« L'un des grands péchés que nous avons commis a été de "masculiniser" l'Eglise », a déclaré François le 30 novembre 2023, lors d'une rencontre avec la Commission théologique internationale, constatant la présence de très peu de théologiennes. « Une, deux, trois, quatre femmes : les pauvres ! Elles sont seules ! Ah, pardon, cinq »
« Démasculiniser » donc. Mais comment ? « En nous mettant vraiment à l’écoute des femmes, nous, les hommes, nous écoutons quelqu'un qui voit la réalité dans une perspective différente et nous sommes ainsi amenés à revoir nos projets, nos priorités. Parfois, nous sommes déconcertés. Parfois, ce que nous entendons est si nouveau, si différent de notre façon de penser et de voir, que cela semble absurde et que nous nous sentons intimidés. Mais cette perplexité est saine, elle nous fait grandir », peut-on lire dans la préface que le Souverain Pontife a écrite pour le livre « Démasculiniser l’Eglise ? Comparaison critique sur les "Principes" de Hans Urs Von Balthasar », par Lucia Vantini, Luca Castiglioni et Linda Pocher (éd. Paoline). Un petit et précieux volume qui recueille les interventions de deux femmes et d'un homme, trois théologiens que François, quelques jours après avoir parlé de démasculiniser l'Eglise, a immédiatement convoqués à Rome le 4 décembre devant le Conseil des cardinaux réunis pour offrir aux cardinaux « un itinéraire de réflexion sur la présence et sur le rôle des femmes dans l'Eglise ». Lucia Vantini, Luca Castiglioni et Linda Pocher sont respectivement : philosophe et théologienne, présidente du Coordinamento Teologhe Italiane, laïque, mariée, trois enfants ; prêtre, théologien, vicaire paroissial ; moniale, Fille de Marie Auxiliatrice, philosophe et théologienne, professeure de Christologie et de Mariologie.
Le point de départ a été la réflexion de Hans Urs von Balthasar, un des plus grands théologiens du siècle dernier, qui a thématisé le principe marial-pétrinien, aspect spirituel et juridique qui coexistent dans l'Eglise, repris également par le magistère des derniers pontificats.
Lucia Vantini a d’emblée clarifié : « Je suis convaincue - et beaucoup de femmes et d'hommes avec moi - que ce principe ne résiste pas à la complexité du présent et ne pourra pas conduire l'Eglise vers l'avenir, dans le sens où il compromet une bonne alliance entre nous, entrave le tissage de liens de justice et risque de fonctionner comme un motif fragile pour réaffirmer la réserve masculine au ministère ordonné ou pour aggraver l'exclusion des femmes des processus décisionnels de la communauté ».
Lucia Vantini, qui est également membre de la communauté philosophique féminine Diotima, fondée sur le défi « d'être femme et de penser philosophiquement », a parlé d'un « déséquilibre qui, dans cette Eglise, crie avec les voix des femmes » et a cité la « falaise de cristal : comme si les hommes ne se souvenaient des femmes que lorsqu'il est nécessaire de réparer le monde ou de faire revivre une Eglise, en pensant à elles comme à des muses inspiratrices, rives d'un pouvoir toujours exposé à l'orgueil, à un quota de différence salvatrice dans un monde d'identités fermées »,
Il y a du travail. Et après tout… si le point de départ du Conseil des cardinaux était Balthasar, « le point d'arrivée est entre les mains de Dieu », souligne François plus loin dans le livre.