Le Pape poursuit ses réflexions sur le zèle apostolique et indique Jésus comme modèle inégalable de l’annonce

Un cœur pastoral proche de tous

 Un cœur pastoral proche de tous  FRA-003
19 janvier 2023

Chers frères et sœurs, bonjour
et soyez tous les bienvenus!

Mercredi dernier, nous avons ouvert un cycle de catéchèses sur la passion d’évangéliser, c’est-à-dire sur le zèle apostolique qui doit animer l’Eglise et tout chrétien. Aujourd’hui, nous nous penchons sur le modèle suprême de l’annonce: Jésus. L’Evangile du jour de Noël l’a défini comme le «Verbe de Dieu» (cf. Jn 1, 1). Le fait qu’il soit le Verbe, la parole, nous indique un aspect essentiel de Jésus: il est toujours en relation, toujours en sortie, jamais isolé, toujours en relation, en sortie; la parole, en effet, existe pour être transmise, communiquée. Il en est de même pour Jésus, Parole éternelle du Père adressée à nous, communiquée à nous. Le Christ n’a pas seulement les paroles de vie, mais fait de sa vie une Parole, un message: il vit, pour ainsi dire, toujours tourné vers le Père et vers nous. Toujours en regardant le Père qui l’a envoyé et en nous regardant nous auxquels il a été envoyé.

En effet, si nous regardons ses journées, décrites dans les Evangiles, nous voyons qu’en premier lieu il y a l’intimité avec le Père, la prière, pour laquelle Jésus se lève tôt, quand il fait encore nuit, et va dans des zones désertes pour prier (cf. Mc 1, 35; Lc 4, 42), pour parler avec le Père. Toutes les décisions et tous les choix les plus importants il les prend après avoir prié (cf. Lc 6, 12; 9, 18). C’est précisément dans cette relation, dans la -prière qui le lie au Père dans l’Esprit, que Jésus découvre le sens de son être d’homme, de son existence dans le monde, parce qu’il est en mission pour nous, envoyé par le Père à nous.

A cet égard, le premier geste public qu’Il pose, après les années de vie cachée à Nazareth, est intéressant. Jésus ne fait pas de grand prodige, il ne lance pas un message -sensationnel, mais se mêle aux gens qui allaient se faire baptiser par Jean. Il nous offre ainsi la clé de son action dans le monde: se dépenser pour les pécheurs, en étant solidaire de nous sans distance, dans le partage total de la vie. En effet, en parlant de sa mission, il dira qu’il n’est pas venu «pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie» (Mc 10, 45). Chaque jour, après la prière, Jésus consacre toute sa journée à l’annonce du Royaume de Dieu et la consacre aux personnes, en particulier les plus pauvres et les plus faibles, les pécheurs et les malades (cf. Mc 1, 32-39). C’est-à-dire que Jésus est en contact avec le Père dans la prière et est en contact avec toutes les personnes pour la mission, pour la catéchèse, pour enseigner la voie du Royaume de Dieu.

Or, si nous voulons représenter son style de vie par une image, nous n’avons aucune difficulté à la trouver: Jésus lui-même nous l’offre, nous l’avons entendu, en se présentant comme le Bon Pasteur, celui qui — dit—il — «donne sa vie pour les brebis» (Jn 10, 11), voilà qui est Jésus. En effet, être berger n’était pas seulement un travail, qui demandait du temps et beaucoup d’engagement, c’était un véritable mode de vie: vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vivre avec le troupeau, l’accompagner au pâturage, dormir parmi les brebis, prendre soin des plus faibles. Jésus, en d’autres termes, ne fait pas quelque chose pour nous, mais donne sa vie pour nous. Son cœur est un cœur pastoral (cf. Ez 34, 15). Il est un pasteur avec nous tous.

En effet, pour résumer l’action de l’Eglise en un mot, le terme «pastoral» est souvent utilisé. Et pour évaluer notre travail pastoral, nous devons nous confronter au modèle, nous confronter à Jésus, Jésus le bon pasteur. Avant tout, nous pouvons nous demander: l’imitons-nous en nous abreuvant aux sources de la prière, afin que nos cœurs soient au diapason du sien? L’intimité avec Lui est, comme le suggère le beau volume de l’abbé Chautard, «l’âme de tout apostolat». Jésus lui-même a dit clairement à ses disciples: «Sans moi, vous ne pouvez rien faire» (Jn 15, 5). Si l’on est avec Jésus, on découvre que son cœur pastoral bat toujours pour ceux qui sont perdus, égarés, lointains. Et le nôtre? Combien de fois notre attitude avec les gens qui sont un peu difficiles ou qui créent des difficultés s’exprime par ces paroles: «Mais c’est son problème, qu’il s’arrange...». Mais Jésus n’a jamais dit cela, il est allé vers tous les marginalisés, les pécheurs. Il était accusé de cela, d’être parmi les pécheurs, parce qu’il leur apportait précisément le salut de Dieu.

Nous avons entendu la parabole de la brebis perdue au chapitre 15 de l’Evangile de Luc (cf. vv. 4-7). Jésus parle aussi de la pièce de monnaie perdue et du fils prodigue. Si nous voulons former notre zèle apostolique, le chapitre 15 de Luc devrait toujours être gardé à l’esprit. Lisez-le souvent, nous pouvons y comprendre ce qu’est le zèle apostolique. Nous y découvrons que Dieu ne reste pas à contempler la clôture de ses brebis, ni ne les menace pour qu’elles ne s’en aillent pas. Au contraire, si quelqu’un sort et se perd, il ne l’abandonne pas, mais le cherche. Il ne dit pas: «Il est parti, c’est sa faute, c’est son affaire!». Le cœur pastoral réagit d’une autre manière: le cœur pastoral souffre et le cœur pastoral risque. Il souffre: oui, Dieu souffre pour ceux qui partent, et en les pleurant, il les aime d’autant plus. Le Seigneur souffre lorsque nous nous éloignons de son cœur. Il souffre pour ceux qui ne connaissent pas la beauté de son amour et la chaleur de son étreinte. Mais, en réponse à cette souffrance, il ne se renferme pas, mais prend des risques: il laisse les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont en sécurité et s’aventure vers celle qui manque, faisant ainsi quelque chose de risqué et même d’irrationnel, mais en concordance avec son cœur de pasteur, qui éprouve de la nostalgie pour celles qui sont parties. La nostalgie de celles qui sont parties est -constante en Jésus. Et quand nous entendons que quelqu’un a quitté l’Eglise, que disons-nous: «Qu’il s’arrange». Non, Jésus nous enseigne la nostalgie de ceux qui sont partis; Jésus n’a pas de la colère ou du ressentiment, mais une nostalgie irréductible pour nous. Jésus a la nostalgie de nous et cela est le zèle de Dieu.

Et je me demande: et nous, avons-nous des sentiments similaires? Peut-être considérons-nous ceux qui ont quitté le troupeau comme des adversaires ou des ennemis. «Et celui-ci? — Non, il est parti ailleurs, il a perdu la foi, l’enfer l’attend...», et nous sommes tranquilles. En les rencontrant à l’école, au travail, dans les rues de la ville, pourquoi ne pas penser plutôt que nous avons une bonne occasion de leur témoigner la joie d’un Père qui les aime et ne les a jamais oubliés? Pas pour faire du prosélytisme, non! Mais pour que lui arrive la Parole du Père, pour marcher ensemble. Evangéliser ne signifie pas faire du prosélytisme: faire du prosélytisme est une chose païenne et pas religieuse ni évangélique. Il y a une bonne parole pour ceux qui ont quitté le troupeau et c’est notre honneur et notre devoir de porter cette parole. Parce que la Parole, Jésus, nous demande cela, de nous approcher toujours, le cœur ouvert, de tous, parce qu’il est ainsi. Peut-être suivons-nous et aimons-nous Jésus depuis si -longtemps et ne nous sommes-nous jamais demandé si nous partageons ses sentiments, si nous souffrons et risquons en harmonie avec le cœur de Jésus, avec ce cœur de pasteur, proche du cœur de pasteur de Jésus! Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme, je l’ai dit, pour que les autres soient «des nôtres», non, cela n’est pas chrétien: il s’agit d’aimer pour qu’ils soient des enfants heureux de Dieu. Demandons dans la prière la grâce d’un cœur pastoral, ouvert, qui soit proche de tous, pour apporter le message du Seigneur et aussi ressentir la nostalgie du Christ pour chacun. Car sans cet amour qui souffre et qui risque, notre vie ne va pas bien: si nous chrétiens n’avons pas cet amour qui souffre et risque, nous risquons de n’être les bergers que de nous-mêmes. Les bergers qui sont bergers d’eux-mêmes, sont inutiles. Il ne faut pas être bergers de soi-mêmes, mais les bergers de tous.

Lors du salut aux pèlerins italiens, le Pape a rappelé les souffrances du peuple ukrainien:

Et n’oublions pas de prier pour l’Ukraine martyrisée, qui a tant besoin de proximité, de réconfort et surtout de paix. Samedi dernier, une nouvelle attaque de missiles a provoqué de nombreuses victimes civiles, parmi lesquelles des enfants. Je fais mienne la douleur déchirante des familles. Les images et les témoignages de cet épisode tragique sont un puissant appel à toutes les consciences. On ne peut rester indifférents!

Le Pape s’est ensuite adressé aux pèlerins francophones par les paroles suivantes:

Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents aujourd’hui, en particulier le groupe de fidèles, venu de la République démocratique du Congo, un pays que j’irai visiter à la fin du mois et que je recommande à votre prière!

Prions Dieu de nous faire un cœur pastoral qui souffre et qui risque pour témoigner. Non seulement c’est un honneur, mais c’est aussi un devoir d’apporter la Parole de Dieu à ceux qui nous sont confiés comme à ceux que nous rencontrons dans la vie de tous les jours.

Dieu vous bénisse, vous et tous ceux qui vous sont proches!