Le Pape poursuit ses réflexions sur la passion pour l’évangélisation et parle des témoins qui ont donné leur vie pour le Christ

Que les martyrs soient des semences de paix et de réconciliation entre les peuples

 Que les martyrs soient des semences de paix et de réconciliation entre les peuples  FRA-016
20 avril 2023

Chers frères et sœurs, bonjour!

En parlant de l’évangélisation et en parlant du zèle apostolique, après avoir considéré le témoignage de saint Paul, véritable «champion» du zèle apostolique, aujourd’hui, nous portons notre regard non pas sur une figure singulière, mais vers la colonne de martyrs, hommes et femmes de tous âges, de toutes langues et de toutes nations, qui ont donné leur vie pour le Christ, qui ont versé leur sang pour confesser le Christ. Après la génération des apôtres, ils ont été par excellence les «témoins» de l’Evangile. Les maryrs: le premier fut le diacre saint Etienne, lapidé à mort hors des murs de Jérusalem. Le mot «martyre» vient du grec martyria, qui signifie précisément témoignage. Un martyr est un témoin, quelqu’un qui apporte un témoignage jusqu’à verser son sang. Cependant, le mot martyr a rapidement été utilisé dans l’Eglise pour désigner celui qui témoignait jusqu’à l’effusion de sang1. C’est-à-dire, le mot martyr indiquait tout d’abord le témoignage rendu tous les jours, et par la suite il a été utilisé pour indiquer celui qui donne sa vie par l’effusion.

Les martyrs, cependant, ne doivent pas être considérés comme des «héros» qui ont agi individuellement, comme des fleurs qui poussent dans le désert, mais comme des fruits mûrs et excellents de la vigne du Seigneur, qui est l’Eglise. En particulier, les chrétiens, en participant assidûment à la célébration de l’Eucharistie, étaient conduits par l’Esprit à conformer leur vie sur ce mystère d’amour: c’est-à-dire sur le fait que le Seigneur Jésus avait donné sa vie pour eux et que, par conséquent, ils pouvaient et devaient eux aussi donner leur vie pour Lui et pour leurs frères et sœurs. Une grande générosité, le chemin de témoignage chrétien. Saint Augustin souligne souvent cette dynamique de gratitude et de réciprocité gratuite du don. Voici, par exemple, ce qu’il prêchait lors de la fête de Saint Laurent: «Saint Laurent était un diacre de l’Eglise de Rome. C’est là qu’il était ministre du sang du Christ et c’est là qu’il a versé son sang au nom du Christ. Le bienheureux apôtre Jean a clairement exposé le mystère de la Cène, en disant: “Jésus a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères”. (1 Jn 3, 16). Laurent, mes frères, a compris tout cela. Il l’a compris et l’a mis en pratique. Et il a vraiment rendu ce qu’il avait reçu à cette table. Il a aimé le Christ dans sa vie, il l’a imité dans sa mort» (Disc. 304, 14; pl 38, 1395-1397). C’est ainsi que saint Augustin expliquait le dynamisme spirituel qui animait les martyrs. Avec ces paroles: les martyrs aiment le Christ dans sa vie et l’imitent dans sa mort.

Aujourd’hui, chers frères et sœurs, souvenons-nous de tous les martyrs qui ont accompagné la vie de l’Eglise. Comme je l’ai dit à maintes reprises, ils sont plus nombreux à notre époque qu’aux premiers siècles. Aujourd’hui, il y a beaucoup de martyrs dans l’Eglise, beaucoup, parce que pour confesser la foi chrétienne, ils sont chassés de la société ou jetés en prison... Le Concile Vatican ii nous rappelle que «le martyre dans lequel le disciple est assimilé à son maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et rendu semblable à lui dans l’effusion de son sang, est con-sidéré par l’Eglise comme une grâce éminente et la preuve suprême de la charité» (Const. Lumen gentium, 42). Les martyrs, à l’imitation de Jésus et avec sa grâce, transforment la violence de ceux qui refusent l’annonce en une occasion suprême d’amour, qui va jusqu’au pardon de leurs bourreaux. Cela est intéressant: les martyrs pardonnent toujours leurs bourreaux. Etienne, le premier martyr, mourut en priant: «Seigneur, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font». Les martyrs prient pour leurs bourreaux.

Si le martyre n’est demandé qu’à quelques-uns, «tous cependant doivent être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, à travers les persécutions qui ne manquent jamais à l’Eglise» (ibid., 42). Mais cette persécution est-elle quelque chose du passé? Non, non: aujourd’hui. Aujourd’hui, il y a des persécutions contre les chrétiens dans le monde, beau-coup, beaucoup. Aujourd’hui, il y a plus de martyrs qu’aux premiers temps. Les martyrs nous montrent que tout chrétien est appelé au témoignage de la vie, même s’il ne va pas jusqu’à l’effusion du sang, en faisant de lui-même un don à Dieu et à ses frères, à l’imitation de Jésus.

Et je voudrais conclure en rappelant le témoignage chrétien présent dans tous les coins du monde. Je pen-se, par exemple, au Yémen, une terre blessée depuis de nombreuses années par une guerre terrible et oubliée, qui a causé tant de morts et qui fait encore souffrir tant de personnes, en particulier des enfants. Sur cette même terre, il y a eu des témoignages de foi éclatants, comme celui des sœurs Missionnaires de la Charité, qui ont donné leur vie là. Aujourd’hui encore, elles sont présentes au Yémen, où elles offrent une assistance aux personnes âgées malades et aux personnes handicapées. Certaines d’elles ont souffert le martyre, mais les autres continuent, elles risquent leur vie mais vont de l’avant. Elles accueillent tout le monde, quelle que soit la religion, car la charité et la fraternité n’ont pas de frontières. En juillet 1998, sœur Aletta, sœur Zelia et sœur Michael, qui rentraient chez elles après la messe, ont été tuées par un fanatique parce qu’elles étaient chrétiennes. Plus récemment, peu après le début du conflit toujours en cours, en mars 2016, Sœur Anselme, sœur Marguerite, sœur Reginette et sœur Judith ont été tuées avec des laïcs qui les aidaient dans leur travail de charité auprès des derniers. Ce sont les martyrs de notre temps. Parmi ces laïcs assassinés, outre des chrétiens, il y avait des musulmans qui travaillaient avec les sœurs. Il est émouvant de voir comment le témoignage du sang peut unir des personnes de religions différentes. On ne doit jamais tuer au nom de Dieu, car pour Lui nous sommes tous frères et sœurs. Mais ensemble, nous pouvons donner notre vie pour les autres.

Prions donc pour que nous ne nous lassions pas de témoigner de l’Evangile, même en temps de tribulation. Que tous les saints et les saintes martyrs soient des semences de paix et de réconciliation entre les peuples pour un monde plus humain et plus fraternel, en attendant que le Royaume des cieux se manifeste pleinement, quand Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15, 28).

1 Origène, In Johannem, ii, 210: «Quiconque rend témoignage à la vérité, soit en paroles, soit en actes, soit en œuvrant pour elle de quelque manière que ce soit, peut à bon droit être appelé témoin. Mais le nom de témoin (martyrs) au sens propre, la communauté des frères, impressionnée par la force d’âme de ceux qui ont combattu pour la vérité ou la vertu jusqu’à la mort, a pris l’habitude de le réserver à ceux qui ont témoigné du mystère de la vraie religion par l’effusion du sang».

Au terme de l’audience générale, après les saluts, le Saint-Père a lancé un appel à la paix à l’Ukraine:

Persévérons dans la proximité et la prière pour la chère Ukraine martyrisée, qui continue d’endurer de terribles souffrances.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audience générale, se trouvaient les pèlerins francophone suivants:

De France: Paroisse Notre-Dame d’Auteuil, de Paris; groupe de pèlerins de Saint-Désert; groupe de chefs d’établissements du réseau Lasallien et de frères des écoles chrétiennes; groupes de couples Ecole de Charité et de Mission, de Lille, Ornex; Collège Saint-Vincent, de Paris; Collège Saint-Dominique, de Neuilly-sur-Seine; Collège Paul-Claude i, d’Hulst; Institut La Tour, de Paris; groupe Les Iris, de Marseille; Aumônerie Nice centre; paroisse de Ploermel.

De Suisse: Confirmés du Décanat de Fribourg.

De Belgique: Etudiants de la faculté de théologie de l’université catholique de Louvain.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, notamment les nombreux groupes de paroissiens, d’aumôneries et d’étudiants qui sont venus de Suisse, de Belgique et de France.

Chers frères et sœurs, prions afin de ne jamais nous lasser de témoigner de l'Evangile, même dans les temps de tribulation. Que le sang des martyrs devienne une semence de paix et de réconciliation entre les peuples.

Que Dieu vous bénisse et vous donne la force de témoigner!