Lettre à son diocèse du patriarche de Jérusalem des Latins sur le conflit en Israël et Palestine

Le bruit des bombes
et l’urgence de la paix

EDITORS NOTE: Graphic content / A picture taken from the southern Israeli city of Sderot on October ...
26 octobre 2023

«Le recours à la violence n’est pas compatible avec l’Evangile et ne conduit pas à la paix», souligne  le cardinal Pizzaballa. «Ce n’est qu’en mettant fin à des décennies d’occupation ainsi qu’à ses conséquences tragiques, et en donnant une perspective nationale claire et sûre au peuple palestinien, qu’un processus de paix sérieux pourra être engagé»


«Nous traversons l’une des périodes les plus difficiles et les plus douloureuses de notre histoire récente. Depuis plus de deux semaines, nous sommes inondés d’images d’horreur qui réveillent d’anciens traumatismes, ouvrent de nouvelles blessures, font exploser en chacun de nous la douleur, la frustration et la colère». C’est ainsi que le patriarche de Jérusalem des Latins, Pierbattista Pizzaballa, dans une lettre adressée à tout le diocèse, exprime le sentiment d’égarement auquel doivent faire face les fidèles en ce moment. Bien que le monde entier considère la Terre Sainte comme «un lieu qui est constamment à l’origine de guerres et de divisions», «il était bon», affirme le patriarche des Latins, qu’«il y a quelques jours, le monde entier se joigne à nous pour une journée de prière et de jeûne pour la paix». «Un beau regard sur la Terre Sainte — a écrit Pierbattista Pizzaballa — et un moment important d’unité avec notre Eglise. Et ce regard tient bon. Le 27 octobre prochain, le Pape a appelé à une -deuxième journée de prière et de jeûne, afin que notre intercession se poursuive»: «C’est peut-être la principale chose que nous, chrétiens, pouvons faire en ce moment: prier, faire pénitence, intercéder. Et nous en remercions le Saint-Père du fond du cœur». Le patriarche des Latins a voulu ensuite partager une parole d’Evangile, pour aider à vivre ce moment tragique: «Regarder vers Jésus ne signifie pas se sentir exemptés du devoir de dire, de dénoncer, d’appeler, mais aussi de consoler et d’encourager». Si, comme l’affirme l’Evangile, «il faut rendre “à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu” (Mt 22, 21)», «ma -conscience et le devoir moral m’obligent à dire clairement que ce qui s’est passé le 7 octobre dans le sud d’Israël n’est en aucun cas acceptable et que nous ne pouvons que le condamner — observe Pierbattista Pizzaballa —. Il n’y a aucune raison pour une telle atrocité. Oui, nous avons le devoir de l’affirmer et de la dénoncer. Le recours à la violence n’est pas compatible avec l’Evangile et ne conduit pas à la paix». La vie de chaque personne humaine, en effet, a une égale dignité devant Dieu, qui nous a tous créés à son image. «La même -conscience, cependant, avec un grand poids sur mon cœur, m’amène à déclarer avec clarté aujourd’hui que ce nouveau cycle de violence a fait plus de cinq mille morts à Gaza — poursuit le patriarche des Latins —, dont beaucoup de femmes et d’enfants, des dizaines de milliers de blessés, des quartiers rasés, et une pénurie de médicaments, d’eau et de produits de première nécessité pour plus de deux millions de personnes. Ce sont des tragédies qui dépassent l’entendement et que nous avons le devoir de dénoncer et de condamner sans faille». Les bombardements inten-sifs et continus qui frappent Gaza depuis des jours «ne feront que causer la mort et la destruction, ils ne feront qu’accroître la haine et le ressentiment, et ne résoudront aucun problème mais en créeront plutôt de nouveaux. Il est temps d’arrêter cette guerre, cette violence insensée. Ce n’est qu’en mettant fin à des décennies d’occupation ainsi qu’à ses conséquences tragiques, et en donnant une perspective nationale claire et sûre au peuple palestinien, qu’un processus de paix sérieux pourra être engagé. Si ce problème n’est pas résolu à la racine, il n’y aura jamais la stabilité que nous espérons tous».

D’où l’appel du patriarche afin que la tragédie de ces jours puisse conduire chacun, religieux, hommes politiques, société civile, communauté internationale, «à un engagement plus sérieux à cet égard que celui que nous avons pris jusqu’à présent». Il est fondamental, à cet égard, de regarder vers le haut.

«Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage! Moi, je suis vainqueur du monde» (Jn 16, 33), dit Jésus la veille de sa passion, sachant que d’ici peu, les disciples seront pris de panique, se disperseront et fuiront. Selon Pierbattista Pizzaballa, il s’agit d’une parole d’encouragement: «Il ne dit pas qu’il va gagner, mais qu’il a déjà gagné. Même dans le drame à venir, les disciples auront la paix», une paix qui découle de la certitude que, au milieu de tout ce mal, Jésus a gagné.

«C’est sur la croix que Jésus a gagné — explique le patriarche —. Pas par les armes, pas par le pouvoir politique, pas par les grands moyens, pas en s’imposant. La paix dont il parle n’a rien à voir avec la victoire sur l’autre. Il a gagné le monde en l’aimant». Sur la croix, en effet, commencent une nouvelle réalité et un nouvel ordre, l’ordre «de celui qui donne sa vie par amour». La réponse à la question de savoir pourquoi les justes souffrent, en effet, «n’est pas une explication, mais une Présence. C’est le Christ sur la croix».

C’est sur ce point que la foi des fidèles est en jeu aujourd’hui, observe Pierbattista Pizzaballa, sachant qu’une telle paix, un tel amour, exigent un grand courage: «Avoir le courage de l’amour et de la paix ici, aujourd’hui, signifie ne pas laisser la haine, la vengeance, la colère et la douleur occuper tout l’espace de nos cœurs, de nos paroles, de nos pensées», «c’est s’engager personnellement pour la justice», dénoncer les injustices, «être convaincu qu’il vaut encore la peine de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la paix, la justice, l’égalité et la réconciliation». Le courage «pour pouvoir exiger la justice sans diffuser la haine» et pour maintenir l’unité dans le diocèse, «même dans la diversité de nos opinions».

«Nous voulons demander à Dieu cette co-élévation — conclut-il —. Nous voulons être victorieux sur le monde, en prenant sur nous cette même Croix, qui est aussi la nôtre, faite de douleur et d’amour, de vérité et de peur, d’injustice et de don, de cris et de pardon».

Pierbattista Pizzaballa a ensuite assuré de sa prière pour les membres de la petite communauté de Gaza et, en particulier, pour «les dix-huit frères et sœurs qui ont récemment péri». «Chaque jour davantage, je réalise qu’ils sont en paix. Effrayés, secoués, bouleversés, mais avec la paix dans leur cœur». La prière du patriarche de Jérusalem s’adresse également à toutes les victimes innocentes: «La souffrance des innocents devant Dieu a une valeur précieuse et rédemptrice, parce qu’elle est unie à la souffrance ré-demptrice du Christ».

En vue de la solennité de la Reine de Palestine, patronne du diocèse, Pierbattista Pizzaballa a demandé à toutes les Eglises du monde de s’unir à la prière; une prière unie et solidaire pour la paix, «non pas la paix du monde, mais la paix que le Christ nous donne».