François poursuit ses méditations sur le discernement en s’arrêtant sur le thème de la confirmation du choix effectué

Demeurer vigilants pour protéger les portes du cœur

 Demeurer vigilants pour protéger les portes du cœur  FRA-050
15 décembre 2022

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous entrons à présent dans la phase finale de ce parcours catéchétique sur le discernement. Nous sommes partis de l’exemple de saint Ignace de Loyola; nous avons ensuite considéré les éléments du discernement — à savoir la prière, la connaissance de soi, le désir et le «livre de la vie» —; nous nous sommes arrêtés sur la désolation et la consolation, qui en constituent la «matière»; puis nous sommes parvenus à la confirmation du choix effectué.

Je considère qu’il est nécessaire à ce point de rappeler une attitude essentielle afin que tout le travail effectué pour discerner ce qui est mieux et prendre la bonne décision ne soit pas perdu, et cette attitude serait celle de la vigilance. Nous avons fait le discernement, la consolation et la désolation; nous avons choisi une chose... tout va bien, mais à présent être vigilant: l’attitude de la vigilance. Car en effet, le risque est là, comme nous l’avons entendu dans le passage de l’Evangile qui a été lu. Le risque est là, et c’est que le «trouble-fête», c’est-à-dire le Malin, peut tout gâcher, nous faisant retourner au point de départ, voire dans un état encore pire. Et cela arrive, il faut donc être prudent et vigilant. C’est pourquoi il est indispensable d’être vigilants. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui il me semble opportun de souligner cette attitude, dont nous avons tous besoin pour que le processus de discernement se termine bien et demeure.

En effet, dans sa prédication, Jésus insiste beaucoup sur le fait que le bon disciple est vigilant, qu’il ne s’endort pas, qu’il ne se laisse pas gagner par une excessive sécurité quand tout va bien, mais demeure attentif et prêt à accomplir son devoir.

Par exemple, dans l’Evangile de Luc, Jésus dit: «Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables, vous, à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, pour lui ouvrir dès qu'il viendra et frappera» (12, 35-37).

Etre vigilant pour surveiller notre cœur et comprendre ce qui se passe à l’intérieur. Il s’agit de l’état d’âme des chrétiens qui attendent la venue finale du Seigneur; mais on peut aussi le comprendre comme l’attitude ordinaire à adopter dans la conduite de la vie, afin que nos bons choix, effectués parfois après un discernement exigeant, puissent se poursuivre avec persévérance et cohérence et porter du fruit.

Si la vigilance fait défaut, il y a un très fort risque, comme nous l’avons dit, que tout soit perdu. Ce n’est pas un danger d’ordre psychologique, mais d’ordre spirituel, un véritable piège de l’esprit mauvais. Celui-ci, en effet, attend le moment même où nous sommes trop sûrs de nous, c’est le danger: «Je suis sûr de moi, j’ai gagné, maintenant je suis bien...», c’est le moment que l’esprit malin attend, quand tout va bien, quand tout va «à merveille» et quand nous avons, comme on dit, «le vent en poupe». En effet, dans la petite parabole évangélique que nous avons entendue, il est dit que l’esprit impur, lorsqu’il revient dans la maison d’où il était sorti, «la trouve libre, balayée, bien en ordre» (Mt 12, 44). Tout est en place, tout est en ordre, mais où est le maître de maison? Il n’est pas là. Il n’y a personne pour la surveiller et la garder. C’est là le problème. Le maître de maison n’est pas là, il est sorti, il s’est distrait; ou bien il est dans la maison, mais il dort, et donc c’est comme s’il n’était pas là. Il n’est pas vigilant, il n’est pas attentif, car il est trop sûr de lui et a perdu l’humilité de veiller sur son propre cœur. Nous devons toujours veiller sur notre maison, notre cœur et ne pas nous laisser distraire et aller... car là se trouve le problème, comme le disait la parabole.

Donc, l’esprit mauvais peut en profiter et retourner dans cette maison. L’Evangile dit cependant qu’il n’y retourne pas seul, mais en compagnie de «sept autres esprits pires que lui» (v. 45). Une compagnie de malfaiteurs, une bande de voyous. Mais — demandons-nous — comment est-il possible qu’ils puissent entrer sans être dérangés? Comment se fait-il que le maître ne s’en aperçoive pas? N’avait-il pas été si doué pour faire le discernement et les chasser? N’avait-il pas aussi reçu les compliments de ses amis et voisins sur cette maison si belle et élégante, si bien rangée et propre? Oui, mais peut-être que, précisément à cause de cela, il était trop attaché à la maison, c’est-à-dire à lui-même, et qu’il avait cessé d’attendre le Seigneur, d’attendre la venue de l’Epoux; peut-être que, par peur de détruire cet ordre, il n’accueillait plus personne, il n’invitait plus les pauvres, les sans-abris, ceux qui déran-geaient... Une chose est sûre: il s’agit ici de mauvais orgueil, de la présomp-tion d’avoir raison, de bien faire, d’être en règle. Tant de fois nous entendons: «Oui, j’étais mauvais avant, je me suis converti, et maintenant, la maison est en ordre grâce à Dieu, et tu es tranquille pour cela...». Quand nous avons trop confiance en nous-mêmes et non dans la grâce de Dieu, alors le Malin trouve la porte ouverte. Alors il organise l’expédition et prend possession de cette maison. Et Jésus conclut: «l'état final de cet homme devient pire que le premier» (v. 45).

Mais le maître ne s’en aperçoit-il pas? Non, parce que ce sont les démons bien élevés: ils entrent sans que tu ne t’en rendes compte, ils frappent à la porte, ils sont polis. «Non ça va bien, allez, entrez...» et ils finissent par commander dans ton âme. Méfiez-vous de ces diablotins, de ces démons: le diable est poli quand il se fait passer pour un grand seigneur. Car il entre chez nous comme l’un des nôtres pour ensuite se révéler comme il est chez lui. Il faut protéger la maison de cette supercherie des démons bien élevés. Et la mondanité spirituelle va dans ce sens, toujours.

Chers frères et sœurs, cela semble impossible mais c’est ainsi. Tant de fois nous perdons, nous sommes vaincus dans les batailles, à cause de ce manque de vigilance. Tant de fois, peut-être, le Seigneur a donné tant de grâces et à la fin nous ne sommes pas capables de persévérer dans cette grâce et nous perdons tout, parce que nous manquons de vigilance: nous n’avons pas protégé les portes. Et puis nous avons été trompés par quelqu’un qui vient, éduqué, et entre et adieu... le diable a ces trucs. Chacun peut également le vérifier en repensant à son histoire personnelle. Il ne suffit pas d’opérer un bon discernement et un bon choix. Non, ce n’est pas suffisant: il faut rester vigilant, conserver cette grâce que Dieu nous a donnée, mais être vigilant, parce que tu peux me dire: «Mais quand je vois un certain désordre, je comprends tout de suite que c’est le diable, que c’est une tentation...», oui, mais cette fois-ci il est déguisé en ange: le diable sait se déguiser en ange, il entre avec des mots courtois, et il te convainc et à la fin la situation est pire qu’au départ... Il faut rester vigilant, veiller sur son cœur. Si aujourd’hui je demandais à chacun d’entre nous et aussi à moi-même: «qu’est-ce qui se passe dans ton cœur?». Nous ne pourrions peut-être pas tout dire: nous dirions une ou deux choses, mais pas tout. Veiller sur son cœur, car la vigilance est signe de sagesse, elle est surtout un signe d’humilité, parce que nous avons peur de tomber, et l’humilité est la voie royale de la vie chrétienne.

Le Pape a salué les pèlerins francophones par les paroles suivantes:

Je salue cordialement les personnes de langue française. Le temps de l’Avent nous rappelle cette attitude fondamentale du chrétien: la vigilance. Nous attendons la venue du Seigneur, et nous le faisons en demeurant attentifs à nos frères les plus fragiles et qui frappent à la porte de nos cœurs. Nous bâtissons de cette manière avec discernement nos vies, en cohérence avec l’Evangile. Demandons au Seigneur de nous garder éveillés dans l’humilité et la disponibilité. Que Dieu vous bénisse.

Le Pape a ensuite lancé un appel pour l’Ukraine lors du salut aux pèlerins italiens:

Nous renouvelons notre proximité au peuple ukrainien martyrisé, en persévérant dans la prière fervente pour nos frères et sœurs qui souffrent tant.

Frères et sœurs, je vous dis: il y a tellement de souffrance en Ukraine, tellement, tellement! Et je voudrais attirer l’attention un peu sur Noël prochain, et aussi sur les fêtes. Il est beau de fêter Noël, de faire les fêtes... mais abaissons un peu le niveau des dépenses de Noël — c’est ainsi qu’on les appelle. Faisons un Noël plus humble, avec des cadeaux plus humbles. Envoyons ce que nous économisons au peuple ukrainien, qui a besoin, qui souffre tant; ils souffrent de la faim, du froid, et beaucoup meurent parce qu’il n’y a pas de médecins, d’infirmiers à portée de main. N’oublions pas: Noël, oui; dans la paix avec le Seigneur, oui, mais avec les Ukrainiens dans le cœur. Et faisons ce geste concret pour eux.

En vous invitant tous à intensifier la préparation spirituelle à Noël désormais proche, je vous bénis de tout cœur et à présent prions le Notre- -Père.