FEMMES EGLISE MONDE

Confrontations
Leadership des religieuses : sept témoignages au féminin

Etrangère dans sa propre maison

 Straniera in casa sua  DCM-010
04 novembre 2023

Le dernier livre écrit par Marinella Perroni s’intitule «Leadership religiose: la parola alle donne. Sette testimonianze», (Leadership des religieuses : la parole aux femmes. Sept témoignages) aux éditions Carocci. L’un des sept témoignages est celui de l’auteure, Marinella Perroni, bibliste catholique et membre du comité de direction de ce journal, qui déclare : « Mon histoire de croyante se situe au sein de celle de mon Eglise italienne, qui se situe, à son tour, dans l’histoire du monde. Ou bien, si vous préférez, l’histoire d’une théologienne catholique qui grandit et murit immédiatement après un Concile, celui de Vatican II, qui a poussé l’Eglise catholique-romaine à sortir de l’ère séculaire du tridentinisme, mais qui est également une page d’histoire des femmes croyantes de toutes les Eglises et qui ne peut être lue et interprétée que dans le cadre de l’histoire d’un monde qui change ». Marinelli Perroni interpelle également six autres femmes : l’experte en hébraïsme Miriam Camerini, inscrite pour devenir rabbin à l’école Har’El de Jérusalem, l’une des premières académies rabbiniques orthodoxes ouvertes également aux femmes ; la pasteure baptiste Elizabeth E. Green; l’évêque vétéro-catholique, la  bibliste Teodora Tosatti; la professeure de bouddhisme tibétain Carla Gianotti; la  pasteure vaudoise Letizia Tomasone; l’islamologue Marisa Iannucci. Nous présentons ici un passage significatif de ces deux dernières.


Que signifie aujourd’hui pour moi être pasteure ? D’un côté, il reste la sensation forte de ne pas être encore arrivée à une véritable communauté de femmes et d’hommes libérées et libérés des conditionnements du patriarcat. Le ministère pastoral possède dans le même temps  une dimension collective et une individuelle. Il fonctionne si la pasteure est insérée dans un réseau communautaire et porte avec elle la communauté dans le parcours spirituel qu’elle propose. Elle répond à l’Eglise et la stimule à être plus : plus forte et attentive, pleine de soin et capable d’accueil.

Toutefois, la figure pastorale a également la fonction inconfortable de garder les portes ouvertes, de ne pas s’installer dans la répétition, qui rend stérile toute pratique. Souvent, la prise de conscience de l’écart entre la théologie féministe et la réalité de l’Eglise crée des difficultés et des discordes.

La définition que j’ai toujours sentie m’appartenir le plus, parfois avec la souffrance du conflit, d’autres fois comme une possibilité bénie, est celle donnée par la théologienne Rosemary Radford Ruether de la féministe chrétienne comme une « résidente étrangère ». Une étrangère dans sa propre maison, qui en voit les limites et les dysfonctionnements, et précisément en raison de ce statut déséquilibré, s’ouvre à de nouvelles perspectives, en payant de sa personne.

Je cherche encore la communauté qui me fera sentir chez moi. Parfois, cette maison, ce sont les grands événements œcuméniques internationaux dans lesquels on se reconnaît entre femmes et entre pasteurs qui parcourent des pas semblables de déstructuration du patriarcat. On reconnaît le courage des autres, qui fait réfléchir sur le sien. On invente des façons nouvelles et créatives de vivre la liberté féminine dans l’Esprit. On trouve un soutien et on construit des alliances face à de possibles marches arrière sur les droits et la liberté des femmes.

D’autres fois ce sont des rencontres entre femmes de générations et cultures diverses, comme cela arrive en Italie dans le cadre des organisations évangéliques féminines, qui croisent souvent les chemins des immigrées évangéliques de première et deuxième génération et des italiennes.

Toutes luttent encore pour donner une valeur à leur présence dans l’Eglise, mais elles savent qu’elles ont déjà reçu leur valeur devant Dieu.

La foi commune permet de s’exprimer avec liberté et joie dans ces rencontres entre femmes, qui donnent origine à la force que les femmes elles-mêmes porteront ensuite dans le domaine mixte des Eglises. Le travail à faire est encore long, le parcours est entamé, et la transformation des cœurs et des existences dont nous parlons toujours comme du fruit de l’Esprit divin, ou de la Sagesse divine, opère entre nous et en nous.

Letizia Tomasone