Ayyaz rêvait d'aller à l'école. Chaque jour, avec ses grands yeux foncés, il regardait d'autres enfants de 6 ans, comme lui, enfiler leur cartable ou porter des livres et des cahiers. Lui, non, il ne pouvait pas. De l'aube au coucher du soleil, pendant 16 heures par jour, il travaillait à l'usine, il mélangeait de l'argile, créait des files infinies de briques, les faisait sécher, cuire, les empilait et les chargeait sur des chariots. Ayyaz faisait tout ça depuis qu'il avait 4 ans. Pour quelques roupies par jour, Ayyaz et sa famille de pauvres chrétiens pakistanais (parents, sœurs, grands-parents) ont été obligés de vivre comme des esclaves, dans le cadre d'une pratique légalisée par une dette contractée quelques années auparavant par son père, Cecil Masih, avec le propriétaire de l'usine. Par un mécanisme vicieux, la dette n'est jamais acquittée à cause d'intérêts qui s'accroissent année après année, contraignant des familles entières pauvres à être des esclaves à vie. Dans la société pakistanaise, de nombreuses familles prisonnières de ce système sont chrétiennes et appartiennent aux classes les plus pauvres de la population, et sont donc amenées à contracter une dette. Les enfants aussi en paient le prix, puisqu'ils sont pris dans l'endettement familial et sont contraints de sacrifier leur vie, leur éducation, leur avenir, écrasés par la charge de travail qui les prive de leur enfance.
Le fléau du travail infantile au Pakistan existe depuis longtemps. Il y a 30 ans, l'histoire du petit Iqbal Masih, employé dans un atelier textile, est devenue un symbole international. Dans le pays, dans les années 90, le mouvement syndical «Front de libération contre le travail forcé» sensibilisait l'opinion publique et les institutions sur le fléau des enfants esclaves. En 1992, Iqbal, au cours d'une cérémonie publique, improvisa un discours historique, dénonçant de façon directe et ferme les conditions de travail des enfants dans l'atelier de tapis où il était détenu. Son discours fut repris par les journaux nationaux, secoua les consciences sur la société pakistanaise et leva le voile sur un fléau connu, mais toléré. Iqbal a été libéré et a commencé à voyager dans le monde entier, parlant des droits niés aux enfants dans son pays et contribuant au débat sur les droits internationaux de l'enfant. Devenu «porte-parole mondial» de la tragédie des enfants travailleurs, l'histoire d'Iqbal (qui a été tué à l'âge de 12 ans dans des circonstances mystérieuses) est rapidement devenue le symbole d'une lutte qui concernait l'ensemble de l'humanité, car «aucun enfant», disait-il, «ne devrait jamais tenir un outil de travail. Les seuls outils qu'un enfant devrait tenir sont des stylos et des crayons».
Ayyaz ne connaissait pas l'histoire d'Iqbal, mais son cœur était habité par le même désir dissimulé qu'il n'avait pas le courage de confier à ses parents. Jusqu'à ce qu'un «ange» s'approche de lui et lui demande s'il voulait aller à l'école. Ayyaz est resté perplexe. Il a regardé ce garçon dans les yeux et, pour la première fois depuis des mois, il a esquissé un sourire. Le jeune homme qui lui parlait était l'un des bénévoles qui œuvrait aux côtés du père Emmanuel Parvez, 74 ans, un prêtre catholique du diocèse de Faisalabad qui, au cours de sa longue expérience pastorale, a rencontré et connu de nombreux «petits esclaves», faisant de leur délivrance sa mission. Grâce à des donateurs étrangers, notamment européens et américains, le prêtre collecte des fonds pour rembourser les dettes contractées par les familles chrétiennes et offrir une nouvelle vie à ces enfants. La famille d'Ayyaz a été touchée par ce qu'elle considère comme «un miracle» et vit désormais dans le village du Christ-Roi, où les familles chrétiennes ont également reçu une petite maison. Ayyaz et d'autres petits comme lui ont commencé à fréquenter l'école catholique rattachée à la paroisse de Pensara, dans la plaine du Pendjab pakistanais. Ayyaz a réalisé son rêve et est aujourd'hui l'enfant le plus heureux du monde.
Dans un pays comme le Pakistan, où l'esclavage et l'exploitation au travail sont profondément enracinés, les enfants sont employés à des travaux forcés pour la fabrication de briques, de charbon et de tapis, ainsi que dans l'agriculture. Selon des études récentes, environ 4,5 millions de personnes, dont un million d'enfants, travaillent dans des conditions proches de l'esclavage dans plus de 20.000 briqueteries. Des organisations ecclésiastiques telles que Caritas Pakistan, la commission «Justice et Paix» de la conférence épiscopale et l'Association des supérieurs majeurs luttent sans relâche contre ce phénomène et s'efforcent de sensibiliser les institutions et la société, accomplissant ainsi la mission ardue de libérer les esclaves modernes. A leurs côtés, d'autres réalités, chrétiennes et non chrétiennes, comme la Backwards Rehabilitation and Improvement Commission, un groupe de bénévoles, recherche, rencontre, libère des petits esclaves et leur offre des parcours éducatifs. Celui qui sauve un enfant sauve le monde entier, disent-ils. Dans le Pendjab baigné de larmes, l'espoir navigue toujours.
Paolo Affatato