Je saluerai encore le soleil

Je saluerai encore le soleil,
Le ruisseau qui coulait en moi
Les nuages où s’attachaient mes pensées sans fin
Et l’essor douloureux des peupliers du jardin
Qui traversaient avec moi les saisons sèches
Je saluerai les nuées de corbeaux
Qui m’offraient le parfum des prairies nocturnes.
Et ma mère, qui habitait le miroir,
Avec le visage de ma vieillesse.
Je saluerai le sol aussi – son ventre fébrile
Accueillant les graines vertes de mon incessant désir.
Je viens je viens, je viens
Avec mes cheveux soulevant le parfum des profondeurs
Avec mes yeux, dense expérience de l’obscurité
Avec des bouquets cueillis au bois de l’autre côté du mur
Je viens, je viens, je viens
Et le seuil débordera d’amour
Je les saluerai encore

Forough Farrokhzad

« I Will Greet the Sun Again » (Je saluerai encore le soleil) est une célèbre poésie de la poétesse iranienne Forugh Farrokhzad. Le vers “je viens, je viens, je viens”, souligne le fait qu’un jour, les femmes seront libres. Née à Téhéran en 1934 et morte à 33 ans en 1967, dans un accident de la route, Forough Farrokhzad brava les autorités religieuses et les hommes de lettres conservateurs et contribua de façon décisive au renouveau de la littérature perse du vingtième siècle. Elle fut également actrice et documentariste : en 1963, elle tourna dans une communauté de lépreux le documentaire « Khaneh siah ast » (La maison est noire), qui remporta des prix dans le monde entier. Un voyage dans la souffrance, chargé de compassion et de religiosité, avec des passages tirés de l’Ancien Testament et du Coran. Sa tombe au Zahir Dowleh Cemetery est un lieu de pèlerinage pour de très nombreux jeunes.