Pauvreté d’esprit et de biens pour être disponibles
L'invitation à passer «d'une communauté autoréférentielle à une communauté extravertie, dans le bon sens du terme, accueillante et missionnaire» a été adressée par le Pape aux cisterciens de la commune observance reçus en audience le 17 octobre dans la salle Clémentine, à l'occasion du chapitre général. Nous publions les paroles prononcées par le Pape à cette occasion:
Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue à tous!
Je remercie l'abbé général pour ses paroles d'introduction — avec mes meilleurs vœux pour sa nouvelle charge — et je vous salue tous, qui participez au chapitre général de l'Ordre cistercien de la commune observance.
Cet adjectif «commune» nous fait réfléchir. Nous savons qu’il veut faire la distinction par rapport à une observance «spéciale». Mais «commune» a toujours un sens plus riche, qui indique l'ensemble, la communion. Et j'aime partir de là, de cette réalité fondamentale qui nous constitue comme Eglise, grâce au don de Dieu Un et Trine et à notre être dans le Christ. Communauté, commune.
La commune observance, entendue donc, comme marcher ensemble derrière le Seigneur Jésus, pour être avec Lui, l'écouter, «l'observer»... Observer Jésus. Comme un enfant qui regarde son père, ou son meilleur ami. Observer le Seigneur: sa façon de faire, son visage plein d'amour et de paix, parfois méprisé face à l'hypocrisie et à la fermeture, et aussi troublé et angoissé à l'heure de la passion. Et ce fait d’observer, le faire ensemble, pas individuellement, le faire en communauté. Le faire chacun avec son propre pas, bien sûr, chacun avec sa propre histoire unique et irremplaçable, mais toutefois ensemble. Comme les Douze, qui étaient toujours avec Jésus et marchaient avec Lui. Ils n'avaient pas été choisis. Il les avait choisis. Il n'était pas toujours facile de s'entendre: ils étaient différents les uns des autres, chacun avec sa «manière d’être», et sa fierté. Nous aussi nous sommes ainsi, et pour nous aussi, il n'est pas facile de marcher ensemble en communion. Et pourtant ce don reçu ne finit pas de nous émerveiller et de nous apporter de la joie: être sa communauté, tels que nous sommes, pas parfaits, pas uniformes, non, pas ainsi, mais con-voqués, engagés, appelés à demeurer et marcher derrière Lui, notre Maître et Seigneur.
Ceci, frères et sœurs, est la base de tout. Je vous remercie de l'avoir souligné et je vous encourage à raviver le désir et la disponibilité à l’égard de cette commune observance du Christ.
Elle comporte un engagement cons-tant de conversion d'un moi fermé à un moi ouvert, d'un cœur centré sur lui-même à un cœur qui sort de lui-même et va à la rencontre de l'autre. Et cela, par analogie, vaut aussi pour la communauté: d'une communauté autoréférentielle à une communauté extravertie, dans le bon sens du terme, accueillante et missionnaire. C'est le mouvement que l'Esprit Saint cherche toujours à imprimer à l'Eglise, en travaillant dans chacun de ses membres et dans chacune de ses communautés et institutions. Un mouvement qui remonte à la Pentecôte, le «baptême» de l'Eglise. L'Esprit lui-même a suscité et suscite une grande variété de charismes et de formes de vie, une grande «symphonie». Les formes sont nombreuses, très différentes les unes des autres, mais pour faire partie de la symphonie ecclésiale, elles doivent obéir à ce mouvement de sortie. Pas un «aller» chaotique, en ordre dispersé: un «aller» ensemble, tous accordés sur l'unique cœur de l'Eglise qui est l'amour, comme l'affirme avec tant d'enthousiasme sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. Il n'y a pas de communion sans conversion, et donc celle-ci est nécessairement le fruit de la Croix du Christ et de l'action de l'Esprit, tant dans les personnes individuelles que dans la communauté.
Pour en revenir à l'image — ou plutôt au son — de la symphonie, vous vous proposez d'embrasser le grand souffle missionnaire de l'Eglise en valorisant également la complémentarité entre les hommes et les femmes, ainsi que la diversité culturelle entre membres asiatiques, africains, latino-américains, nord-américains et européens. Je vous encourage sur ce chemin, qui n'est pas facile, mais qui peut être sans doute une richesse pour les communautés et pour l'Ordre.
Je vous remercie pour l'engagement avec lequel vous coopérez à l'effort que l'Eglise tout entière fait en ce sens dans chaque communauté particulière: aujourd’hui, l'expérience de la rencontre avec la diversité est un signe des temps. Votre contribution est précieuse, particulièrement riche, parce que, en raison de votre vocation contemplative, vous ne vous contentez pas de mettre ensemble les diversités au niveau superficiel, vous les vivez aussi sur le plan de l'intériorité, de la prière, du dialogue spirituel. Et cela enrichit la «symphonie» de résonances plus profondes et plus génératives.
Un autre aspect sur lequel je veux vous encourager est votre intention d'une plus grande pauvreté, soit d'esprit soit de biens, pour être plus disponibles au Seigneur, avec toutes vos forces, avec les fragilités et avec les floraisons qu'Il vous donne. C'est pourquoi nous louons Dieu pour tout, pour la vieillesse et pour la jeunesse, pour l'infirmité et pour la bonne santé, pour les communautés en «automne» et celles du «printemps». L'essentiel est de ne pas laisser le malin nous voler l'espérance! La pre-mière chose que cherche le malin est de voler l'espoir, ainsi il nous prend toujours la main. Car la pauvreté évangélique est pleine d'espérance, fondée sur la béatitude que le Seigneur annonce à ses disciples: «Heureux vous, les pauvres, parce que le royaume de Dieu vous appartient» (Lc 6, 20).
Chers frères et sœurs, merci pour cette visite! Que la Vierge Marie vous accompagne et soutienne toujours votre chemin. Je vous bénis de tout cœur, vous et toutes vos communautés. Et s'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi. Merci.