La radicalité de ce passage est dure à entendre. Une traduction littérale dit «sans haïr» plutôt que «préférer» qui évoque le registre de la jalousie. L’amour pour Dieu est-il en concurrence avec l’amour de ceux qui nous entourent? S’agit-il d’aimer Dieu au détriment de nos proches? Il conviendrait plutôt de renverser la question: l’attachement pour nos proches est-il un obstacle à l’amour auquel nous appelle l’Evangile? Depuis Abraham l’aventure de la Foi est appel à quitter, partir vers l’inconnu. Au livre de la Genèse, l’homme est appelé à quitter son père et sa mère pour s’attacher à sa femme. Un attachement «désordonné» est un obstacle à la vie, il empêche de grandir, d’être libre, de suivre sa vocation. L’amour que Dieu nous invite à avoir pour nos proches est le même qu’il a pour nous: un amour qui n’étouffe pas, ne retient pas lorsque la Vie appelle au large. Nous avons déjà entendu lors du 13e dimanche au chapitre 9 de Luc cette radicalité de l’appel à suivre Jésus. Il renouvelle ici cette exigence, qui revient chez Luc comme un leitmotiv, de se détacher des richesses, l’attachement par excellence qui nous empêche de suivre Jésus. Saint Paul, saisi comme nul autre par le Christ, écrivait aux Philippiens: «A cause de lui, j’ai tout perdu; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ… ». Jeanne d’Arc disait à son roi «Dieu premier servi, messire!». «Dieu premier servi», c’est une question de hiérarchie, et beaucoup de choses dans nos vies font écran entre Lui et nous dès lors qu’elles ne sont pas à leur juste place. Si l’argent peut être un bon serviteur, il est un mauvais maître. L’abbé Pierre disait que «celui qui n’est pas capable de donner ce qu’il possède, ne possède pas, c’est lui qui est possédé». Au service de qui sommes-nous, au service de qui mettons-nous notre l’argent? Notre rapport à l’argent est le révélateur de la place réelle que nous donnons à Dieu dans notre vie.
*Aumônier national catholique des prisons de France et d’Outre-Mer
L’oraison libère la Parole
En chrétien, je médite et prie afin de devenir
mon agir à la lumière des Evangiles, ma banderole;
vivre cette sagesse de l’âme, m’ouvre à suivre le Christ, à te bénir
et entrer dans la joie de l’exigence, de la Parole.
Quitter son passé et ses entraves
Porter ma croix, guérir mon ego, m’ouvre à la Providence;
je renonce au fait d’être écrasé par un vécu odieux
et m’engage à agir auprès du Christ; grâce à la prudence,
j’abandonne toute entrave afin d’être une âme fidèle à Dieu.
Frank Widro
L’Evangile en poche
Dimanche 4 septembre,
xxiii e du Temps ordinaire
Première lecture: Sg 9, 13-18
Psaume: 89
Deuxième lecture: Fm 1, 9-10. 12-17
Evangile: Luc 14, 25-33
Bruno Lachnitt*