Dialoguer, toujours; avec patience et esprit d’ouverture, même si «il est difficile de comprendre le dialogue avec les Etats qui ont commencé la guerre»: sur le vol de retour du Kazakhstan, répondant comme de coutume au terme des voyages internationaux aux questions des journalistes, qui l’accompagnaient, le Pape François a relancé dans l’après-midi du jeudi 15 septembre l’importance du dialogue comme «arme» pour faire face aux principales crises en cours dans le monde: à partir du conflit en Ukraine, mais sans oublier les autres dont on entend moins parler. Au début de l’entretien, introduit par le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, le Pape a souhaité bon anniversaire à Stefania Falasca, envoyée du quotidien italien «Avvenire» puis a fait servir un gâteau pour célébrer l’occasion. Nous publions ci-dessous une synthèse des questions adressées à l’Evêque de Rome et la transcription de ses réponses.
[Zhanat Akhmetova, Tv Agency Khabar] Très Saint-Père, merci beaucoup pour votre visite au Kazakhstan. Quelle est le résultat de votre visite? Dans vos discours, vous avez fait référence aux origines de notre peuple: qu’est-ce qui vous a inspiré à le faire?
Pour moi, ça a aussi été une surprise. Parce que je ne connaissais vraiment rien de l'Asie centrale — à part la musique de Borodine. Ce fut une surprise de trouver les représentants de ces nations. Et le Kazakhstan a été vraiment une surprise, car je ne l’imaginais pas ainsi. Je savais que c'est un pays, qui s'est bien développé, intelligemment. Mais trouver après trente ans d'indépendance une telle évolution, je ne m'y attendais pas. Puis un si grand pays, avec vingt millions d’habitants, dix-neuf millions... Incroyable. Très discipliné, et beau aussi. Avec des beautés remarquables: l'architecture de la ville, bien équilibrée, bien agencée. Une ville moderne, une ville que je dirais presque, «du futur». C'est ce qui m'a beaucoup impressionné: la volonté d'aller de l'avant non seulement dans l'industrie, dans le développement économique et matériel, mais aussi dans le développement culturel. Une surprise à laquelle je ne m'attendais pas. Ensuite, le congrès [des leaders des religions mondiales et traditionnelles, ndr]... Le Congrès est une chose très importante, il en est à sa septième édition! Ce qui signifie que c'est un pays clairvoyant, qui fait dialoguer ceux qui sont habituellement mis de côté: parce qu'il existe une conception progressiste du monde selon laquelle la première chose à écarter sont les valeurs religieuses. Et au contraire, c'est un pays qui présente au monde une proposition de ce genre... et il l’a fait déjà sept fois c'est merveilleux! Ensuite, s'il reste du temps, je reviendrai sur cette rencontre interconfessionnelle. Vous pouvez être fier du pays et de la patrie que vous avez!
[Rudiger Kronthaler, télévision allemande A rd ] Saint-Père, merci pour votre message de paix. Je suis allemand comme vous pouvez l'entendre à mon accent. Je voudrais vous posez une question sur la paix: étant donné que mon peuple a été responsable de millions de morts il y a quatre-vingts ans, nous apprenons à l'école qu'il ne faut jamais utiliser d'armes, jamais de violence, la seule exception est la légitime défense. A votre avis, faut-il donner des armes à l’Ukraine en ce moment?
C’est une décision politique, qui peut être morale, moralement acceptée, si elle est faite selon les conditions de la moralité, qui sont nombreuses et alors on peut en parler. Mais elle peut être immorale si elle est faite dans l'intention de provoquer davantage de guerre ou de vendre des armes ou de se débarrasser de celles dont je n'ai plus besoin... La motivation est ce qui qualifie en grande partie la moralité de cet acte. Se défendre est non seulement licite, mais aussi une expression de l'amour de la patrie. Celui qui ne se défend pas, celui qui ne défend pas quelque chose, ne l'aime pas, alors que celui qui défend, aime. Il faut également [considérer] une autre chose que j'ai dite dans l'un de mes discours, à savoir que l'on devrait réfléchir encore davantage au concept de guerre juste. Parce que tout le monde parle de la paix aujourd'hui: depuis tant d'années, depuis -soixante-dix ans, les Nations unies parlent de la paix, elles font beaucoup de discours sur la paix. Mais combien de guerres sont en cours en ce moment? Celle que vous avez mentionnée, Ukraine-Russie, maintenant l'Azerbaïdjan et l'Arménie qui s'est un peu arrêtée parce que la Russie est sortie comme garante, — garante de la paix ici et elle fait la guerre là —; Puis il y a la Syrie, dix ans de guerre, que se passe-t-il là-bas pourquoi ça ne s'arrête pas? Quels sont les intérêts qui font bouger ces choses? Ensuite, il y a la Corne de l'Afrique, puis le nord du Mozambique ou l'Erythrée et une partie de l'Ethiopie; puis la Birmanie avec ce peuple en souffrance que j'aime tant, le peuple Rohingya qui erre, erre et erre comme un gitan et ne trouve pas la paix. Mais nous sommes dans une guerre mondiale, s'il vous plaît...
Je me souviens d'une chose personnelle, quand j'étais enfant, j'avais neuf ans. Je me souviens d'avoir entendu l'alarme du plus grand journal de Buenos Aires: à l'époque, pour fêter un événement ou annoncer une mauvaise nouvelle, ils faisaient retentir ce son — qui aujourd'hui ne retentit plus — et on l'entendait dans toute la ville. Ma mère a dit: «Qu'est-ce qui se passe?» Nous étions en guerre, c’était en 1945. Une voisine est venue à la maison et a dit: «L'alarme a sonné...» et elle a pleuré, «La guerre est finie!». Et aujourd'hui, je revois encore ma mère et la voisine pleurer de joie parce que la guerre était finie, dans un pays d'Amérique du Sud, si loin! Ces personnes, ces femmes savaient que la paix est plus grande que toutes les guerres et elles pleuraient de joie lorsque la paix a été faite. Je ne l'oublie pas. Je me demande aujourd’hui si nous avons un cœur éduqué pour pleurer de joie quand nous voyons la paix. Tout a changé: si vous ne faites pas la guerre, vous ne servez à rien! Puis je parlerai de l’Allemagne après. Ensuite, il y a le commerce des armes. C'est un commerce assassin. Quelqu'un — qui comprend les statistiques — m'a dit que si on arrêtait de fabriquer des armes pendant un an, on résoudrait toute la faim dans le monde... Je ne sais pas si c'est vrai ou non. Mais la faim, l'éducation... rien, on ne peut pas car il faut fabriquer des armes. A Gênes, il y a quelques années, trois ou quatre ans, un bateau est arrivé chargé d'armes que l’on devait transférer sur un plus gros bateau qui allait en Afrique, près du Soudan, je crois le Soudan du Sud. Les ouvriers du port n’ont pas voulu le faire. Cela leur a coûté mais [c’est un fait qui] dit aujourd’hui: «Non, je ne collabore pas à cela, à la mort». C'est une anecdote mais qui fait ressentir une conscience de paix. Vous avez parlé de votre patrie. L’une des choses que j'ai apprises de vous, c’est la capacité de se repentir et de demander pardon pour les erreurs de la guerre. Et non seulement demander pardon, mais payer pour les erreurs de la guerre: cela en dit long sur vous. C'est un exemple que l’on devrait imiter. La guerre en soi est une erreur, c'est une erreur! Et nous respirons cet air en ce moment: s'il n'y a pas de guerre, il semble qu'il n'y ait pas de vie. De façon un peu désordonnée mais j'ai dit tout ce que je voulais dire sur la guerre juste. Mais le droit à la défense, oui, celui-là oui, mais il faut l’utiliser quand c'est nécessaire.
[Sylwia Wysocka, agence de presse polonaise Pap] Saint-Père, vous avez dit: nous ne pouvons jamais justifier la violence. Tout ce qui se passe actuellement en Ukraine n'est que pure violence, mort, destruction totale par la Russie. En Pologne, nous avons la guerre si près de nos portes, avec deux millions de réfugiés. Je voudrais vous demander si vous pensez qu'il existe une ligne rouge au-delà de laquelle on ne devrait pas dire: nous sommes ouverts au dialogue avec Moscou? Parce que beaucoup ont du mal à comprendre cette disponibilité. Et je voudrais aussi demander si le prochain voyage sera à Kiev.
Je répondrai à cette question, mais je préférerais que l’on pose avant les questions sur le voyage... Mais à cela je réponds, je réponds. Mais s’il vous plaît que les prochaines soient sur le voyage. Puis, s’il reste du temps, nous verrons les autres.
Je pense qu'il est toujours difficile de comprendre le dialogue avec les Etats qui ont commencé la guerre, et il semble que le premier pas soit venu de là, de ce côté-là. C'est difficile, mais nous ne devons pas l'écarter, nous devons donner la possibilité de dialoguer à tout le monde, à tout le monde! Parce qu'il y a toujours la possibilité qu'en dialoguant nous puissions changer les choses, et aussi offrir un autre point de vue, un autre point de considération. Je n'exclus le dialogue avec aucune puissance, qu'elle soit en guerre, qu'elle soit l'agresseur... parfois il faut dialoguer ainsi, mais il faut le faire, cela «sent mauvais», mais il faut le faire. Toujours un pas en avant, une main tendue, toujours! Parce que sinon, nous fermons la seule porte raisonnable vers la paix. Parfois, ils n'acceptent pas le dialogue: c’est dommage! Mais le dialogue doit toujours être fait, au moins offert, et cela fait du bien aussi à celui qui l'offre, cela fait respirer.
[Loup Besmond de Senneville, La Croix] Sainteté, merci beaucoup pour ces journées en Asie centrale. Au cours de ce voyage, il a été beaucoup question de valeurs et d'éthique. En particulier lors du Congrès interreligieux, certains ont évoqué la perte de l'Occident en raison de sa dégradation morale. Quelle est votre opinion à ce sujet? Considérez-vous que l'Occident soit en état de «perdition», menacé par la perte de ses valeurs? Je pense en particulier au débat qui a lieu dans certains pays sur l'euthanasie, sur la fin de vie, un débat qui a eu lieu en Italie, mais aussi en France et en Belgique.
C’est vrai que l'Occident, en général, n'est pas au plus haut niveau d'exemplarité en ce moment. Ce n'est pas un «enfant qui fait sa première communion», vraiment pas. L'Occident a pris de mauvais chemins. Pensons par exemple à l'injustice sociale qu’il y a parmi nous: il y a des pays qui sont développés sur la justice sociale, mais je pense à mon continent, l'Amérique latine, qui est l’Occident. Pensons aussi à la Méditerranée: c’est l'Occident et aujourd'hui le plus grand cimetière, non pas de l'Europe, mais de l'humanité. Qu’a perdu l'Occident en oubliant d'accueillir, alors qu’il a besoin de gens? Quand on pense à l'hiver démographique que nous vivons: nous avons besoin de gens. En Espagne — surtout en Espagne — également en Italie, il y a des villages vides, seulement vingt vieilles femmes, et puis plus rien. Mais pourquoi ne pas faire une politique occidentale afin que les migrants soient insérés, selon le principe que le migrant doit être accueilli, accompagné, promu et intégré? C'est très important, intégrer, mais non... C'est un manque de compréhension des valeurs, lorsque l'Occident a vécu cette expérience: nous sommes des pays qui ont migré. Dans mon pays — qui compte aujourd'hui 49 millions d'habitants, je crois — nous n'avons qu'un pourcentage de moins d'un million d'aborigènes, et tous les autres sont issus de l'immigration. Tous: Espagnols, Italiens, Allemands, slaves, Polonais, d'Asie Mineure, Libanais, tous... Le sang s'est mélangé et cette expérience nous a beaucoup aidés. Ensuite, pour des raisons politiques, cela ne se passe pas bien dans les pays d'Amérique latine, mais je pense que la migration doit être prise au sérieux en ce moment, car elle augmente la valeur intellectuelle et cordiale de l'Occident. Au contraire, avec cet hiver démographique, où allons-nous? L'Occident est en décadence sur ce point, il est un peu en perte de vitesse, il a perdu... Pensons à l'aspect économique: on fait si bien, si bien, mais pensons à l'élan politique et mystique de Schuman, Adenauer, De Gasperi, ces grands: où sont-ils aujourd'hui? Il y a des grands, mais ils ne réussissent pas à faire progresser une société. L'Occident a besoin de parler, de se respecter... Et puis il y a le danger des populismes. Que se passe-t-il dans un tel état socio-politique? Il y a des «messies» qui naissent: les messies des populismes. Nous voyons comment naissent les populismes, je crois que j'ai mentionné plus d’une fois ce livre de Ginzberg, Syndrome 1933: il raconte exactement comment naît le populisme en Allemagne après la chute du gouvernement de Weimar. C'est comme ça que naissent les populismes: quand il y a un niveau de moitié sans force, et on promet le messie. Pour finir: je pense que nous ne sommes pas au plus haut niveau, nous occidentaux, pour aider les autres peuples, ne sommes-nous pas un peu en décadence? Peut-être, oui, mais nous devons retrouver les valeurs, les valeurs de l'Europe, les valeurs des pères qui ont fondé l'Union européenne, les grands. Je ne sais pas, c’est un peu confus, mais je pense avoir répondu.
Et sur l’euthanasie?
Tuer n'est pas humain, point. Si vous tuez avec motivation, oui... vous finirez par tuer de plus en plus. Ce n’est pas humain. Tuer, laissons cela aux bêtes.
[Iacopo Scaramuzzi, La Repubblica] Bonsoir Saint-Père. Je voudrais revenir sur cette dernière question: dans vos discours, vous avez souligné le lien entre les valeurs, les valeurs religieuses et la vivacité de la démocratie. Selon vous, que manque-t-il à notre continent, à l’Europe? Que devrait-elle apprendre des autres expériences? Et, puisqu’il y aura en Italie dans quelques jours un exercice démocratique, un vote, puis il y aura un nouveau gouvernement, lorsque vous rencontrerez le prochain président du Conseil ou la prochaine présidente du Conseil, que lui conseillerez-vous? Quelles sont, selon vous, les priorités pour l'Italie, quelles sont vos préoccupations, quels sont les risques à éviter?
Je pense avoir déjà répondu à cette question lors de mon dernier voyage. J'ai rencontré deux présidents italiens, de très haut niveau: Giorgio Napolitano et l'actuel. Des grands. Et les autres hommes politiques, je ne les connais pas. Lors de mon dernier voyage, j'ai demandé à l'un de mes secrétaires combien de gouvernements l'Italie avait eu au cours de ce siècle: vingt. Je ne sais pas l'expliquer. Je ne condamne pas, je ne critique pas, simplement, je ne peux pas l'expliquer. Si les gouvernements changent comme ça, il y a beaucoup de questions à se poser. Parce qu'aujourd'hui, être un homme politique, un grand homme politique, est un chemin difficile. Un homme politique qui se met en jeu pour les valeurs de son pays, les grandes valeurs, et ne se met pas en jeu par intérêt, c’est-à-dire pour son siège, les avantages... Les pays, dont l'Italie, doivent chercher de grands hommes politiques, ceux qui ont la capacité de faire de la politique, qui est un art.
La politique est une noble vocation. Je pense que l'un des Papes, je ne sais plus si c'est Pie xii ou saint Paul vi, a dit que la politique est l'une des plus hautes formes de charité. Nous devons nous efforcer d'aider nos politiciens à maintenir le niveau de la haute politique, et non de la basse politique qui n'aide en rien, mais tire plutôt l'Etat vers le bas, l'appauvrit. Aujourd'hui, la politique dans ces pays d'Europe devrait prendre en main le problème, par exemple, de l'hiver démographique, le problème du développement industriel, du développement naturel, le problème des migrants... La politique devrait affronter ces problèmes sérieusement afin de progresser. Je parle de la politique en général. Je ne comprends pas la politique italienne: uniquement ce nombre de vingt gouvernements en vingt ans, un peu étrange... mais chacun a sa façon de danser le tango, non? On peut danser de l’une ou de l’autre façon et la politique se danse de l’une ou de l’autre façon.
L'Europe doit recevoir les expériences des autres: certaines iront mieux, d'autres non. Mais elle doit être ouverte, chaque continent doit être ouvert à l'expérience des autres.
[Elise Harris Allen, Crux] Bonjour, Saint-Père. Merci d'être avec nous ce soir. Hier, au Congrès, vous avez parlé de l'importance de la liberté religieuse. Comme vous le savez, le même jour, est arrivé en ville le président de la Chine, où cette question suscite de grandes inquiétudes depuis longtemps, surtout maintenant avec le procès à l’encontre du cardinal Zen. Considérez-vous ce procès comme une violation de la liberté de religion?
Pour comprendre la Chine, il faut un siècle, et nous ne vivons pas un siècle. La mentalité chinoise est une mentalité riche et quand elle tombe un peu malade, elle perd sa richesse, elle est capable de faire des erreurs. Pour comprendre, nous avons choisi la voie du dialogue, nous sommes ouverts au dialogue. Il y a une commission bilatérale Vatican-Chine qui va de l’avant, lentement, car le rythme chinois est lent, ils ont une éternité pour aller de l’avant, c'est un peuple d'une patience infinie. Mais à partir des expériences que nous avons vécues auparavant — pensons aux missionnaires italiens qui sont allés là-bas et qui ont été respectés en tant que scientifiques; pensons aussi aujourd'hui aux nombreux prêtres ou croyants qui ont été appelés par l'université chinoise parce que cela donne de la valeur à la culture —, il n'est pas facile de comprendre la mentalité chinoise, mais il faut la respecter, je la respecte toujours. Et ici, au Vatican, il y a une commission de dialogue qui fonctionne bien, le cardinal Parolin la préside et c'est l'homme qui connaît le mieux la Chine et le dialogue chinois en ce moment. C'est une chose lente, mais on avance. Je ne veux pas qualifier la Chine d’antidémocratique, car c'est un pays très complexe, avec ses rythmes... Oui, c’est vrai qu'il y a des choses qui nous semblent antidémocratiques, c'est vrai. Le cardinal Zen, âgé, passera en jugement ces jours-ci, je crois. Il dit ce qu'il ressent, et on voit qu’il y a des limitations. Plutôt que de qualifier, parce que c'est difficile, et je n'ai pas envie de qualifier, ce sont des impressions. Plus que qualifier, j'essaie de soutenir la voie du dialogue. Ensuite, dans le dialogue, beaucoup de choses sont clarifiées et pas seulement de l'Eglise, mais aussi dans d'autres domaines. Par exemple l'extension de la Chine: les gouverneurs des provinces sont tous différents, il y a différentes cultures en Chine, c'est un géant, comprendre la Chine est une chose géante. Mais il ne faut pas perdre patience, il en faut, il en faut beaucoup, mais il faut procéder à travers le dialogue, j'essaie de -m’abstenir de la qualifier parce que oui, peut-être, mais allons de l’avant.
Et Xi Jinping?
Il était en visite d'Etat, mais je ne l'ai pas vu.
[Maria Angeles Conde Mir, Rome Reports] Dans la déclaration qu’ils ont signée, tous les leaders soulignent un appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour qu'ils protègent les personnes persécutées à cause de leur ethnie ou de leur religion. C'est malheureusement ce qui se passe au Nicaragua. Nous savons que vous en avez parlé le 21 août lors de l'Angelus. Mais peut-être pouvez-vous ajouter quelque chose de plus pour le peuple catholique, en particulier au Nicaragua. Puis, une autre chose: nous vous l’avons bien vu lors de ce voyage. Nous aimerions savoir si vous pourrez reprendre le voyage en Afrique que vous avez reporté, et si il y en aura d'autres, s’ il y a quelque chose de prévu.
Sur le Nicaragua, toutes les informations sont claires. Un dialogue existe, en ce moment, il y a un dialogue. Il y a eu des discussions avec le gouvernement, il y a un dialogue. Cela ne signifie pas que l’on approuve tout ce que le gouvernement fait ou que l’on désapprouve tout. Non. Il y a un dialogue et quand il y a un dialogue, c’est parce qu’il faut résoudre des problèmes. Actuellement, il y a des problèmes. Je m'attends au moins à ce que les sœurs de Mère Teresa puissent rentrer. Ces femmes sont de courageuses révolutionnaires, mais de l'Evangile! Elles ne font la guerre à personne. Au contraire, nous avons tous besoin de ces femmes. C'est un geste qu’on ne comprend pas... Mais espérons qu'elles rentrent et que l’on puisse résoudre cela. Mais que le dialogue puisse se poursuivre. Il ne faut jamais, jamais interrompre le dialogue. Il y a des choses que l'on ne comprend pas. Renvoyer un nonce [apostolique, ndr] à la frontière est une chose grave sur le plan diplomatique, et le nonce est un brave homme qui a maintenant été nommé ailleurs. Ces choses sont difficiles à comprendre et aussi à avaler.
Mais ce n’est pas le seul cas. En Amérique latine, il y a ici et là des situations de ce genre.
Quant aux voyages, c’est difficile. Le genou n'est toujours pas guéri. C'est difficile, mais je ferai le prochain. Puis j'ai parlé l'autre jour avec Monseigneur Welby [primat de la Communion anglicane, ndr] et nous avons vu comme une possibilité en février d'aller au Soudan du Sud. Et si je vais au Soudan du Sud, j'irai aussi au Congo. Nous essayons. Nous devons y aller tous les trois ensembles: le chef de l'Eglise presbytérienne d'Ecosse, Monseigneur Welby et moi-même. Nous avons eu une réunion sur zoom l'autre jour à ce sujet pour organiser.
[Alexey Gotovskiy, Ewtn, vit et travaille à Rome, mais est originaire du Kazakhstan] Merci, Saint-Père, d’avoir visité notre pays. Je voudrais vous demander: pour les catholiques vivant au Kazakhstan, à majorité musulmane, comment l'évangélisation peut-elle se dérouler, dans ce contexte? Et y a-t-il quelque chose qui vous a inspiré en voyant des catholiques au Kazakhstan?
La seconde chose: Inspiré, je ne sais pas, mais j'étais heureux aujourd'hui dans la cathédrale de voir les catholiques si enthousiastes, heureux, joyeux! C'est mon impression sur les catholiques du Kazakhstan.
Ensuite, la co-existence avec les musulmans: c'est un sujet sur lequel nous travaillons beaucoup et nous avons avancé, pas seulement au Ka-zakhstan. Pensons à certains pays d'Afrique du Nord, il y a une belle coexistence: au Maroc par exemple. Au Maroc, le dialogue est assez bon.
Et je m'arrête sur la rencontre religieuse: certains la critiquaient et me disaient: «Mais c'est de la fomentation, cela fait croître le relativisme». Aucun relativisme! Chacun a dit ce qu’il avait à dire, chacun a respecté la position de l'autre, mais nous dialoguons comme des frères. Car s'il n'y a pas de dialogue, il y a soit l'ignorance, soit la guerre. Mieux vaut vivre comme des -frères, nous avons une chose en commun, nous sommes tous humains. Vivons comme des humains, bien éduqués: que pen-ses-tu?, et moi, qu’est-ce que je pense? Mettons-nous d'accord, mais parlons un peu, apprenons à nous connaître. Souvent, ces guerres «de religion» mal comprises sont dues à un manque de connaissance. Et ce n'est pas du relativisme! Je ne renonce pas à ma foi si je parle avec la foi d'un autre, au contraire. J'honore ma foi parce qu'un autre l'écoute et j'écoute la sienne. Je suis resté très admiratif qu'un pays si jeune, avec tant de problèmes — le climat par exemple — ait été capable d’organiser sept éditions d'une rencontre de ce genre: une rencontre mondiale, avec des juifs, des chrétiens, des musulmans, des religions orientales... Autour de la table, on pouvait voir que tout le monde se parlait et s'écoutait avec respect. C'est l'une des bonnes choses que votre pays a faites. Qu'un pays comme celui-ci, un peu — disons — à l'écart du monde, organise une telle rencontre. C'est l'impression que j’ai eue. Ensuite, la ville, comme je le disais, est d'une beauté architecturale de premier ordre. Et aussi les préoccupations du gouvernement: j'ai été très touché par les préoccupations du président du Sénat: il faisait progresser cette réunion, mais ensuite il a trouvé le temps de me présenter un jeune chanteur «Vous devez connaître ce garçon ouvert à la culture». Je ne m'y attendais pas et j'ai été heureux de vous connaitre.
[Rudolf Gehrig, Ewtn] Saint-Père, de nombreuses Eglises en Europe, comme l'Eglise allemande, subissent de graves pertes de croyants: les jeunes ne semblent plus vouloir aller à la Messe le dimanche. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par cette tendance et que voulez-vous faire?
C'est en partie vrai, en partie relatif. Il est vrai que l'esprit de sécularisation, du relativisme, remet en cause ces choses, c'est vrai. Ce que l’on doit faire, tout d'abord, c'est être cohérent avec sa foi. Réfléchissons: si vous êtes évêque ou prêtre, et que vous n'êtes pas cohérent, les jeunes le sentent, et alors… «au revoir!». Lorsqu'une Eglise, quelle qu'elle soit, dans n'importe quel pays ou dans n'importe quel secteur, pense davantage à l'argent, au développement, aux plans pastoraux et non à la pastorale, et qu’elle va dans cette direction, cela n'attire pas les gens. Lorsque j'ai écrit la lettre au peuple allemand il y a trois ans, il y a eu des pasteurs qui l'ont publiée et l'ont diffusée, mais cela dépend de la personne. C’est-à-dire, quand le pasteur était proche du peuple, il disait: «Le peuple doit savoir ce que pense le Pape». Je pense que les pasteurs doivent avancer, mais si les pasteurs ont perdu l'odeur de leurs brebis et que les brebis ont perdu l'odeur de leurs pasteurs, on n'avance pas.
Parfois — je parle de tout le monde, en général, pas seulement de l'Allemagne, de tous — on pense à la manière de se renouveler, de rendre la pastorale plus moderne: c'est bien, mais elle doit toujours être entre les mains d'un pasteur. Si la pastorale est entre les mains de «scientifiques» de la pastorale, qui opinent ici et disent ce qu'il faudrait faire là... Jésus a fait l'Eglise avec des pasteurs, pas avec des dirigeants politiques. Il a fait l'Eglise avec des personnes simples, les douze étaient plus simples les uns que les autres et l'Eglise a continué. Pourquoi? A cause de l’odeur du troupeau avec le pasteur et de l’odeur du pasteur avec son troupeau.
C'est la plus grande relation que je vois quand il y a une crise dans un lieu, dans une province, partout. Je me demande: le pasteur est-il en contact, est-il proche du troupeau? Ce troupeau a-t-il un pasteur? Le problème, ce sont les pasteurs. Sur ce point, je me permets de vous suggérer de lire le commentaire de saint Augustin [à Ezéchiel 34] sur les pasteurs: il se lit en une heure mais c'est l'une des choses les plus sages qui ait été écrite pour les pasteurs; et avec cela vous pouvez qualifier tel ou tel pasteur. Il ne s'agit pas de moderniser. Bien sûr, il faut actualiser les méthodes, cela est vrai, mais s'il manque le cœur du pasteur, aucune pastorale ne peut fonctionner. Aucune.