Des initiatives pour lutter contre l’isolement social

L’été de ceux qui ne partent pas en vacances

 L’été de ceux qui ne partent pas en vacances  FRA-029
18 juillet 2024

«Je cherche l'été toute l'année et soudain il est arrivé». Ce couplet de la célèbre chanson Azzurro, d'Adriano Calentano, représente bien l'esprit avec lequel les Italiens — qu'ils soient étudiants ou qu'ils travaillent — vivent l'arrivée de l'été, la période des vacances tant attendue tout le reste de l'année. Depuis longtemps, en Italie comme dans les autres pays occidentaux, les vacances sont devenues un véritable droit. Par ailleurs, les derniers Souverains Pontifes ont souligné l'importance de faire une pause du travail pour cultiver les relations les plus importantes, à commencer par les relations familiales, et pour jouir de la Création qui est offerte gratuitement à chacun de nous. Les vacances ne sont donc pas synonymes d'oisiveté, mais d'un temps fécond pour se consacrer aux valeurs de la vie et pour ralentir le rythme d'une société qui nous empêche de comprendre pleinement ce qui se présente à nous chaque jour.

En même temps, «partir en vacances» rappelle immédiatement la propension naturelle de l'homme à voyager. L'être humain est un être en chemin depuis toujours. Il est perpétuellement en mouvement. Comme l'affirmait saint Augustin: «Le monde est un livre et ceux qui ne -voyagent pas n'en lisent qu'une page». Ce n'est pas un hasard si l'on dit «je pars en vacances», en utilisant un verbe qui indique le mouvement, sinon les vacances ne seraient pas vraiment ressenties comme telles. Pourtant, dans nos villes ensoleillées, à commencer par Rome bondée de touristes comme ce n'était pas arrivé depuis longtemps, il y a toute un «peuple» qui n'ira pas en vacances car même ce droit, entre autres, lui est refusé: les pauvres. Eux, les invisibles ou laissés-pour-compte, n'auront pas cette chance. Il y a quelques années, la nouvelle de l'aumônier apostolique, le cardinal Konrad Krajewski, qui avait emmené un groupe de sans-abris passer une journée à la plage, avait fait grand bruit. La première visite de sans-abris à la chapelle Sixtine, offerte par le Pape, avait suscité autant de réactions. Deux gestes en apparence dérisoires, mais pourtant lourds de sens car ils indiquent que les pauvres — tout autant voire plus que ceux qui ne vivent pas dans l'indigence — ont eux aussi besoin d'espaces et de moments de loisirs, et de connaître la beauté de l'art dont l'Italie regorge à foison.

Pourquoi ne pas envisager alors, cet été 2024, que chaque ville, petite ou grande, prenne des initiatives de ce genre? Au fond, le tissu social et civil se répare aussi de cette manière: en mettant au centre ceux qui sont en marge, tellement en marge qu'ils en deviennent invisibles. Nous découvririons ainsi que parmi ces «laissés-pour-compte» il y a beaucoup de richesse, non seulement d'humanité mais aussi d'expériences professionnelles, de cultures, d'intelligences, comme nous pouvons le constater en lisant L’Osservatore di Strada, qui chaque mois met en avant les histoires des derniers.

Aux côtés des pauvres, un autre «peuple», cher à Jorge Bergoglio, souffre particulièrement en été: les personnes âgées. Pour eux aussi, les villes qui se vident, les services publics qui ralentissent et les proches qui s'éloignent sont un enjeu difficile à affronter. Comme l'a constaté Mgr Vincenzo Paglia, les personnes âgées ne meurent pas de chaud, mais de solitude et d'abandon». Et pourtant ce sont justement les grands-parents qui, durant le reste de l'année, assument le rôle d'un véritable «état social», en particulier avec leurs petits-enfants. Depuis le début de son pontificat, le Pape a très souvent rappelé la nécessité d'une alliance entre les jeunes et les personnes âgées, pour ouvrir l'avenir à une humanité meurtrie. Il a encouragé les jeunes à ne pas laisser les personnes âgées seules, à suivre l'exemple biblique de Ruth, qui n'abandonna pas Noemi, sa belle-mère âgée. Il n'y a aucune alternative valable à ce soutien mutuel des générations si nous voulons vraiment rendre la société dans laquelle nous vivons plus humaine. Au moins, ce principe, semble nous dire François, ne devrait jamais partir en vacances.

Alessandro Gisotti