A l’écoute d’un «fin silence sonore»

05 octobre 2023

«La vérité», a dit le Pape François dans l’homélie de la veillée œcuménique de -prière de samedi 30 septembre en préparation au synode qui a commencé le 4 octobre, «n’a pas besoin de cris violents pour atteindre le cœur des hommes. Dieu n’aime pas les proclamations et les clameurs, le bavardage et le vacarme: Dieu préfère plutôt, comme il l’a fait avec Elie, parler dans le  “murmure d’une brise légère” (1 R 19, 12), dans un “fin silence sonore”». Et il a répété cette expression: un fin silence sonore. Le silence a en effet un son, un murmure, une voix. Il s’agit de se syntoniser avec cette voix. Il n’est pas facile de le faire dans le fracas des sons d’aujourd’hui, des sons qui sont des cris, des commérages, de la publicité, des posts, des vidéos, des images... Il n’est pas simple de trouver la longueur d’onde de ce fin silence sonore, pourtant, si l’homme y parvient, alors ses paroles et ses œuvres seront pleines, fécondes, riches de signification. Ce fin silence unit en effet les œuvres et les paroles qui deviennent génératives, créatives.

Au début de la création de la part de Dieu, nous trouvons une puissante image: «Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit: Que la lumière soit et la lumière fut» (Gn 1, 2-3). Une scène enveloppée dans le silence brisé par la parole créatrice de Dieu. On devine que le silence est comme le giron de la parole, une force qui couve, protège puis laisse s’exprimer, presque exploser, la parole dans toute sa plénitude.

Comme l’a rappelé Paolo Ruffini, préfet du dicastère pour la communication, au cours de la conférence de presse de présentation du synode, en citant la lettre pastorale Effatà du cardinal Martini (reportée sur les pages de l’or quotidien italien): «Toute communication authentique naît du silence. En effet, chaque parole humaine consiste à dire quelque chose à quelqu’un: quelque chose qui doit avant tout naître à l’intérieur».

Ainsi, la vie de Jésus aussi semble répéter le même schéma: avant tout il y a un long silence, d’environ trente ans, la vie cachée de Jésus à Nazareth, et ce n’est qu’après qu’il y a la parole audacieuse et puissante qui est lancée dans le monde: le royaume de Dieu est proche! La vie publique de Jésus, celle de la prédication, est très brève par rapport à la longue parenthèse silencieuse, un peu comme le concert d’un musicien après des semaines de répétition, comme la représentation pour l’acteur, comme le match pour le boxeur qui s’entraîne pendant de longs mois. C’est ainsi que devrait être la parole humaine, la réalisation d’un chef d’œuvre qui lui seul justifie l’interruption du silence.

Mais le silence n’est pas seulement ce giron fécond pour une parole belle, bonne, vraie. Il est parfois aussi frère de l’ombre et de l’obscurité, il est parfois un silence qui naît du fait d’être muet. «Aujourd’hui, grand silence sur la terre; grand silence et ensuite solitude», affirme une antique homélie pour le Samedi Saint, le jour a-liturgique du calendrier chrétien, «parce que le Roi sommeille. La terre a tremblé et elle s’est apaisée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair». Le Samedi Saint est le jour sans parole, sans la Parole, Jésus, qui gît mort au Sépulcre. C’est le moment du silence de Dieu. Sans doute est-ce là l’image de toute l’histoire humaine, ce voyage des hommes en prière, qui parlent à un Silence (pour reprendre les paroles de Karl Rahner) et qui continuent toutefois à marcher en espérant une nouvelle écoute qui brise le silence inquiétant. Parce que même le silence du Samedi Saint n’est pas chargé de désespoir, mais ouvert à la lumière du Dimanche de Pâques, parce que dans sa descente dans l’abîme de la mort, Jésus «a éveillé ceux qui dorment depuis les origines», poursuit l’antique homélie, «Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s’est mis à trembler».

Bien précieux, puissant et fragile, le silence doit être sauvegardé avec l’attitude propre à la sauvegarde: la foi. Cette confiance exprimée de façon efficace par la brève parabole de la semence que Jésus raconte dans l’Evangile de Marc: «Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui aurait jeté du grain en terre: qu'il dorme et qu'il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, puis plein de blé dans l'épi. Et quand le fruit s'y prête, aussitôt il y met la faucille, parce que la moisson est à point» (Mc 4, 26-29).

L’Eglise se lance dans une grande aventure, celle du synode sur la synodalité, un défi important et difficile que l’on ne peut affronter qu’avec la foi que la semence germera et que la vérité, pour atteindre le cœur des hommes, n’a besoin ni de proclamations, et encore moins de cris violents. (andrea monda)

Andrea Monda