Réflexion du Pape François à la veille du Triduum pascal

Que de l’arbre de la croix germe la véritable espérance

 Que de l’arbre de la croix germe la véritable espérance  FRA-014
06 avril 2023

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dimanche dernier, la liturgie nous a fait écouter la Passion du Seigneur. Elle se termine par ces mots: «Ils mirent les scellés sur la pierre» (Mt 27, 66): tout semble fini. Pour les disciples de Jésus, ce bloc de pierre marque la fin de l’espérance. Le Maître a été crucifié, tué de la manière la plus cruelle et la plus humiliante qui soit, pendu à un infâme gibet hors de la ville: un échec public, la pire fin possible — à cette époque, c’était le pire. Le découragement qui oppressait les disciples ne nous est pas totalement étranger aujourd’hui. En nous aussi, fusent des idées noires et des sentiments de frustration: pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu? Cela est curieux: pourquoi tant d’indifférence à l’égard de Dieu? Pourquoi tant de mal dans le monde? Il y a le mal dans le monde, vous savez! Pourquoi les inégalités continuent-elles à se creuser et la paix tant désirée ne se réalise pas? Pourquoi sommes-nous si attachés à la guerre, à nous faire du mal les uns les autres? Et dans le cœur de chacun, que d’attentes envolées, que de déceptions! Et toujours ce sentiment que les temps passés étaient meilleurs et que dans le monde, peut-être même dans l’Eglise, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient... Bref, aujourd’hui encore, l’espérance semble parfois scellée sous la pierre de la méfiance. Et j’invite chacun de vous à penser à cela: où est ton espérance? Et toi, as-tu une espérance vivante ou bien l’as-tu scellée ou l’as-tu mise dans un tiroir comme un souvenir? Mais ton espérance te pousse-t-elle à marcher ou est-ce un souvenir romantique comme si c’était une chose qui n’existe pas? Où est ton espérance aujourd’hui?

Une image est restée gravée dans l’esprit des disciples: la Croix. C’est là que tout a fini. C’est là que se concentrait la fin de tout. Mais peu de temps après, ils découvriront dans la croix elle-même un nouveau commencement. Chers frères et sœurs, c’est ain-si que germe l’espérance de Dieu, elle naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues, et elle, la véritable espérance, ne déçoit jamais. Pen-sons précisément à la croix: du plus terrible instrument de torture, Dieu a tiré le plus grand signe d’amour. Ce bois de la mort, transformé en arbre de vie, nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent à partir de nos fins. C’est ainsi qu’il aime opérer des merveilles. Aujourd’hui, regardons donc l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance: cette vertu quotidienne, cette vertu silencieuse, humble, mais cette vertu qui nous maintient sur pied, qui nous aide à aller de l’avant. On ne peut pas vivre sans espérance. Réfléchissons: où est mon espérance? Aujourd’hui, regardons l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance: pour être guéris de la tristesse — mais tous ces gens tristes... Quand je pouvais me promener dans les rues, maintenant je ne peux plus parce qu’on ne me le laisse pas faire, mais quand je pouvais marcher dans les rues, dans l’autre diocèse, j’aimais regarder le regard des gens. Combien de regards tristes! Des gens tristes, des gens qui parlaient seuls, des gens qui ne marchaient qu’avec leur portable, mais sans paix, sans espérance. Et où est ton espérance aujourd’hui? Il faut un peu d’espérance pour être guéris de la tristesse dont nous sommes malades, pour être guéris de l’amertume avec laquelle nous polluons l’Eglise et le monde. Frères et sœurs, regardons le crucifix. Et que voyons-nous ? Nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout? C’est là qu’est notre espérance.

Observons donc comment, sous ces deux aspects, l’espérance, qui semblait mourir, renaît. Tout d’abord, nous voyons Jésus dépouillé: car «après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort» (v. 35). Dieu dépouillé: Celui qui a tout se laisse dépouiller de tout. Mais cette humiliation est le chemin de la rédemption. Dieu triomphe ain-si de nos apparences. En effet, nous avons du mal à nous mettre à nu, à faire la vérité: nous cherchons toujours à couvrir les vérités parce qu’elles ne nous plaisent pas; nous nous revêtons d’apparences extérieures que nous recherchons et soignons, de masques pour nous déguiser et nous montrer meilleurs que nous ne sommes. C’est un peu l’habitude du maquillage: maquillage intérieur, sembler meilleurs que les autres... Nous pensons que l’important est l’ostentation, apparaître, pour que les autres disent du bien de nous. Et nous nous parons d’apparences, nous nous parons d’apparences, de choses superflues, mais de cette manière nous ne trouvons pas la paix. Puis le maquillage s’en va et tu te regardes dans le miroir avec le visage laid, mais vrai, que tu as, celui que Jésus aime, pas celui «maquillé». Et Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît en faisant la vérité sur nous-mêmes — se dire la vérité à soi-même —, en abandonnant la duplicité, en nous libérant de la coexistence pacifique avec nos mensonges. Parfois, nous sommes si habitués à dire des mensonges que nous vivons avec les mensonges comme s’ils étaient des vérités et nous finissons empoisonnés par nos mensonges. Voilà ce qui est nécessaire: revenir au cœur, à l’essentiel, à une vie simple, dépouillée de tant de choses inutiles, qui sont des substituts de l’espérance. Aujourd’hui, alors que tout est com-plexe et que nous risquons de perdre le fil, nous avons besoin de simplicité, nous avons besoin de redécouvrir la valeur de la sobriété, la valeur du renoncement, de faire le ménage dans ce qui pollue le cœur et nous rend tristes. Chacun de nous peut penser à une chose inutile dont il peut se débarrasser pour se retrouver. Pensons, combien de choses inutiles. Ici, il y a quinze jours, à Saint-Marthe, là où j’habite — qui est un hôtel pour de nombreuses personnes — il a été suggéré pour cette Semaine Sainte qu’il serait beau de regarder sa garde-robe et de se débarrasser des choses que nous avons, mais que nous ne mettons pas... Vous n’imaginez pas la quantité de choses! Il est bon de se dépouiller des choses inutiles. Et cela est allé aux pauvres, aux personnes dans le besoin. Nous aussi, nous avons beaucoup de choses inutiles dans le cœur — Et dehors aussi. Regardez votre garde-robe: regardez-la. Cela est utile, cela est inutile.... et faites de l’ordre. Regardez la garde-robe de l’âme: combien de choses inutiles nous avons, combien d’illusions stupides. Revenons à la simplicité, aux choses vraies, qui n’ont pas besoin de maquillage. Voilà un bel exercice!

Jetons un second regard sur le crucifix et voyons Jésus blessé. La croix montre les clous qui transpercent ses mains et ses pieds, son côté ouvert. Mais aux blessures du corps s’ajoutent celles de l’âme: que d’angoisse! Jésus est seul: trahi, livré et renié par les siens, par ses amis, aussi par ses disciples, condamné par le pouvoir religieux et civil, excommunié, Jésus fait même l’expérience de l’abandon de Dieu (cf. v. 46). Sur la croix, apparaît également le motif de la condamnation: «Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs» (v. 37). C’est une moquerie: lui qui s’était enfui quand on avait voulu le faire roi (cf. Jn 6, 15), est condamné pour s’être fait roi; alors qu’il n’a commis aucun crime, il est mis entre deux malfaiteurs et on lui préfère le violent Barabbas (cf. Mt 27, 15-21). Jésus, en somme, est blessé dans son corps et dans son âme. Demandons-nous: en quoi cela aide-t-il notre espérance? Ainsi, Jésus nu, privé de tout, de tout: que dit cela à mon espérance, comment cela m’aide-t-il?

Nous aussi nous sommes blessés: qui n’est pas blessé dans la vie? Et souvent, avec des blessures cachés que nous cachons par honte. Qui ne porte pas les cicatrices de choix passés, d’incompréhensions, de douleurs qui restent à l’intérieur et qui sont difficiles à surmonter? Mais aussi des torts subis, des paroles acerbes, des jugements hargneux? Dieu ne cache pas à nos yeux les blessures qui ont transpercé son corps et son âme. Il les montre pour nous montrer qu’un nouveau passage peut s’ouvrir à Pâques: faire de ses blessures des trous de lumière. «Mais Sainteté, n’exagérez pas», pourrait-on me dire. Non, c’est vrai: essaie, essaie. Essaie de le faire. Pense à tes blessures, celles que toi seul as, que chacun a cachées dans son cœur. Et regarde le Seigneur. Et tu verras, tu verras comment de ces blessures sortent des trous de lu-mière. Jésus, sur la croix, ne récrimine pas, il aime. Il aime et pardonne à ceux qui le blessent (cf. Lc 23, 34). Il transforme ainsi le mal en bien, il convertit et transforme la douleur en amour.

Frères et sœurs, la question n’est pas d’être blessé un peu ou beaucoup par la vie, la question est ce que l’on fait de ces blessures. Les petites, les grandes, celles qui laisseront un signe dans mon corps, dans mon âme pour toujours. Que fais-je avec mes blessures? Que fais-tu, toi et toi, avec tes blessures? «Non père, je n’ai pas de blessures» — «Attention, réfléchis deux fois avant de dire cela». Et je te demande: que fais-tu avec tes blessures, celles que toi seul connais? Tu peux les laisser suppurer dans le ressentiment, la tristesse, ou tu peux les unir à celles de Jésus, pour que mes blessures aussi deviennent lumineuses. Pensez à combien de jeunes ne supportent pas leurs blessures et cherchent dans le suicide une voie de salut: aujourd’hui, dans nos villes, beaucoup, beaucoup de jeunes qui ne voient pas d’issue, qui n’ont pas d’espérance et préfèrent aller de l’avant avec les drogues, avec l’oubli... les pauvres. Pensez à eux. Et toi, quelle est ta drogue, pour couvrir les blessures? Nos blessures peuvent devenir sources d’espérance quand, au lieu de pleurer sur nous-mêmes ou les cacher, nous essuyons les larmes des autres; quand, au lieu de nourrir du ressentiment pour ce qui nous est ôté, nous nous occupons de ce qui manque aux autres; quand, au lieu de ruminer en nous-mêmes, nous nous penchons sur ceux qui souffrent; quand, au lieu d’être assoiffés d’amour pour nous-mêmes, nous étanchons la soif de ceux qui ont besoin de nous. Car c’est seulement si nous cessons de penser à nous-mêmes, que nous nous trouvons nous-mêmes. Mais si nous continuons de penser à nous-mêmes, nous ne nous retrouverons plus. Et c’est ainsi que — comme le dit l’Ecriture — notre blessure se cicatrise rapidement (cf. Is 58, 8) et que l’espérance refleurit. Réfléchissez: que puis-je faire pour les autres? Je suis blessé, je suis blessé par le péché, je suis blessé par l’histoire, chacun a sa propre blessure. Qu’est-ce que je fais? Est-ce que je m’apitoie sur mes blessures ainsi, toute la vie? Ou est-ce que je regarde les blessures des autres et je vais, avec l’expérience de blessure de ma vie, guérir, aider les autres? Voilà le défi d’aujourd’hui, pour vous tous, pour chacun de vous, pour chacun de nous. Que le Seigneur nous aide à aller de l’avant.

Le Pape a ensuite lancé les appels suivants:

On célèbre demain la journée mondiale du sport pour la paix et le développement, proclamée par les Nations unies. Je souhaite qu’elle contribue à intensifier les projets de solidarité et les gestes d’amitié et de partage fraternel.

En cette Semaine Sainte de la passion du Christ, commémorant sa mort injuste, je rappelle en particulier toutes les victimes des crimes de guerre et, tandis que j’invite à prier pour elles, nous élevons une supplique à Dieu afin que les cœurs de tous se convertissent. Et en regardant Marie, la Vierge, devant la Croix, ma pensée va aux mères: aux mères des soldats ukrainiens et russes qui sont tombés pour la guerre. Ce sont des mères de soldats morts. Prions pour ces mères.

Parmi les pèlerins qu assistaient à l’audience générale se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Club Guerlédan du diocèse de Rennes.

De Belgique: Groupe de scouts, de Hasselt.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, venus en particulier de France et de Belgique.

Frères et sœurs, en ces jours saints, approchons-nous du Crucifié. Mettons-nous devant lui, dépouillé, pour faire la vérité en nous, en enlevant ce qui est superflu. Laissons Jésus régénérer en nous l’espérance. Que Dieu vous bénisse!