Faire entendre la voix des «innocents qui sont morts» parce que l'eau et le pain leur manquaient: telle est la mission de la Fondation Jean-Paul ii pour le Sahel, reconfirmée par le Pape François à l'occasion du 40e anniversaire de sa création. Il l'a écrit dans un message envoyé au cardinal jésuite Michael Czerny, préfet du dicastère pour le service du développement humain intégral et président de ce même organisme fondé par le Pape Karol Wojtyła le 22 février 1984. Nous publions le message lu le vendredi 10 mai par un official du dicastère à l'occasion de la commémoration qui s'est déroulée au Vatican à la Casina Pio iv, siège de l'Académie pontificale des sciences sociales.
A Son Eminence
le cardinal Michael Czerny
président de la Fondation
Jean-Paul ii pour le Sahel
J’adresse mes salutations aux corps diplomatiques présents, aux représentants des institutions internationales et nationales et à tous les participants à la commémoration du 40e anniversaire de la création de la Fondation Jean-Paul ii pour le Sahel.
Ce dialogue de haut niveau, qui porte sur le thème de la désertification, me donne l’opportunité de faire mémoire de son Saint Fondateur, à travers l’appel solennel qu’il a adressé au monde entier en faveur de cette partie de l’Afrique, le 10 mai 1980 à Ouagadougou. C’était une voix suppliante et pleine de sollicitude qui retentit encore aujourd’hui pour les personnes pauvres et vulnérables du Sahel. «La voix des pères et des mères qui ont vu leurs enfants mourir sans comprendre, ou qui verront toujours dans leurs enfants les séquelles de la faim et de la soif qu’ils ont endurées; la voix des générations à venir qui ne doivent plus vivre sous cette menace terrible pesant sur leur vie» (Homélie à Ouagadougou, 10 mai 1980). C’était la voix de ceux et celles qui n’ont pas de voix, la voix des innocents qui sont morts parce que l’eau et le pain leur manquaient.
C’est ainsi que la Fondation Jean-Paul ii pour le Sahel a été constituée et érigée par le Saint Pape, afin que son appel demeure un signe efficace de l’amour de l’Eglise pour ses fils et filles d’Afrique occidentale. Le Saint-Siège suit avec un intérêt particulier la Fondation à travers le dicastère pour le service du développement humain intégral, conscient que ses activités contribuent à améliorer la situation humanitaire et sociale des populations sahéliennes. Comme mon prédécesseur l’a judicieusement souligné, les déserts extérieurs peuvent être le reflet de déserts intérieurs, et «la façon dont l’homme traite l’environnement influence les modalités avec lesquelles il se traite lui-même et réciproquement» (Benoît xvi, encyclique Caritas in veritate, n. 51).
Notre action de solidarité et de responsabilité découle de notre foi en Dieu créateur et en l’amour envers notre prochain (cf. Mt 22, 37-40).
Prendre soin de la maison commune et prendre soin de chaque personne, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, sont donc des attitudes qui vont de pair. Elles relèvent de la charité et rendent témoignage à l’amour du Christ, signe vivant de la charité.
Toute rencontre avec une personne ou un peuple en situation de pauvreté ou de vulnérabilité nous provoque et nous interroge. Comment pouvons-nous contribuer à éliminer ou, du moins, à soulager leur marginalisation et leur souffrance? Le Peuple de Dieu doit être en première ligne, toujours et partout, pour répondre au cri silencieux des innombrables pauvres à travers le monde, en particulier au Sahel, afin de leur donner une voix, de les défendre et de se solidariser avec eux devant tant d’hypocrisie et tant de promesses non tenues (cf. Message pour la 4e journée mondiale des pauvres, 15 novembre 2020).
Certains pays de cette région de l’Afrique de l’Ouest traversent encore des crises qui menacent de plus en plus la paix, la stabilité, la sécurité et le développement. Ces phénomènes liés au terrorisme, à la précarité économique, au changement climatique et aux luttes intercommunautaires, aggravent la vulnérabilité des Etats et la pauvreté des citoyens, avec pour conséquence la migration des jeunes. Ce contexte rend la tâche de la Fondation de plus en plus difficile mais de plus en plus indispensable.
En cette journée de commémoration, faisant écho aux cris du cœur du saint Pape Jean-Paul ii, je réitère aujourd’hui son appel à toutes les personnes de bonne volonté à travers le monde: œuvrez pour la sécurité, la justice, la paix au Sahel! La paix permet le développement humain intégral qui se construit jour après jour dans la recherche de l’ordre voulu par Dieu, et elle ne peut fleurir que lorsque chacun reconnait sa responsabilité dans sa promotion (cf. Paul vi, Message pour la journée mondiale de la paix, 1er janvier 1974). J’en appelle à tous les acteurs, en Afrique et dans le reste du monde entier, en particulier aux décideurs politiques et économiques. Leur responsabilité est en jeu.
Il n’est plus temps d’attendre, il faut agir! Personne ne peut nier le droit fondamental de tout être humain à vivre dans la dignité et à s’épanouir intégralement. «Si tous les hommes et femmes ont la même valeur, il faut dire clairement et fermement que le seul fait d’être né en un lieu avec moins de ressources économiques ne justifie pas que des personnes vivent dans une moindre dignité». «Ainsi, l’engagement tendant à organiser la société de façon que le prochain n’ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité. C’est de la charité que d’accompagner une personne qui souffre, et c’est également charité tout ce qu’on réalise, même sans être directement en contact avec cette personne, pour changer les conditions sociales qui sont à la base de sa souffrance» (Encyclique Fratelli Tutti, nn. 106, 186).
Je forme le vœu que cette commémoration de la création de la Fondation Jean Paul ii pour le Sahel permette d’identifier, de promouvoir et de mettre en œuvre, avec détermination, toutes les initiatives nécessaires à la construction de la justice, de la paix pour un développement humain intégral et durable de toutes les populations du Sahel. Je vous donne ma Bénédiction. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
Rome, Saint-Jean-de-Latran,
7 mai 2024
FRANÇOIS