Synthèse de la lettre apostolique pour le iv e centenaire de la mort de saint François de Sales

Tout est à l’amour

  Tout est à l’amour   FRA-052
29 décembre 2022

Un saint évêque savoyard du xvii e siècle peut-il encore parler aux fidèles du xxi e siècle? Oui, répond François dans une lettre apostolique d’une vingtaine de pages «Totum amoris est» dédiée à saint François de Sales, mort le 28 décembre 1622, et publiée le 29 décembre.

Le Saint-Père nous fait mieux connaître le parcours terrestre de cet inlassable pasteur et prédicateur du «Grand siècle», marqué par de graves crises politiques dans le Royaume de France et par les guerres de religion. On y découvre un saint doté de «tempérament», fin observateur des problèmes et caractéristiques de son époque, mais tout aussi attentif à la complexité du cœur humain, qu’il a lui-même expérimentée à travers crises et relèvements. «A l’école de l’Incarnation, il avait appris à lire l’histoire et à l’habiter avec confiance», écrit le Souverain Pontife. Son «style de vie remplie de Dieu» enseigne que la foi est «avant tout une attitude du cœur», que «l’expérience de Dieu est une évidence pour le cœur humain».

Ponctuant son texte de nombreuses citations du docteur de l’Eglise, le Pape explore largement sa spiritualité. Comme l’écrit saint François de Sales dans l’un de ses entretiens spirituels, «c’est la charité et l’amour qui donnent le prix à nos œuvres». L’amour, qui se décline notamment dans la douceur, est la clé de voûte de la spiritualité salésienne — et le Pape le met en évidence dans le titre même de cette lettre apostolique, Totum amoris est, tout est à l’amour. La «source de cet amour qui attire le cœur est la vie de Jésus Christ», précise le Successeur de Pierre.

Maître dans l’art du discernement, formé par de nombreuses amitiés spirituelles, saint François de Sales sait conduire à «l’attitude intérieure qui unit la pensée au sentiment, la raison à l’affection, et qu’il dénommera le “Dieu du cœur humain”».

Il est aussi question de «dévotion» et d’«extase», mots apparemment colorés de désuétude et de mysticisme, mais qui sont en réalité pertinents pour tout fidèle. Le premier, qui alimente la charité, est «plutôt un style de vie, une façon d’être dans le concret de l’existence quotidienne, explique le Pape. Il rassemble et donne un sens aux petites choses de tous les jours, la nourriture et les vêtements, le travail et les loisirs, l’amour et la fécondité, l’attention aux obligations professionnelles». Le second quant à lui est «l’heureuse surabondance de la vie chrétienne, élevée bien au-dessus de la médiocrité de la simple observance», une vie «qui a retrouvé les sources de la joie, contre toute aridité, contre la tentation du repli sur soi».

Dans cette lettre, le Saint-Père fait en fin de compte comprendre combien la spiritualité salésienne et l’exemple de saint François de Sales sont une lumière pour aujourd’hui. Celui dont «l’influence [du] ministère épiscopal sur l’Europe de l’époque et des siècles suivants apparaît immense» s’adressait à un «monde si diversement assoiffé de Dieu». «Il est surtout un interprète privilégié d’un changement d’époque et le guide des âmes en un temps qui, d’une manière nouvelle, a soif de Dieu», insiste le Pape. L’évêque de Genève eut «l’intuition d’un changement en acte et de l’exigence, toute évangélique, de comprendre comment pouvoir l’habiter». Ce défi trouve un écho dans le monde actuel, observe François. «C’est ce qui nous attend aussi comme tâche essentielle pour le changement d’époque que nous vivons: une Eglise non autoréférentielle, libre de toute mondanité mais capable d’habiter le monde, de partager la vie des personnes, de marcher ensemble, d’écouter et d’accueillir», peut-on lire. Saint François de Sales, qui s’appuyait avant tout sur la grâce de Dieu, «nous invite à sortir d’une préoccupation excessive de nous-mêmes, des structures, de l’image que nous donnons dans la société et à nous demander plutôt quels sont les besoins concrets et les attentes spirituelles de notre peuple. Il est donc important, aujourd’hui encore, de relire certains de ses choix cruciaux, pour habiter le changement avec une sagesse évangélique», encourage le Saint-Père.

Le fondateur de l’ordre de la Visitation – avec sainte Jeanne-Françoise de Chantal -, toujours désireux que chaque croyant, quel que soit son état de vie, puisse vivre sa foi en plénitude, montre aussi que «la sainteté n’est pas l’apanage de l’une ou de l’autre classe». «Traverser la cité terrestre en préservant l’intériorité, allier le désir de perfection à chaque état de vie, en retrouvant un centre qui ne se sépare pas du monde mais apprend à l’habiter, à l’apprécier, en apprenant aussi à prendre ses distances. Telle était son intention, et cela continue d’être une leçon précieuse pour chaque homme et chaque femme de notre temps», souligne le Pape. (Adélaïde Patrignani)