«Ne vous lassez pas d'être miséricordieux... et n'ayez pas peur d'être tendres». Voici la double invitation du Pape aux prêtres à l'occasion de l'audience — qui s'est tenue ce matin dans la salle Paul vi — aux participants à la rencontre internationale sur la formation permanente des prêtres promue par le dicastère pour le clergé, qui s’est déroulée du mardi 6 au samedi 10 février. Voici le discours prononcé par le Souverain Pontife.
Chers frères et sœurs!
Je vous remercie de tout cœur pour ce moment que je peux passer avec vous. Je vous remercie d’être venus à Rome pour participer à cette conférence internationale pour la formation permanente des prêtres, promue par le dicastère pour le Clergé – surtout par son grand chef coréen —, et par les dicastères pour l’évangélisation et pour les Eglises orientales. Je remercie les préfets des dicastères concernés et tous ceux qui ont œuvré à la préparation de ce rendez-vous. Pour beaucoup d’entre vous, il n’a pas été facile de venir à Rome; mais je veux surtout exprimer ma gratitude pour ce que vous faites dans vos diocèses et dans vos pays, pour le service que vous rendez et que l’enquête réalisée en vue de cette conférence a également mis en évidence.
Au cours de ces journées, vous aurez la grâce de partager les bonnes pratiques, de discuter des défis et des problèmes, et de scruter les horizons futurs de la formation sacerdotale dans ce changement d’époque, en regardant toujours vers l’avant, toujours prêts à jeter à nouveau les filets selon la parole du Seigneur (cf. Lc 5, 4-5; Jn 21, 6). Il s’agit de marcher à la recherche d’outils et de langages qui aident à la formation sacerdotale, sans penser avoir toutes les réponses en main — j’ai peur de ceux qui ont en main toutes les réponses, ils me font peur —, mais en ayant confiance que nous les trouverons en chemin. Ces jours-ci, écoutez-vous donc les uns les autres et laissez-vous inspirer par l’invitation que l’apôtre Paul adresse à Timothée et qui donne son titre à votre conférence: «Ravive le don de Dieu qui est en toi» (2 Tm 1, 6). Raviver le don, redécouvrir l’onc-tion, ranimer le feu pour que le zèle du ministère apostolique ne s’éteigne pas.
Et comment raviver le don que nous avons reçu? Je voudrais vous montrer trois voies sur le chemin que vous empruntez: la joie de l’Evangile, l’appartenance au peuple, la fécondité du service.
D’abord, la joie de l’Evangile. Au cœur de la vie chrétienne se trouve le don de l’amitié avec le Seigneur, qui nous libère de la tristesse de l’individualisme et du risque d’une vie privée de sens, d’amour et d’espérance. La joie de l’Evangile, la bonne nouvelle qui nous accompagne, est précisément celle-ci: nous sommes aimés par Dieu avec tendresse et miséricorde. Et cette -joyeuse annonce, nous sommes appelés à la faire résonner dans le monde, en la témoignant par notre vie afin que tous découvrent la beauté de l’amour salvifique de Dieu, manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité (cf. Evangelii gaudium, n. 36). Souvenons-nous de ce que disait saint Paul vi: être des témoins plutôt que des maîtres (cf. Evangelii nuntiandi, n. 41), des témoins de l’amour de Dieu, qui est la seule chose qui compte. Et quand quelqu’un n’est pas capable d’être témoin, c’est triste, c’est très triste.
Nous trouvons ici une pierre angulaire de la formation permanente, non seulement des prêtres mais de tout chrétien, que la Ratio fundamentalis souligne également: ce n’est que si nous sommes et restons des disciples que nous pouvons devenir des ministres de Dieu et des missionnaires de son Royaume. Ce n’est qu’en accueillant et en cultivant la joie de l’Evangile que nous pouvons porter cette joie aux autres. Dans la formation permanente, n’oublions donc pas que nous sommes toujours des disciples en chemin et que cela constitue, à tout moment, la plus belle chose qui nous soit arrivée, par grâce! Et lorsque nous trouvons des prêtres qui n’ont pas cette capacité de service, qui sont peut-être égoïstes, des prêtres qui ont pris une voie un peu «entrepreneuriale», alors ils ont perdu cette capacité de se sentir des disciples, ils se sentent des maîtres.
La grâce présuppose toujours la nature, et c’est pourquoi nous avons besoin d’une formation humaine intégrale. En effet, être disciple du Seigneur n’est pas un déguisement religieux, mais un style de vie, et exige donc de prendre soin de notre humanité. Le contraire c’est le prêtre «mondain», lorsque la mondanité entre dans le cœur du prêtre et ruine tout. C’est sur cela que je vous demande de mettre toute votre énergie et vos ressources: le soin de la formation humaine. Et aussi la vigilance pour vivre humainement. Une fois, un vieux prêtre m’a dit: «quand un prêtre est incapable de jouer avec les enfants, il a perdu». C’est intéressant, c’est un test. Il y a besoin de prêtres pleinement humains, qui -jouent avec les enfants et qui caressent les personnes âgées, capables de bonnes relations, mûrs pour affronter les défis du ministère, afin que la con-solation de l’Evangile parvienne au peuple de Dieu à travers leur humanité transformée par l’Esprit de Jésus. N’oublions jamais le pouvoir humanisant de l’Evangile! Un prêtre amer, un prêtre qui a l’amertume dans le cœur est un «vieux garçon».
Une deuxième voie à parcourir: l’appartenance au peuple de Dieu. Les disciples missionnaires ne peuvent être qu’ensemble. Nous ne pouvons bien vivre le ministère sacerdotal qu’immergés dans le peuple sacerdotal, dont nous sommes également issus. Cette appartenance au peuple — ne jamais se sentir séparé du chemin du saint peuple fidèle de Dieu — nous garde, nous soutient dans nos peines, nous accompagne dans les angoisses pastorales et nous préserve du risque de nous détacher de la réalité et de nous sentir tout-puissants. Prenons garde, car c’est aussi la racine de toutes les formes d’abus.
Pour rester immergée dans l’histoire réelle du peuple, il est nécessaire que la formation sacerdotale ne soit pas conçue comme «séparée», mais qu’elle puisse utiliser la contribution du peuple de Dieu: des prêtres et des fidèles laïcs, des hommes et des femmes, des célibataires et des couples mariés, des personnes âgées et des jeunes, sans oublier les pauvres et les souffrants qui ont tant à enseigner. Dans l’Eglise, il existe une réciprocité et une circularité entre les états de vie, les vocations, entre les ministères et les charismes. Cela nous demande l’humble sagesse d’apprendre à marcher ensemble, en faisant de la synodalité un style de vie chrétienne et de vie sacerdotale elle-même. On demande aux prêtres, surtout aujourd’hui, de s’engager à faire des «exercices de synodalité». Souvenons-nous toujours: marcher ensemble. Le prêtre toujours avec le peuple auquel il appartient, mais aussi avec l’évêque et le presbyterium. Ne négligeons pas la fraternité sacerdotale! C’est sur cet aspect de son union avec le peuple de Dieu que Paul avertit Timothée: «Souviens-toi de ta mère et de ta grand-mère». Souviens-toi de tes racines, de ton histoire, de l’histoire de ta famille, de l’histoire de ton peuple. Le prêtre ne naît pas par génération spontanée. Soit il est du peuple de Dieu, soit il est un aristocrate qui finit par devenir névrosé.
Enfin, une troisième voie est celle de la fécondité du service. Servir est le signe distinctif des ministres du Christ. Le Maître nous l’a montré tout au long de sa vie et, en particulier, au cours de la dernière Cène, lorsqu’il a lavé les pieds des disciples. Dans la perspective du service, la formation n’est pas une opération extrinsèque, la transmission d’un enseignement, mais elle devient l’art de mettre l’autre au centre, en faisant ressortir sa -beauté, le bien qu’il est et qu’il porte en lui, en mettant en valeur ses dons mais aussi ses ombres, ses blessures et ses désirs. Former les prêtres, c’est donc les servir, servir leur vie, encourager leur cheminement, les aider dans leur discernement, les accompagner dans les difficultés et les soutenir dans les défis pastoraux.
Le prêtre ainsi formé se met à son tour au service du peuple de Dieu, il est proche des gens et, comme Jésus sur la croix, il prend en charge tout le monde. Regardons ce trône, frères et sœurs: la Croix. De là, en nous aimant jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1), le Seigneur a fait naître un peuple nouveau. Et nous aussi, quand nous nous mettons au service des autres, quand nous devenons des pères et des mères pour ceux qui nous sont confiés, nous engendrons la vie de Dieu. Tel est le secret d’une pastorale féconde: non pas une pastorale dont nous sommes le centre, mais une pastorale qui engendre des filles et des fils à la vie nouvelle dans le Christ, qui apporte l’eau vive de l’Evangile sur le terrain du cœur humain et du temps présent.
Je vous souhaite à tous le meilleur. Et vous — je veux ajouter cela et aussi reprendre une chose que j’ai dite avant —, s’il vous plait, ne vous lassez pas d’être miséricordieux. Pardonnez toujours. Lorsque les gens viennent se confesser, ils viennent pour demander le pardon et non pour entendre une leçon de théologie ou des péni-tences. Soyez miséricordieux, s’il vous plaît. Pardonnez toujours, car le pardon a cette grâce de la caresse, de l’accueil. Le pardon est toujours fécond à l’intérieur. C’est ce que je recommande: pardonnez toujours.
Je vous souhaite le meilleur pour votre congrès et je vous laisse avec les trois mots clés: la joie de l’Evangile qui est la base de notre vie, l’appartenance à un peuple qui nous garde et nous soutient, au saint Peuple fidèle de Dieu, la fécondité du service qui fait de nous des pères et des pasteurs. Que la Vierge vous accompagne toujours. La Vierge nous donne une chose, à nous les prêtres: la grâce de la tendresse. Cette tendresse que l’on voit aussi chez les personnes en difficulté, les personnes âgées, les malades, les enfants tout petits... Demandez cette grâce, et n’ayez pas peur d’être tendres. La tendresse est forte. Merci!