Le Pape retrace les étapes de son récent voyage à Kinshasa et à Djouba

En Afrique ensemble, avec dignité et espérance

 En Afrique ensemble,  avec dignité et espérance  FRA-006
09 février 2023

Chers frères et sœurs, bonjour!

La semaine dernière, j’ai visité deux pays africains: la République démocratique du Congo et le Soudan du Sud. Je rends grâce à Dieu qui m’a permis de faire ce voyage désiré depuis longtemps. Deux «rêves»: rendre visite au peuple congolais, gardien d’un pays immense, poumon vert de l’Afrique: avec l’Amazonie, ce sont les deux poumons du monde. Une terre riche en ressources et ensanglantée par une guerre qui ne se termine jamais car il y a toujours ceux qui alimentent le feu. Et pour rendre visite au peuple sud-soudanais, au cours d’un pèlerinage de paix avec l’archevêque de Canterbury Justin Welby et le modérateur général de l’Eglise d’Ecosse, Iain Greenshields: nous sommes allés ensemble pour témoigner qu’il est possible et juste de collaborer dans la diversité, surtout si l’on partage la foi dans le Christ.

Les trois premiers jours, j’étais à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Je renouvelle ma gratitude au président et aux autres Autorités du pays pour l’accueil qu’ils m’ont réservé. Immédiatement après mon arrivée, au palais présidentiel, j’ai pu adresser un message à la nation: le Congo est comme un diamant, de par sa nature, ses ressources, et surtout son peuple; mais ce diamant est devenu une source de discorde, de violence, et paradoxalement d’appauvrissement pour le peuple. C’est une dynamique que l’on retrouve également dans d’autres régions d’Afrique, et qui s’applique à ce continent en général: un continent colonisé, exploité, pillé. Face à tout cela, j’ai dit deux mots: le premier est négatif: «cela suffit!», arrêtez d’exploiter l’Afrique! J’ai dit d’autres fois que dans l’inconscient collectif, «l’Afrique doit être exploitée»: cela suffit! J’ai dit cela. Le deuxième est positif: ensemble, ensemble avec dignité et respect mutuel, ensemble au nom du Christ, notre espérance, aller de l’avant. Ne pas exploiter et aller de l’avant ensemble.

Et au nom du Christ, nous nous sommes réunis dans une grande Célébration eucharistique.

Toujours à Kinshasa se sont ensuite, déroulées les différentes rencontres: tout d’abord celle avec les victimes de la violence de l’est du pays, la région qui depuis des années est déchirée par la guerre entre groupes armés manœuvrés par des intérêts économiques et politiques. Je n’ai pas pu aller à Goma. Les gens vivent dans la peur et l’insécurité, sacrifiés sur l’autel des affaires illicites. J’ai écouté les témoignages bouleversants de certaines victimes, notamment des femmes, qui ont déposé au pied de la Croix des armes et autres instruments de mort. Avec eux, j’ai dit «non» à la violence et à la résignation, «oui» à la réconciliation et à l’espérance. Ils ont tant souffert et continuent de souffrir.

J’ai rencontré ensuite les représentants de diverses œuvres caritatives présentes dans le pays, pour les remercier et les encourager. Leur travail avec les pauvres et pour les pauvres ne fait pas de bruit, mais jour après jour, il fait croître le bien commun. Et surtout avec la promotion: les initiatives de charité doivent toujours être en premier lieu pour la promotion, pas seulement pour l’assistance, mais pour la promotion. Assistance oui, mais promotion.

Un moment enthousiasmant a été celui avec les jeunes et les catéchistes congolais dans le stade. Cela a été comme une immersion dans le présent projeté vers le futur. Pensons à la force de renouveau que peut apporter cette nouvelle génération de chrétiens, formés et animés par la joie de l’Evangile! A eux, aux jeunes, j’ai indiqué cinq voies: la prière, la communauté, l’honnêteté, le pardon et le service. J’ai dit aux jeunes du Congo: votre voie est celle-ci: prière; vie communautaire, honnêteté, pardon et service. Que le Seigneur entende leur cri invoquant la paix et la justice.

Puis, dans la cathédrale de Kinshasa, j’ai rencontré les prêtres, les diacres, les hommes et femmes consacrés et les séminaristes. Ils sont nombreux et ils sont jeunes, car les vocations sont nombreuses: c’est une grâce de Dieu. Je les ai exhortés à être des serviteurs du peuple comme témoins de l’amour du Christ, en surmontant trois tentations: la médiocrité spirituelle, le confort mondain et la superficialité. Qui sont des tentations — dirais-je — universelles, pour les séminaristes et pour les prêtres. Certes, la médiocrité spirituelle, quand un prêtre tombe dans la médiocrité, cela est triste; le confort mondain, c’est-à-dire la mondanité, qui est l’un des pires maux qui puissent arriver dans l’Eglise; et la superficialité. Enfin, avec les évêques congolais, j’ai partagé la joie et la fatigue du service pastoral. Je les ai invités à se laisser consoler par la proximité de Dieu et à être des prophètes pour le peuple, avec la force de la Parole de Dieu, être des signes de la façon dont est le Seigneur, de l’attitude qu’a le Seigneur envers nous: la compassion, la proximité, la tendresse. Ce sont trois façons d’être du Seigneur envers nous: il se fait proche — la proximité — avec compassion et tendresse. Voilà ce que j’ai dit aux évêques.

Puis la deuxième partie du voyage s’est déroulée à Djouba, capitale du Soudan du Sud, un Etat né en 2011. Cette visite a revêtu un caractère très particulier, exprimé à travers la devise qui reprenait les paroles de Jésus: «Je prie pour que tous soient un» (cf. Jn 17, 21). Il s’agissait en effet d’un pèlerinage œcuménique de paix, effectué avec les chefs de deux Eglises historiquement présentes dans ce pays: la Communion anglicane et l’Eglise d’Ecosse. C’était l’aboutissement d’un parcours initié il y a quelques années, qui nous avait réunis à Rome en 2019, avec les autorités sud-soudanaises, pour nous engager à surmonter le conflit et construire la paix. En 2019, nous avons fait une retraite spirituelle ici, à la Curie, de deux jours, avec tous ces hommes politiques, avec tous ces aspirants au pouvoir, certains ennemis entre eux, mais ils étaient tous présents à la retraite. Et cela a donné de la force pour aller de l’avant. Malheureusement, le processus de réconciliation n’a pas beaucoup progressé et le Soudan du Sud né récemment est victime de la vieille logique de pouvoir et de rivalité, qui engendre la guerre, les violences, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Je remercie de tout cœur le président pour l’accueil qu’il nous a réservé et pour la façon dont il cherche à gérer ce chemin qui n’est pas facile, pour dire «non» à la corruption et aux trafiquants d’arme» et «oui» à la rencontre et au dialogue. Et cela est honteux: de nombreux pays soi-disant civilisés offrent de l’aide au Soudan du Sud, et cette aide consiste en armes, armes, armes pour fomenter la guerre. C’est une honte. Et oui, aller de l’avant en disant «non» à la corruption et au trafic d’armes et «oui» à la rencontre et au dialogue. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut y avoir du développement, les gens pourront travailler en paix, les malades se faire soigner, les enfants aller à l’école.

Le caractère œcuménique de la visite au Soudan du Sud s’est manifesté en particulier lors du moment de prière célébré avec les frères et sœurs anglicans et ceux de l’Eglise d’Ecosse. Ensemble, nous avons écouté la Parole de Dieu, ensemble nous avons adressé des prières de louange, de supplication et d’intercession. Dans une réalité hautement conflictuelle comme celle du Soudan du Sud, ce signe est fondamental, et il ne va pas de soi, car malheureusement, certains abusent du nom de Dieu pour justifier les violences et les abus.

Frères et sœurs, le Soudan du Sud est un pays d’environ 11 millions d’habitants — petit! —, dont, en raison des conflits armés, deux millions sont des déplacés internes et autant ont fui vers les pays voisins. C’est pourquoi j’ai voulu rencontrer un grand groupe de déplacés internes, les écouter et leur faire sentir la proximité de l’Eglise. En effet, les Eglises et les organisations d’inspiration chrétienne sont en première ligne aux côtés de ces pauvres gens, qui vivent dans des camps de déplacés depuis des années. Je me suis adressé en particulier aux femmes — il y a des femmes courageuses là-bas —, qui sont la force qui peut transformer le pays; et j’ai encouragé tout le monde à être les semences d’un nouveau Soudan du Sud, sans violence, réconcilié et pacifié.

Puis, lors de la rencontre avec les pasteurs et les personnes consacrées de cette Eglise locale, nous avons regardé Moïse comme un modèle de docilité à Dieu et de persévérance dans l’intercession.

Et au cours de la célébration eucharistique, ultime acte de la visite au Soudan du Sud et de tout le voyage, je me suis fait l’écho de l’Evangile en encourageant les chrétiens à être «sel et lumière» dans ce pays si tourmenté. Dieu place son espérance non pas dans les grands et les puissants, mais dans les petits et les humbles. C’est la façon d’agir de Dieu.

Je remercie les autorités du Soudan du Sud, le président, les organisateurs des voyages et tous ceux qui ont consacré leurs efforts, leur travail, afin que la visite puisse se dérouler au mieux. Je remercie mes frères, Justin Welby et Iaian Greenshields, de m’avoir accompagné dans ce voyage œcuménique.

Prions afin que, en République démocratique du Congo et au Doudan du Sud, germent les semences de son Royaume d’amour, de justice et de paix.

Le Saint-Père a ensuite rappelé les souffrances de l’Ukraine:

N’oublions pas la souffrance du peuple ukrainien, si martyrisé: avec ce froid, sans électricité, sans chauffage et en guerre.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l’audience générale du 8 février, se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Séminaire interdiocésain, de Nantes; collège La Rochefoucauld, de Paris; collège Victor de Laprade, de Montbrison; collège Saint-Joseph, de Saint-Cloud; école Lacordaire, de Marseille; école Présentation de Marie, de Saint Julien-en-Genevois; école Saint-Thomas de Villeneuve; école Saint-Pierre Lebisey, de Caen; école Chevreul Blancarde, de Marseille; Institution Notre-Dame Saint-François, d’Evreux.

De Belgique: Groupe des écoles de l’Union européenne, de Bruxelles.

Du Cameroun: Groupe de pèlerins.

Je salue cordialement les personnes de langue française en particulier les jeunes venus de France, de Belgique et les pèlerins du Cameroun.

Frères et sœurs, prions pour que, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, puissent s’ouvrir des chemins nouveaux de pardon et de communion, et que des graines d’amour, de justice et de paix puissent germer dans toute l’Afrique.

Que Dieu vous bénisse!