L’identité et la gifle de l’Evangile

10 novembre 2022

En répondant à la première question des journalistes, celle de Fatima Alnajem, envoyée de la «Bahrain News Agency», le Pape a réfléchi à haute voix sur l’expérience du voyage qui venait de se terminer et en a indiqué le mot-clé: dialogue. En précisant toutefois que la condition afin qu’il y ait un dialogue véritable et fécond est la présence de deux identités face à face, des identités non pas vagues et confuses, mais claires et fortes. François est revenu sur ce thème de l’identité, de façon implicite mais avec un accent particulier, au moment où il a conclu la réponse à la dernière question, celle du journaliste allemand Ludwig Rin-Eifel, du Centrum informationis Catholicum, qui comparait l’église catholique au Bahreïn (petite numériquement mais en croissance grâce à une grande vivacité riche d’espérance) avec l’Eglise en Allemagne (riche d’argent et d’une grande tradition théologique mais en forte décroissance et traversant une période tourmentée) et il a parlé de racines en affirmant que «la racine de la religion est la gifle que te donne l’Evangile, la rencontre avec Jésus Christ vivant: et de là, les conséquences, toutes; de là, le courage apostolique, de là, aller aux périphéries, même aux périphéries morales des personnes pour les aider; mais à partir de la rencontre avec Jésus Christ. S’il n’y a pas la rencontre avec Jésus Christ, il y aura un éthicisme déguisé en christianisme».

C’est là un point fondamental de tout le pontificat du Pape François: le retour à la source, le rappel du caractère essentiel de l’Evangile. Sinon, l’Eglise ne se distinguerait pas d’une «ong caritative», parce que ce n’est pas une agence éthique, une institution consacrée à la diffusion des valeurs morales, cela ne sont que des effets, des «conséquences», comme il l’a spécifié dimanche sur le vol de retour du -Bahreïn, toujours dans sa réponse au journaliste allemand: «Parfois, nous perdons le sens religieux du peuple, du saint peuple fidèle de Dieu, et nous tombons dans des discussions éthicistes, des discussions de conjoncture, des discussions qui sont des conséquences théologiques, mais qui ne sont pas le -noyau de la théologie». Et le noyau est précisément «la gifle de l’Evangile». Ce petit livre dont saint Augustin disait avoir peur, est un texte qui suscite une crise chez celui qui l’aborde avec un cœur sincère, libre et humble, c'est-à-dire sans intention instrumentale ni optiques idéologiques. Et la crise, le Pape l’a souvent répété, se révèle souvent féconde de possibilités plus grandes et surprenantes et de nouveaux débuts si on ne la laisse pas dégénérer dans des peurs paralysantes ou dans des issues conflictuelles. Mais il est important d’accueillir cette gifle.

Quand le Pape visita le dicastère pour la communication le 24 mai de l’an dernier, il dit quelque chose de semblable aux rédacteurs de «L’Osservatore Romano», de se laisser gifler par la réalité, c’est-à-dire abandonner l’illusion du contrôle et le souci de «créer» les nouvelles, parce que la réalité, qui est toujours plus grande que nos idées, parle déjà suffisamment, et parfois même hurle, crie. Et c’est dans la réalité, cachée entre les plis des événements, que se cache aussi la voix de Dieu et sa Parole, Jésus lui-même qui continue d’interpeller notre conscience: c’est à nous d’écouter; tel est le -«noyau» de tout, non seulement de la théologie, mais également d’une vie vécue chrétiennement et donc humainement en plénitude et à la hauteur de son identité de fils de Dieu. (andrea monda)

Andrea Monda