En visite du 9 au 14 mai

Tawadros ii à Rome: le baiser avec le Pape François et la prière commune pour les martyrs

Pope Francis (R) listens to the Coptic Orthodox leader Tawadros II during a private audience in the ...
27 avril 2023

Du 9 au 14 mai prochain, le patriarche copte-orthodoxe d'Alexandrie Tawadros ii sera à Rome et au Vatican pour célébrer la journée de l'amitié entre coptes et catholiques. Cette journée est célébrée chaque année le 10 mai en souvenir de la rencontre historique entre le Pape Paul vi et le Pape Chenouda iii le 10 mai 1973. François et Tawadros ii se rencontreront pour la troisième fois, après une première visite à Rome du patriarche orthodoxe le 10 mai 2013, et la visite que l’Evêque de Rome lui avait rendue le 28 avril 2017 à l’occasion de son voyage apostolique en Egypte; rencontre au cours de laquelle les deux responsables religieux avaient signé une déclaration commune. Dans un entretien accordé aux médias du Vatican, le père Hyacinthe Destivelle, official du dicastère pour l'unité des chrétiens, souligne l'importance de cette visite pour les relations entre les deux Eglises.

Du 9 au 14 mai prochain, le patriarche Tawadros ii sera à Rome et au Vatican pour rencontrer le Pape François, ainsi bien sûr que les fidèles coptes-orthodoxes qui sont nombreux en Italie. Quelle importance revêt cette visite?

C'est une visite très importante puisque nous célébrons les 50 ans de la première rencontre entre un patriarche d'Alexandrie, patriarche de l'Eglise copte-orthodoxe et l’Evêque de Rome. Cette première visite a eu lieu le 10 mai 1973 et elle a constitué un tournant dans les relations entre l'Eglise copte-orthodoxe et l'Eglise catholique. Nous célébrons aussi les dix ans de la première visite du patriarche Tawadros ii le 10 mai 2013, quelques mois après l'élection du Pape François et du patriarche. Cette visite de 2013 commémorait déjà la première rencontre entre Chenouda iii et Paul vi . C'était la première visite à l'étranger du patriarche Chenouda iii , et la première fois aussi qu'il rencontrait un chef d'Eglise à l'étranger. C'était une visite importante.

Cette visite marquera-t-elle un pas de plus en direction de l'unité?

Tout à fait. L’unité se fait en chemin, comme le dit souvent le Pape François. Et cette visite va certainement marquer une étape importante sur ce chemin commun que nous avons entamé avec l'Eglise copte depuis le Concile Vatican ii , puisque c'est à l'occasion du Concile Vati-
can ii qu'on a repris les contacts avec l'envoi d'observateurs de la part du patriarche. A l'époque, c'était le patriarche Cyrille vi , qui avait répondu positivement à l'invitation du Pape Jean xxiii , d'envoyer des observateurs à toutes les sessions du Concile. Et ensuite il y a eu en 1968 la restitution des reliques de saint Marc qui avaient été volées par des marchands vénitiens au ix e siècle et finalement restituées à l'initiative du Pape Paul vi , pour être placées dans l'autel majeur de la nouvelle cathédrale copte-orthodoxe du Caire. Ensuite, il y a eu en 1973, cette célèbre visite que j'ai déjà mentionnée, la première rencontre à Rome entre un patriarche de l'Eglise copte et l’Evêque de Rome depuis la rupture de 451, c'est à dire la rupture du Concile de Chalcédoine, après lequel nos Eglises sont restées pratiquement sans contact pendant 1.500 ans. L’année 1973, année de la reprise des relations, a permis de lancer une commission mixte qui a travaillé jusqu'à la fin des années 1980 et qui ensuite a été intégrée à une commission plus large avec les Eglises orthodoxes orientales, qui font maintenant partie d'une commission mixte de dialogue entre l'Eglise catholique et l'ensemble de ces Eglises qui reconnaissent les trois premiers conciles œcuméniques.

Au cours des cinq jours de visite, plusieurs rendez-vous sont programmés, quels détails pouvez-vous donner?

Le patriarche Tawadros ii vient en pèlerinage et sa première visite sera à la tombe de saint Pierre, puisqu'il vient aussi pour faire mémoire des relations privilégiées qui existent entre le siège de saint Pierre et le siège de saint Marc, qui est celui
d'Alexandrie. Pierre et Marc étant deux apôtres avec un lien très fort puisque Marc était le disciple de saint Pierre. Ensuite, le 10 mai qui est un mercredi, à la fois jour de l'audience générale et jour de l'amitié copte catholique, le patriarche sera non seulement présent à côté du Pape, mais il prendra aussi la parole. Et puis, le lendemain, il y aura une audience privée avec un temps de prière commun pour la paix dans la chapelle Redemptoris Mater.

Mais le patriarche vient aussi rendre visite à ses fidèles, et il y a un très grand nombre de fidèles orthodoxes en Italie; ils sont environ de 100. 000, pour lesquels il a fallu trouver une église qui puisse accueillir ceux qui viendront pour cette liturgie dominicale du 14 mai. Le patriarche copte célébrera dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, et il recevra aussi la veille les fidèles coptes pour tenir une sorte de catéchèse avec eux.

Ce n'est pas commun une liturgie orthodoxe à saint Jean de Latran?

Ce n'est pas commun, mais ce n'est pas nouveau qu'un patriarche célèbre dans une basilique papale, puisque le patriarche Tawadros avait déjà célébré en 2018 dans la basilique Saint-Paul-hors-les-murs. Et puis, il y a une tradition très ancienne, lorsque les patriarches d'Orient venaient à Rome, on leur attribuait des basiliques pour qu'ils puissent célébrer. La basilique Saint-Pierre de Rome était attribuée au patriarche de Constantinople, Sainte-Marie-Majeure au patriarche d'Antioche, Saint-Paul-hors-les-murs, au patriarche d'Alexandrie. Il y a donc une tradition ancienne, et on parle même de basilique patriarcale. Pas seulement parce que le Pape était, selon son titre, patriarche d'Occident, mais aussi parce que les patriarches d'Orient venaient célébrer. Le prêt d'Eglise, est une chose qui est non seulement autorisée par le Directoire œcuménique, mais qui est recommandée, qui peut permettre un certain rapprochement des chrétiens. Le Directoire œcuménique indique d’ailleurs au paragraphe 137 que «si des prêtres, des ministres ou des communautés qui ne sont pas en pleine communion avec l'Eglise catholique n'ont pas de lieux ni les objets liturgiques nécessaires pour célébrer dignement leurs cérémonies religieuses, l'Evêque du diocèse peut leur permettre d'utiliser une église ou un édifice catholique, et aussi leur prêter ces objets nécessaires pour leurs services». Ceci est également expliqué au point 33 du vadémécum œcuménique. Par ailleurs, l'Eglise copte-orthodoxe est une Eglise apostolique dont les sacrements sont reconnus par l'Eglise catholique et qui partage la même conception de l'Eucharistie et du sacerdoce.

Il a donc été décidé de prêter la cathédrale Saint-Jean-de-Latran pour accueillir une célébration et les fidèles coptes-orthodoxes. Evidemment, le patriarche ne célèbrera pas à l'autel papal, il célébrera sur un autel spécial qui sera aménagé spécialement, comme cela avait été le cas en 2018, lorsqu'il avait célébré à Saint-Paul-hors-les-murs.

La basilique Saint-Jean-de-Latran est-elle ouverte à toutes les confessions chrétiennes?

La basilique, traditionnellement œcuménique, est Saint-Paul-hors-les-murs. Pour être très clair, c'est là qu'a été annoncé le Concile Vati-
can ii , dont l'un des objectifs était le rétablissement de l'unité des chrétiens. C'est là que sont célébrées tous les ans, le 25 janvier, les -deuxièmes vêpres de la fête de la conversion de saint Paul. En ce qui concerne Saint-Jean-de-Latran, il peut y avoir, de temps en temps, un malentendu sur des célébrations des groupes qui se présentent. Mais en principe, la célébration par d'autres chrétiens doit être dûment approuvée. Dans le cas du patriarche Tawadros, la célébration de la Divine liturgie a été tout à fait autorisée parce qu'il s'agit d'un événement historique. Encore une fois, on fête les 50 ans de la première rencontre entre l’Evêque de Rome et un patriarche d'Alexandrie, rencontre qui a mis fin à 1.500 ans de séparation. Et surtout, il s'agit d'une célébration qui va rassembler plusieurs milliers de fidèles.

Peut-on penser que le Pape François et le patriarche puissent prier ensemble pour les martyrs des églises d'Orient, qui ont payé un prix élevé au cours de l'histoire pour le témoignage de la foi?

Je pense que l’œcuménisme du sang, comme l'appelle le Saint-
Père, sera certainement au cœur des discussions et des discours, puisqu'on appelle l'Eglise copte l'Eglise des martyrs. Tout le monde a en tête ces célèbres 21 martyrs qui ont été décapités sur une plage de Libye, près de Syrte. Et le Pape François, dans un message vidéo, il y a deux ans, a dit à l'occasion de l'anniversaire de la commémoration liturgique puisqu'ils sont commémorés dans le martyrologe copte le 15 février, qu’ils étaient nos martyrs, les saints de toutes les confessions. Donc, le thème de l'œcuménisme des martyrs et l’œcuménisme des saints sera certainement au cœur de cette rencontre.

Jean-Charles Putzolu