Le cardinal Parolin à la conférence organisée par Caritas internationalis à l’unesco

Moins de fonds publics pour les armements et plus de dépenses pour l’éducation des femmes

 Moins de fonds publics pour les armements  et plus de dépenses pour l’éducation des femmes  FRA-044 ...
03 novembre 2022

Inverser «la relation embarrassante et asymétrique» entre les «les fonds alloués à l’armement» et «les dépenses publiques d’éducation», en particulier pour les jeunes filles, dans le contexte actuel de «crise profonde, exacerbée par les conséquences dévastatrices de la pandémie de Covid-19 et par un scénario géopolitique extrêmement dangereux, dont les filles et les femmes continuent à payer un prix» très élevé. Tel est l’investissement audacieux demandé le jeudi 27 octobre aux Etats par le cardinal Pietro Parolin, qui est intervenu à la conférence internationale organisée par Caritas internationalis au siège de l’unesco à Paris.

Trente intervenants ont été invités à se confronter sur le thème: «Le véritable visage de l’humanité: le leadership des femmes pour une société juste», au cours de deux journées de travaux qui se sont conclus le 28 octobre. Outre le secrétaire d’Etat qui a prononcé le discours programmatique d’introduction, est également intervenue sœur Alessandra Smerilli, secrétaire du dicastère pour le service du développement humain intégral.

Deux journées intenses pour faire le point sur la situation des femmes dans le monde et pour examiner les questions relatives à leurs droits. A ce propos, le cardinal a souligné que l’unesco représente «un forum privilégié pour réfléchir sur la valorisation de la femme dans la société et dans l’Eglise, puisqu’elle nous rappelle la centralité primordiale de l’éducation comme étant la clé de voûte du développement de chaque personne, et la meilleure manière d’affronter avec détermination les inégalités».

Du reste, a expliqué le cardinal Parolin, «sans le droit à l’éducation, tout discours sur la promotion des femmes risque de ne rester qu’un vain exercice de rhétorique». Au contraire, privilégier l’éducation «signifie souligner l’importance fondamentale des processus de croissance humaine, spirituelle, intellectuelle et professionnelle qui leur permettent de s’affirmer dans la société, au même titre que les hommes».

Le cardinal s’est arrêté avant tout sur l’inclusion comme méthode éducative. «La capacité à accueillir — a-t-il dit — n’est pas une prédisposition innée, mais nécessite toujours un effort pour laisser place à la nouveauté et à la richesse de l’autre». Elle «est généralement le fruit d’une formation permanente à la culture du dialogue». C’est pourquoi «l’inclusion exige un cœur ouvert et un regard affranchi des stéréotypes et des conventions qui excluent ou enferment les personnes en les reléguant dans des catégories abstraites ou en les distinguant selon des classes «supérieures» et «inférieures», qui mériteraient plus ou moins d’attention et de protection, ou seraient plus ou moins autorisées à faire entendre leur voix dans l’espace public». En outre, a-t-il ajouté, «avec honnêteté intellectuelle», il faudrait «reconnaître que le noble objectif de l’inclusion n’échappe pas toujours à des interprétations réductrices et déformées de l’être humain, qui vont parfois jusqu’à postuler le rejet de la religion, considérée comme obstacle à la liberté absolue d’autodétermination de la personne, et des femmes en particulier». Il l’a défini comme une «forme de pensée radicale» qui ressort également des rapport de l’unesco lui-même. D’où la préoccupation du Saint-Siège pour certaines dérives idéologiques, qui «sous prétexte de répondre à certaines aspirations parfois compréhensibles», finissent «en réalité par nuire à la compréhension même de la femme et de ses droits».

C’est pourquoi pour assurer une authentique émancipation des femmes, il n’est pas possible de se contenter «de réponses abstraites et simplistes qui ne reflèteraient pas le courage et la volonté de prendre sérieusement en compte la réalité des situations complexes et douloureuses vécues par des millions de filles et de femmes, dans des contextes géographiques et culturels très différents». Pour le cardinal Parolin, «il ne s’agit pas de proposer des solutions uniques, partielles et exclusives qui ne seraient plus évidentes et immédiates qu’en apparence»; au contraire, «l’inclusion, entendue comme moyen éducatif, nous invite à générer, avec patience et détermination, des processus éducatifs qui ne soient pas standardisés ou imposés par le haut, qui ne soient pas calqués sur l’utilité et le résultat, mais qui soient en mesure de réunir et d’allier toutes les composantes de la société, à travers des parcours créatifs pour une croissance humaine et responsable, et qui soient respectueux de la dignité des femmes».

L’intervenant a ensuite approfondi en particulier l’aspect de l’éducation inclusive, en rappelant le «pourcentage élevé de filles et de jeunes femmes marginalisées ou qui ont plus de difficultés à accéder» à l’éducation «que leurs pairs», soulignant que cela est «le cas notamment dans de nombreux pays en développement, où une grande partie de la population vit dans des conditions d’extrême pauvreté». C’est surtout là que l’abandon scolaire correspond pour les jeunes filles à une plus grande probabilité de devenir mères à un âge précoce, ou d’être mariées avant même d’y être prêtes physiquement et émotionnellement, avec toutes les répercussions négatives, qui en découlent sur leur santé et sur leur insertion dans le monde du travail et au sein de leur familles et communautés, où elles sont exposées à la stigmatisation, à la violence et à la discrimination. Mais, a souligné le cardinal Parolin, cela «est vrai aussi dans les pays développés, où les disparités éducatives sont souvent liées aux revenus, à la couleur de la peau et à différentes situations de vulnérabilité».

En partant de ces prémisses, le secrétaire d’Etat a regretté «que la religion soit parfois instrumentalisée pour empêcher la pleine participation des filles et des jeunes femmes à des parcours éducatifs». D’où le souhait d’une éducation des jeunes filles qui soit de qualité et en mesure d’abattre «les barrières territoriales, sociales, culturelles et politiques qui empêchent un accès véritablement équitable aux différents niveaux scolaires et ruinent d’emblée toute perspective d’ascension professionnelle qui permettrait de dépasser sa propre condition sociale d’origine».

En définitive, l’éducation peut être «inclusive et de qualité» seulement dans la mesure où elle pourra «éduquer à une pensée critique, en proposant des critères de justice sociale qui permettront de protéger les plus faibles ou sans défense de l’iniquité et du rejet»; et uniquement si elle est en mesure de prendre «en compte l’histoire personnelle et familiale de chaque enfant», en éduquant «au respect de l’altérité, en démasquant les multiples formes de violence, d’abus et de prévarication à l’égard des femmes».

Dans la partie finale de son intervention, le cardinal Parolin a ensuite approfondi les «valeurs de la féminité» comme «don pour l’humanité». En effet, a-t-il commenté, «partout où il y a besoin d’un travail de formation, l’on constate l’immense disponibilité des femmes à s’y engager, en particulier au profit des plus faibles ou sans défense». Plus encore: «Les femmes réalisent une forme de maternité affective, culturelle et spirituelle, d’une valeur réellement inestimable du fait de leur impact sur le développement de la personne et l’avenir de la société». C’est pourquoi «la société est largement redevable aux femmes».

Enfin, le secrétaire d’Etat a parlé de l’engagement institutionnel de l’Eglise et du Saint-Siège pour le leadership des femmes. En reconnaissant avec courage les retards et les lacunes, il a formé le vœu que l’on pourra «vaincre les discriminations injustes, respecter chaque personne au-delà des différences. Depuis le Concile Vatican ii — dont nous célébrons ces jours-ci le soixantième anniversaire de l’ouverture — de nombreuses femmes, consacrées ou laïques, ont été progressivement intégrées dans les organes collégiaux et décisionnels de l’Eglise universelle, jusqu’à occuper des postes de responsabilité». Toutefois, a-t-il observé, on ne peut réduire cet engagement à «une redistribution des rôles. Il doit s’étendre plus largement à une meilleure compréhension des moyens à mettre en œuvre pour donner toute sa place» au génie féminin, comme cela ressort du magistère des saints Papes Paul vi et Jean-Paul ii et de François lui-même, parce que les femmes ont une «capacité innée à “donner la vie”, à “faire être” l’autre, à prendre soin de l’autre». Et «bien que la réflexion sur la promotion de la femme ait déjà contribué à de grandes avancées, il reste encore beaucoup à faire», a conclu le cardinal Parolin.