«Que votre proximité délicate soit un doux défi à l'indifférence». C'est l'invitation adressée par le Pape François aux Petites sœurs de Jésus, reçue lundi 2 octobre, dans la salle du consistoire, à l'occasion de leur xii e chapitre général. Nous publions ci-dessous, le discours du Souverain Pontife qui a encouragé les sœurs à rester fidèles au charisme de saint Charles de Foucauld.
Chères sœurs, bonjour!
Je vous souhaite la bienvenue à toutes et j'adresse des vœux particuliers à sœur Eugeniya-Kubwimana de Jésus, nouvellement élue responsable générale, et à ses assistantes, qui commencent leur service à la tête de la Fraternité. Et un chaleureux merci à sœur Dolores Francesca de Jésus, responsable générale sortante, et à ses assistantes, pour le travail accompli durant le mandat qui vient de s’achever. Je n'aime pas beaucoup parler de «responsables», car si l'on est responsable, il semble que les autres sont irresponsables, et cela ne va pas!
Vous célébrez le douzième chapitre général qui, en plus d'être électif, est une occasion importante de réfléchir ensemble et de mûrir des choix significatifs. A vos origines se trouve l'expérience charismatique de saint Charles de Foucauld, reprise, une vingtaine d'années après sa mort, par Magdeleine Hutin et Anne Cadoret: une forte expérience de recherche de Dieu, de témoignage de l'Evangile et d'amour pour la vie cachée. Il me semble que ce sont là trois lignes-directrices utiles sur lesquelles réfléchir brièvement, également à la lumière du récit évangélique que vous avez choisi pour guider votre cheminement capitulaire: la rencontre de Jésus avec la Samaritaine (cf. Jn 4, 5-42).
La première ligne est la recherche de Dieu. C'est la plus importante. Le Maître vous attend au puits de sa Parole, eau vive qui désaltère l'aridité de nos désirs. Il est bon d'en cultiver l'écoute en restant à ses pieds dans l'adoration, comme le faisait frère Charles, qui ne connaissait rien de plus doux que les heures passées devant le Tabernacle, disant que «plus on boit de cette douceur et plus on en a soif» (Pen-sées et Maximes). Ainsi les cœurs s'ouvrent aux voies de Dieu, qui ne fait pas violence aux personnes, mais inspire des pensées et des sentiments créatifs d'adhésion, de disponibilité et de service. Comme pour la Samaritaine, Jésus vous offre son amour, et c'est à vous d'en accepter le défi, en déposant les amphores encombrantes de l'autoréférentialité et de l'habitude, des solutions toutes faites et même d'un certain pessimisme que l'ennemi de Dieu et de l'homme cherche toujours à insinuer, spécialement chez ceux qui ont fait don de leur propre vie. Mais à la lumière de sa Parole, vous pourrez discerner les désirs de Jésus, pour ensuite repartir, en direction des villages et des villes où vous serez envoyées, plus libres et légères, vides de vous-mêmes et pleines de Lui, comme dans le «logo» artistique du chapitre que l'une d'entre vous a réalisé.
Nous arrivons ainsi à la deuxième ligne-directrice, qui vous caractérise depuis les origines: le témoignage de l'Evangile, en faire don aux autres par les paroles, par les œuvres de charité et par la présence fraternelle, priante et adoratrice de vos petites communautés internationales. Saint Charles de Foucauld disait: «Tout notre être doit crier l'Evangile sur les toits. Toute notre personne doit transpirer Jésus... toute notre vie doit crier que nous appartenons à Jésus, doit présenter l'image de la vie évangélique» (Méditations sur les Saints Evangiles). Là aussi, l'image de la femme de Samarie est précieuse, qui alla partager la joie d'avoir rencontré le Christ avec ses concitoyens, leur disant: «Venez voir» (Jn 4, 29). Saint Charles écrivait: «Pensez beaucoup aux autres, priez beaucoup pour les autres. Se consacrer au salut du Prochain avec les moyens en votre pouvoir, la prière, la bonté, l'exemple, est le meilleur moyen de démontrer à l'Epoux divin que vous l'aimez». Et il ajoutait: «Il ne suffit pas de donner à celui qui demande: il faut donner à celui qui est dans le besoin». (Ecrits Spirituels). S'occuper des autres, donner à ceux qui sont dans le besoin sans attendre qu'ils demandent: voilà les signes de l'amour pour l'Epoux, traits caractéristiques de votre proximité pleine d'égards envers les derniers, en qui Il est présent. Une -proximité tellement précieuse dans une société comme la nôtre où, malgré l'abondance des moyens, au lieu de voir se multiplier les œuvres de bien, les cœurs semblent s’endurcir et se fermer. La proximité est spontanée, c'est cela qui compte, elle naît de la spontanéité du cœur. Proximité. Que votre proximité délicate soit un doux défi à l'indifférence — aujourd'hui nous vivons dans une culture de l'indifférence —, un témoignage de fraternité, un cri doux qui rappelle au monde, comme l'écrivait le «frère universel», que «tous... le plus pauvre, le plus repoussant, un nouveau-né, un vieillard décrépit, l'être humain le moins intelligent, le plus abject, un idiot, un fou, un pécheur, le plus grand pécheur... est un fils de Dieu, un fils du Très-Haut» (Œuvres spirituelles). Voilà donc le cœur du témoignage: «être charitables, doux, humbles avec tous les hommes: c'est cela que nous avons appris de Jésus. Ne pas être militant contre personne» (Lettre à Joseph Hours, 3 mai 1912).
Nous arrivons de cette manière à la troisième ligne-directrice: l'amour de la vie cachée. C'est la voie de l'Incarnation, la voie de Nazareth, celle indiquée par Dieu en se dépouillant et en se faisant petit pour partager la vie des petits. «Je veux — disait le père — passer inconnu sur la terre comme un voyageur dans la nuit, pauvrement, laborieusement, humblement, doucement... imitant en tout Jésus dans sa vie à Nazareth et, venue l'heure, dans son Chemin de Croix et dans sa mort» (Œuvres spirituelles). La voie de la vie cachée est la voie de Dieu. Cela est beau, c'est important. Vous n'êtes pas sœurs pour faire de la publicité. Plus vous êtes cachées, plus vous êtes divines. Continuez à cultiver cette voie, c'est une prophétie puissante pour notre temps, pollué par les apparences. Il semble que pour cette préoccupation d’apparaitre et des apparences nous vivions dans une culture du «maquillage»: tout le monde se maquille, il est normal que les femmes le fassent, mais tout le monde, absolument tout le monde se maquille, pour paraître meilleur que ce que nous sommes, et cela n’appartient pas au Seigneur.
Chères sœurs, il est vrai qu'il y a des moments difficiles et des problèmes sérieux à affronter, comme le manque de vocations, la fermeture de certaines maisons, le vieillissement croissant des religieuses, mais il est tout aussi vrai que, fidèles à l'inspiration de frère Charles, vous êtes pour Dieu des instruments précieux pour semer dans le monde de petites perles de tendresse évangélique, qui est votre spécialité, la tendresse évangélique. Et le Seigneur continuera à le faire, dans la mesure où vous resterez simples et généreuses, amoureuses du Christ et des pauvres. Cela portera du fruit en son temps, n'en doutez pas.
Je voudrais aussi vous remercier pour le travail silencieux que vous faites dans le diocèse de Rome, merci! Et puis à chaque audience générale il y a votre présence, en la personne de l’enfant terrible, sœur Geneviève, qui amène toujours quelqu'un pour aller voir le Pape, et cela fait du bien! La présence auprès des plus marginalisés. Merci!
Je vous remercie et vous bénis; et vous, s'il vous plaît, continuez à prier pour moi, vraiment, parce que ce travail n'est pas facile, bien au contraire, il est un peu «fastidieux»!