L’engagement de sœur Wamuyu pour une résolution pacifique des conflits au Kenya

Enseigner les chemins de la non-violence

 Enseigner les chemins de la non-violence  FRA-050
15 décembre 2022

Sœur Wamuyu Teresia Wachira fait partie de l’institut de la  bienheureuse Vierge Marie, communément appelé sœurs de sainte Marie de Lorette: il s’agit d’une congrégation de religieuses qui se consacrent à l’éducation, fondée par l’anglaise Mary Ward en 1609. Sœur Wamuyu, titulaire d’une maîtrise, possède de nombreux primats: dans son pays, le Kenya, elle a derrière elle une longue histoire de promotion de culture de paix et de solution non violente des conflits. Son activisme en faveur des enfants et des femmes kenyanes est connu depuis déjà 1991. Professeure dirigeant le programme d’études pour la paix et les conflits à la Saint Paul’s University di Nairobi — une institution chrétienne œcuménique — et co-présidente de Pax Christi International, sœur Wamuyu accepte volontiers les invitations à tenir des conférences dans le monde entier.

Dans un entretien accordé aux médias vaticans, sa passion pour la transmission de compétences en matière de résolution pacifique des conflits aux étudiants africains transparaît, profonde et palpable. La religieuse explique ainsi le programme qu’elle guide en personne à la Saint Paul’s University: «Nous enseignons des voies non violentes pour instaurer la paix. Une partie de ce que nous enseignons est le journalisme de paix: nous avons observé, en effet, que ce sont parfois les médias qui contribuent à l’escalade de situations de conflit. C’est ce qui se passe quand les journalistes prennent parti et suscitent un conflit supplémentaire en raison de leurs paroles, de la manière dont ils communiquent ou positionnent leur message. Par exemple, si l’on parle de deux parties en conflit, il n’est pas nécessaire de diaboliser l’une d’entre elles. Les médias devraient les considérer toutes deux et chercher un moyen de les faire se rencontrer. De cette façon, les communautés peuvent être aidées à arriver à une condition où elles sont prêtes pour une médiation. Oui, la médiation est pour nous un facteur important. C’est un élément clé dans notre formation universitaire». Et elle poursuit: «Les médias devraient aider les gens à voir ce que l’autre partie voit. Surtout en Afrique, ils doivent être des instruments de réconciliation et des bâtisseurs de ponts, ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre. De nombreux conflits, surtout en campagne électorale, naissent de la façon dont les médias présentent un sujet particulier.

Sœur Wamuyu est également convaincue du fait que les Africains ont besoin de redécouvrir et d’accueillir les moyens traditionnels locaux de résoudre les conflits. La société africaine traditionnelle — explique-t-elle — connaissait des méthodes éprouvées dans le temps pour la gestion pacifique des conflits, définis comme «médiation alternative»: «En cas de conflit, les anciens se réunissaient en écoutant les deux parties et, à travers l’écoute et le dialogue, trouvaient un terrain commun. La médiation traditionnelle donne la priorité à l’harmonie et à la construction de communautés. Nous devons promouvoir ces valeurs et les transmettre aux étudiants», souligne la religieuse, en ajoutant: «Ce n’est pas seulement une question de consensus. Il s’agit également de se mettre à la place de l’autre et de ressentir ce que ressent l’autre».

Sœur Wamuyu affirme en outre que les jeunes savent instinctivement ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, mais ils ont besoin d’être mis devant des défis, en particulier en ce qui concerne l’usage néfaste et toxique des médias sociaux: «Souvent, je vais voir ce que postent nos jeunes étudiants sur internet, sur les blogs et sur les médias sociaux. Parfois, je les provoque: «Ne pensez-vous pas qu’il puisse y avoir un autre moyen de dire ce que vous voulez dire sans utiliser ce langage de haine? Pourquoi pensez-vous qu’il soit nécessaire de diminuer l’autre? Comment vous sentiriez-vous si vous étiez à leur place?». Je crois que lorsque l’on emprunte ce chemin, on commence aussi à changer son approche mentale. Rappelons-nous toujours que les jeunes connaissent la vérité. Les jeunes sont très créatifs et, à travers l’art et la musique, font déjà une œuvre de construction de paix. Nous ne leur enseignons rien de totalement nouveau», affirme la religieuse. «Je dis toujours à mes jeunes que ce n’est pas ce qui se passe là dehors qui est important: va, fais la différence et commence par toi-même». Pourtant, selon sœur Wamuyu, les adultes devraient être les premiers exemples de bâtisseurs de paix. «Si nous voulons enseigner aux jeunes à être pacifiques, nous devons nous demander: mais nous, sommes-nous des adultes pacifiques? Comment les parents, le mari et la femme communiquent-ils entre eux quand ils ne sont pas d’accord?».

Et en ce qui concerne les conflits ethniques et tribaux, endémiques en Afrique? Selon la religieuse, les conflits ethniques sont perpétrés par des hommes politiques sans scrupules qui arment les tribus en les considérant comme un moyen d’obtenir un pouvoir politique, pour leur profit ou pour celui de leur famille ou de leurs amis. «Ce sont les hommes qui veulent le pouvoir. Tout ces discours sur mon peuple visent uniquement à mettre un seul homme en position de pouvoir».

Sœur Wamuyu soutient en outre qu’il ne sert pas toujours de souligner l’altérité des personnes, le fait qu’elles soient «autre» que nous: «Nous sommes tous égaux. En réalité, les diverses ethnies et tribus africaines devraient être célébrées. Si Dieu l’avait voulu, il nous aurait faits égaux entre nous. Mais Dieu veut au contraire que nous apprécions nos différences. Le fait d’apprécier l’autre ne signifie toutefois pas qu’il faille penser que ma culture soit meilleure ou supérieure. Il y aura toujours des choses bonnes que l’on peut emprunter à la culture de l’autre. Le fait est que nous devrions reconnaître que nous sommes des fleurs différentes qui poussent dans le même jardin. L’Afrique est un grand puzzle et quand on assemble toutes ses pièces, il est vraiment très beau. Chaque pièce est différente, mais fait partie d’un ensemble», conclut-elle.

#sistersproject

Paul Samasumo