Une spirale de chaos et de violence s’abat sur Haïti, entraînant la population dans un drame qui ne semble pas finir. Après plusieurs jours de heurts et la menace des gangs criminels de faire exploser une guerre civile, le 11 mars, le premier ministre, Ariel Henry, a démissionné, répondant également à la sollicitation de la communauté internationale, afin de laisser la place à un gouvernement exécutif de transition. Il a été remplacé par le premier ministre ad interim , Patrick Michel Boivert. De Porto Rico, où il se trouve actuellement, Ariel Henry avait invité les Haïtiens à «garder le calme et à faire tout le possible pour que la paix et la stabilité puissent revenir au plus tôt» dans le pays. «Le gouvernement que je guide ne peut demeurer in-sensible à cette situation, avait-il ajouté. Comme je l’ai toujours dit, aucun sacrifice n’est trop grand pour notre pays Haïti».
La démission d’Ariel Henry a été annoncée par la Caricom (Communauté des Caraïbes) guidée par -Mohamed Irfaan Ali, chef d’Etat du Guyana et président en exercice de l’organisme, au terme d’une réunion d’urgence qui s’est déroulée le 11 mars en Jamaïque. Mohamed Irfaan Ali a annoncé également la création d’un Conseil présidentiel composé de sept membres qui prendront des décision à la majorité pour gérer la transition. Les sept membres sont représentés par les principaux partis politiques de Haïti, le secteur privé et le groupe Montana, une coalition de la société civile qui avait déjà proposé un gouvernement ad interim en 2021, après l’assassinat de l’ancien président, Jovenel Moïse. Le Conseil prévoit aussi deux autres sièges, mais sans droit de vote: un pour la société civile, et l’autre pour l’Eglise. La Caricom a en outre décidé l’intervention en Haïti de la mission multinationale guidée par le Kenya, ainsi qu’un renforcement de la police locale, condition pour la tenue d’élections générales, dont les dernières en date remontent à il y a huit ans, en 2016.
Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a également participé à la rencontre en Jamaïque et a garanti au premier ministre démissionnaire Ariel Henry la possibilité de rester à Porto Rico (territoire placé sous le contrôle de Washington), en annonçant dans le même temps la somme supplémentaire de 100 millions de dollars de la part des Etats-Unis pour un total de 300 millions de dollars, destinés à financer la mission multinationale de sécurité dans le pays. 33 millions de dollars supplémentaires ont été promis pour les aides humanitaires. L’escalade de la violence «crée une situation insoutenable pour le peuple haïtien — a déclaré Anthony Blinken —. Nous savons tous qu’une action urgente tant sur le plan politique que sur celui de la sécurité est nécessaire».
Mais sur le terrain, les violences ne se calment pas: le couvre-feu nocturne a été étendu jusqu’à jeudi 14, tandis que l’état d’urgence restera en vigueur au moins jusqu’au 3 avril. Le spectre de la guerre civile ne semble donc pas avoir disparu entièrement. L’archevêque de Port-au-Prince, président de la conférence épiscopale locale, Mgr Max Leroy Mésidor, dans un message rapporté par l’agence Sir rapporte lui aussi que le pays dérive «dangereusement» vers une guerre civile, car «les forces de police haïtiennes sont impuissantes face à des gangs bien armés qui sont devenus une armée organisée». En outre, ajoute le prélat, l’Eglise catholique figure parmi les objectifs des enlèvements contre rançon, au point que dernièrement, plusieurs prêtres, religieux et religieuses ont été enlevées.