au troisième mot: la joie. Diogo, en parlant de l’expérience des Journées mondiales de la jeunesse, rappelait le bonheur qu’il a ressenti à la veille de la fête, en attendant avec ses pairs de toutes provenances et de toutes nations le moment de notre rencontre, ainsi que l’émotion de se réveiller, le lendemain matin, entouré de nombreux amis; et encore l’enthousiasme ressenti lors de la préparation, faite ensemble au Portugal, et la joie, un an après, à se réunir avec les autres, ici au Luxembourg. Vous voyez? Notre foi est ainsi: elle est joyeuse, «dan-sante», parce qu’elle nous dit que nous sommes les enfants d’un Dieu ami de l’homme, qui nous veut heureux et unis, et ne peut être davantage réjoui que par notre salut (cf. Lc 15, 4-32; Saint Grégoire Le Grand, Homélies sur les Evangiles, 34,3). A ce propos, je vous en prie, ces chrétiens tristes, ennuyeux et à la triste mine font du tort à l’Eglise. Non, ce ne sont pas des chrétiens. S’il vous plaît, ayez la joie de l’Evangile: c’est ce qui nous fait tant croire et grandir.

A ce propos, je voudrais conclure en rappelant une autre belle tradition de votre pays, dont on m’a parlé: la procession de printemps — Springprozession — qui a lieu à Echternach à la Pentecôte en mémoire de l’infatigable travail missionnaire de saint Willibrord, évangélisateur de ce pays. Toute la ville se déverse dans les rues et sur les places en dansant, avec de nombreux pèlerins et visiteurs qui accourent, et la procession devient une très grande et unique danse. Rappelons-nous que le roi David dansait devant le Seigneur et c’était une expression de fidélité. Grands et petits, tous dansent ensemble vers la cathédrale — cette année, même sous la pluie, paraît-il —, témoignant avec enthousiasme, en souvenir du saint pasteur, combien il est beau de marcher ensemble et de se retrouver tous frères autour de la table de notre Seigneur. Et ici, juste un petit mot: s’il vous plaît, ne perdez pas la capacité de pardonner. Vous savez que nous devons tous pardonner, mais savez-vous pourquoi? Parce que nous avons tous été pardonnés et que nous avons tous besoin de pardon.

Chères sœurs, chers frères, elle est belle la mission que le Seigneur nous confie: consoler et servir à l’exemple et avec l’aide de Marie. Merci à vous, personnes consacrées pour le travail que vous accomplissez, séminaristes, prêtres, tous; et pour l’aide généreuse que vous avez voulu partager avec ceux qui sont dans le besoin. Là où se trouve un nécessiteux, là se trouve le Christ. Je vous bénis et je prie pour vous. Et vous aussi, s’il vous plaît, priez pour moi. Merci.