Changer de modèle de développement

 Changer de modèle de développement  FRA-039
29 septembre 2022

Dès novembre 2013, dans -l’exhortation Evangelii gaudium qui représente la «feuille de route» du pontificat, François avait parlé d’une économie «qui tue». «Aujourd’hui — écrivait le Pape — tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. Comme conséquence de cette situation, de grandes masses de population se voient exclues et marginalisées: sans travail, sans perspectives, sans voies de sortie. On con-sidère l’être humain en lui-même comme un bien de con-sommation, qu’on peut utiliser et ensuite jeter. Nous avons mis en route la culture du “déchet” qui est même promue... Les exclus ne sont pas des “exploités”, mais des déchets, “des restes”».

Ces paroles, qui avaient valu au Souverain Pontife l’accusation aussi grossière qu’infondée de marxisme, lancée par des commentateurs ignorant la doctrine sociale de l’Eglise, restent plus que jamais d’actualité. Et François a parlé à nouveau clairement et sans équivoque depuis Assise, en s’adressant aux jeunes, pour appeler d’urgence à un changement du modèle de développement si nous voulons sauver l’humanité menacée par des pandémies, des guerres et le changement climatique.

«Une économie qui se laisse inspirer par la dimension prophétique» — a dit le Pape aux jeunes d’«Economy of Francesco» —, s’exprime aujourd’hui dans une vision nouvelle de l’environnement et de la terre. Nous devons aller à cette harmonie avec l’environnement, avec la terre. Nombreuses sont les personnes, les entreprises et les institutions qui entreprennent une conversion écologique. Il faut aller de l’avant sur cette voie et faire plus. Ce “plus”, vous le faites et vous le demandez à tout le monde. Il ne suffit pas de faire du maquillage, il faut remettre en cause le modèle de développement. La situation est telle que nous ne pouvons pas uniquement attendre le prochain sommet international, qui ne servira peut-être pas: la terre brûle aujourd’hui, et c’est aujourd’hui que nous devons changer, à tous les niveaux».

Il ne suffit donc pas de quelques actions superficielles, de procédés intéressés de «greenwashing» pour que tout continue comme avant. Il faut remettre en question immédiatement le modèle de développement. L’appel du Pape va à la racine du problème et n’a pas été suffisamment reçu, compris et soutenu au cours des dernières années. Par rapport à 2013, la situation est encore plus tragique, en raison de la guerre qui a éclaté au cœur de l’Europe avec l’agression russe contre l’Ukraine, ce qui a donné des prétextes aux gouvernements pour refermer dans les tiroirs leurs politiques écologiques déjà peu incisives. Le Pape François, qui dans son encyclique Laudato si’ avait montré comment la faim, les guerres, les migrations et le changement climatique étaient liés, a rappelé depuis Assise que «le cri des pauvres et le cri de la terre sont le même cri», en demandant de privilégier, parmi les solutions environnementales, celles qui «réduisent la misère et les inégalités».

Mais même si l’avenir du monde d’aujourd’hui semble s’assombrir en raison de la folle menace nucléaire et de la course aux armements tout aussi folle, ce qui arrive d’Assise est un message d’espoir: il y a des jeunes déterminés à s’engager de manière créative pour une économie nouvelle, pour une économie différente et plus humaine, pour une nouvelle finance qui n’ait pas pour centre le «Dieu argent» mais l’être humain. Le modèle de développement ne pourra être modifié qu’avec la participation de la base, et par des gouvernements convaincus de la nécessité de faire des choix clairvoyants pour garantir un avenir à la terre et à ses habitants (andrea tornielli).

Andrea Tornielli