Qui peut affirmer avoir gagné cette guerre jusqu'à présent?
Ce n'est pas Hamas qui peut le faire après l'attaque du 7 octobre contre des civils innocents, parce que ce sont les Palestiniens qui subissent le plus de pertes en vies humaines. Ce ne sont pas les Israéliens qui peuvent le faire, car outre les pertes en vies humaines, en soldats et en otages, un clivage très évident s’observe au sein de la société civile. Aucun des deux peuples ne peut gagner car la méfiance réciproque, la haine, la violence et la vengeance, au plus haut niveau depuis 75 ans, l'emportent en Terre Sainte.
Ce n'est pas la communauté internationale qui peut dire avoir apporter la paix parce qu'aucune intervention concrète en faveur d'une véritable pacification n'a eu lieu. Jusqu'à présent, ceux qui ont la possibilité d'arrêter la guerre n'ont pas le courage de combattre les intérêts et l'hypocrisie qui la déclenchent. Le scandale est le même qui, au troisième dimanche de Carême, nous montre un Jésus insolite et différent qui demande plus d'honnêteté et plus de clarté de cœur. C'est le bon exemple pour comprendre ce que signifie faire taire sa conscience, en jetant des aides du ciel, en condamnant par des mots la violence sans intervenir de façon concrète pour désarmer des mains meurtrières. Le Pape François demande fermement d'arrêter le recours aux armes car «le désarmement est un devoir moral». C'est un appel fort, juste, urgent mais ignoré jusqu'à présent. Les paroles et les gestes apparemment charitables n’ôtent rien à la responsabilité de ceux qui pourraient véritablement et résolument arrêter la guerre et ne le font pas.
Le bilan de 150 jours de guerre est bouleversant concernant le nombre de morts et de blessés, la destruction totale de maisons, d'hôpitaux, de mosquées, d'églises, d'écoles.
Ce sont des chiffres qui bouleversent parce que derrière chaque personne tuée ou blessée il y des histoires de vies, des projets qui ne se réaliseront pas, des espoirs brisés dans un futur incertain. Les bâtiments détruits sont le symbole visible d'une humanité détruite: comment rebâtirons-nous la confiance entre les êtres humains?
Les deux peuples ont perdu le sentiment de sécurité que représente le foyer. Les colonies israéliennes, à la frontière libanaise au nord et avec Gaza au sud, sont vides pour des mesures de sécurité et les colons sont eux aussi sans foyer. A Gaza, un million et demi de personnes ont perdu leur maison.
Les hôpitaux ne peuvent plus soigner et sauver. Les détruire et les rendre hors-service anéantit l'espoir de recevoir de l'aide de la part de ceux qui peuvent aider: beaucoup de médecins et d'infirmiers ont été tués et blessés alors qu'ils travaillaient nuit et jour sans moyens. Les lieux de culte étaient des lieux de refuge pour l'âme: les détruire ou les priver d'électricité et d'eau a aussi privé beaucoup de personnes d'un refuge pour se sauver. Les écoles détruites anéantissent l'espoir d'un avenir pour de nombreux enfants et adolescents qui, grâce à l'éducation, peuvent grandir et améliorer la société humaine.
Qui rendra le sourire, l'espoir et la confiance aux 40.000 orphelins de Gaza? Les enfants et leurs accompagnateurs arrivés en Italie m'ont raconté leur histoire, leur souffrance, les peurs et les traumatismes qui blessent les esprits comme les armes blessent les corps. C'est un bilan préoccupant. Cent cinquante jours de douleur qui s'ajoutent à la grande souffrance de la Terre Sainte meurtrie et bafouée.
Essayons d'avoir le cœur pur et rempli de foi, d'espérance et de charité en ce chemin quadragésimal. Ayons confiance en Jésus Ressuscité qui vainc sur la mort et offre une espérance à l'humanité oppressée par le mal.
*Vicaire de la Custodie de Terre Sainte
Ibrahim Faltas*