Les métropolites Emmanuel de Chalcédoine et le diacre Oikoumenois Amanatidis composaient la délégation du patriarcat œcuménique venue à Rome à l’occasion de la fête des saints patrons Pierre et Paul apôtres. En les recevant en audience le vendredi 28 juin, dans la bibliothèque privée du Palais apostolique, le Pape François a prononcé le discours suivant:
Eminence, chers frères dans le Christ, bonjour et bienvenue!
Je vous remercie sincèrement pour votre présence. Je suis reconnaissant à mon bien-aimé frère Sa Sainteté Bartholomée et au Saint-Synode du patriarcat œcuménique d’avoir voulu envoyer cette année encore une délégation pour participer avec nous à la fête des saints patrons de l’Eglise de Rome, les apôtres Pierre et Paul, qui ont témoigné de leur foi en Jésus Christ jusqu’au martyre dans cette ville. Votre venue à cette occasion, ainsi que l’envoi au Phanar de ma délégation à l’occasion de la fête de l’apôtre André, frère de Pierre, offrent l’opportunité d’expérimenter la joie de la rencontre fraternelle et témoignent des liens profonds qui unissent les Eglises sœurs de Rome et de Constantinople, avec la ferme décision d’avancer ensemble vers le rétablissement de l’unité vers laquelle seul l’Esprit Saint peut nous guider, celle de la communion dans la diversité légitime.
Ce chemin de rapprochement et de pacification a reçu une nouvelle impulsion avec la rencontre entre le saint Pape Paul vi et le saint patriarche œcuménique Athénagoras, qui s’est tenue il y a soixante ans à Jérusalem. Après des siècles d’éloignement mutuel, cette rencontre a été un signe de grande espérance, qui ne cesse d’inspirer les cœurs et les esprits de nombreux hommes et femmes qui aspirent aujourd’hui à atteindre, avec l’aide de Dieu, le jour où nous pourrons participer ensemble au banquet eucharistique. Il y a dix ans, en mai 2014, le patriarche œcuménique Sa Sainteté Bartholomée et moi-même nous sommes rendus en pèlerinage à Jérusalem pour commémorer le 50e anniversaire de cet événement historique. Précisément là, où notre Seigneur Jésus Christ est mort, ressuscité et monté au ciel, et où l’Esprit Saint a été répandu pour la première fois sur les disciples, nous avons réaffirmé notre engagement à continuer à marcher ensemble vers l’unité pour laquelle le Christ Seigneur a prié le Père, «afin que tous soient un» (Jn 17, 21). Je garde un souvenir vif et reconnaissant de ce pèlerinage commun avec Sa Sainteté Bartholomée, et je rends grâce à Dieu le Père miséricordieux pour l’amitié fraternelle qui s’est développée entre nous au cours de ces années. Elle s’est nourrie dans de nombreuses rencontres, dans de nombreuses occasions de collaboration concrète entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe sur des questions d’une grande importance pour les Eglises et pour le monde, comme la sauvegarde de la création, la défense de la dignité humaine, la paix.
Certain d’interpréter également les sentiments de mon bien-aimé Frère, je voudrais répéter ce que nous avons affirmé ensemble à cette occasion: le dialogue entre nos Eglises ne comporte aucun risque pour l’intégrité de la foi, mais est au contraire une exigence qui découle de la fidélité au Seigneur et nous conduit à toute la vérité (cf. Jn 16, 13), à travers un échange de dons, sous la conduite de l’Esprit Saint (cf. Déclaration commune du Pape François et du patriarche œcuménique Bartholomée, Jérusalem, 25 mai 2014). C’est pourquoi j’encourage le travail de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe, qui a entrepris l’étude de questions historiques et théologiques délicates. Je forme le vœu que les pasteurs et les théologiens impliqués dans ce processus aillent au-delà des disputes purement académiques et se placent dans une écoute docile de ce que l’Esprit Saint dit à la vie de l’Eglise, et que ce qui a déjà fait l’objet d’étude et d’accord trouve une pleine réception dans nos communautés et lieux de formation. Il y aura toujours de la résistance face à cela, partout, mais nous devons aller de l’avant avec courage.
En rappelant la rencontre de Jérusalem, la pensée va à la situation dramatique que l’on vit aujourd’hui en Terre Sainte. Précisément à la suite de ce pèlerinage, le 8 juin 2014, Sa Sainteté Bartholomée et moi-même, en présence également du patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, Sa Béatitude Théophile iii, avons accueilli dans les Jardins du Vatican le président de l’Etat d’Israël et le président de l’Etat de Palestine, pour invoquer la paix en Terre Sainte, au Moyen-Orient et dans le monde entier. Dix ans plus tard, l’histoire actuelle nous montre de manière tragique la nécessité et l’urgence de prier ensemble pour la paix, pour que cette guerre prenne fin, que les chefs des pays et les parties en conflit puissent retrouver la voie de la concorde et que tous se reconnaissent frères. Naturellement, cette invocation de paix s’étend à tous les conflits en cours, en particulier à la guerre qui se combat dans l’Ukraine martyrisée.
A une époque où tant d’hommes et de femmes sont prisonniers de la peur de l’avenir, nos Eglises ont la mission d’annoncer toujours, partout et à tous Jésus Christ «notre espérance» (1 Tm 1, 1). C’est pourquoi, suivant une ancienne tradition de l’Eglise catholique, selon laquelle l’Evêque de Rome convoque un Jubilé tous les vingt-cinq ans, j’ai voulu proclamer pour l’année prochaine le Jubilé ordinaire qui aura comme devise «Pèlerins d’espérance». Je vous serais reconnaissant si vous et l’Eglise que vous représentez vouliez accompagner et soutenir par votre prière cette année de grâce, afin que ne manque pas une abondance de fruits spirituels. Avec votre présence également, ce sera très beau.
Précisément en 2025, sera célébré également le 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique de Nicée. J’espère que la mémoire de cet événement très important pourra faire grandir chez tous les -croyants en Christ Seigneur la volonté de témoigner ensemble de la foi et l’aspiration à une plus grande communion. En particulier, je me réjouis que le patriarcat œcuménique et le dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens aient commencé à réfléchir sur la manière de commémorer ensemble cet anniversaire; et je remercie Sa Sainteté Bartholomée de m’avoir invité à le célébrer près du lieu où le Concile s’est réuni. C’est un voyage que je désire faire, de tout cœur.
Très chers amis, remettons avec confiance nos Eglises à l’intercession des saints frères Pierre et André, pour que le Seigneur nous accorde de marcher sur le chemin qu’Il nous indique, qui est toujours la voie de l’amour, de la réconciliation, de la miséricorde. Je vous remercie encore pour votre visite et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi!
Et il me vient à l’esprit un épisode du regretté Ioannis Zizioulas: il était ironique, mais il était bon, je l’aimais bien. Et il disait en plaisantant: «Je sais quand viendra le jour de la pleine unité: le jour du Jugement dernier. Mais, en attendant, marchons ensemble, prions ensemble et travaillons ensemble». Et cela est sage. Merci, merci beaucoup.
A présent, j’aimerais qu’avant de finir, nous priions ensemble le Notre Père, chacun dans sa propre langue: Notre Père...