FEMMES EGLISE MONDE

Lectures de Rosa Lupoli

L’attente du miracle
entre misère et dignité

 L’attesa del miracolo tra miseria e dignità  DCM-006
03 juin 2023

Sándor Márai, Le miracle de San Gennaro, Adelphi

Je n'avais lu de Sándor Márai que le magnifique « Les braises » et j'ai cherché ce livre sur San Gennaro pendant des années, mais il était épuisé : jusqu'à ce que le 6 mai, le jour où le sang de San Gennaro s'est liquéfié, je le trouve par pur hasard, mais avec une grande joie. Il s'agit du roman napolitain de Márai, qui a vécu de 1948 à 1952 dans notre ville, exilé de Hongrie avant de partir pour les Etats-Unis. Il existe une forte césure entre la première et la deuxième partie. Dans la première, l'auteur décrit des personnages presque à la Eduardo De Filippo, qui vivent dans une misère atavique, mais qui avec dignité ne demandent rien et préfèrent donner, dans l'attente perpétuelle d'un changement qui ne se produit pas, à l'exception de la liquéfaction du sang de San Gennaro, trois fois par an. Dans la deuxième partie, il raconte la mort d'un étranger, en s'appuyant sur de longs monologues, toujours beaux, mais qui brisent l'enchantement du récit, pour réfléchir à la condition de l'exilé déraciné. Les figures de Giuseppe Moscati, alors en cours de canonisation, et du philosophe Benedetto Croce, considéré comme un saint laïc célèbre dans la ville, sont comparées l'une à l'autre. Il est difficile d'oublier les parfums, les fleurs et les arbres du Pausilippe où se déroule le roman, mais aussi le ciel, le soleil, la mer, chargés d'une histoire millénaire. Et surtout, le vent fou, qui provoque des tragédies; un vent arrêté par les paroles anciennes d'un pêcheur, peut-être les mêmes que celles que mon grand-père, pêcheur lui aussi, utilisait pour «briser» les trombes marines.