Le Pape évoque son pèlerinage pénitentiel au Canada

Un chemin de mémoire, de réconciliation et de guérison

 Un chemin de mémoire,  de réconciliation et de guérison  FRA-033
09 août 2022

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur le voyage apostolique que j’ai effectué au Canada ces derniers jours. Cela a été un voyage différent des autres. En effet, la motivation principale était de rencontrer les peuples autochtones pour leur exprimer ma proximité et ma douleur, et leur demander pardon — demander pardon — pour le mal qui leur a été fait par les chrétiens, dont de nombreux catholiques, qui ont collaboré dans le passé aux politiques d’assimilation forcée et d’émancipation des gouvernements de l’époque.

Dans ce sens, au Canada, un parcours a été entrepris pour écrire une nouvelle page du chemin que l’Eglise est en train d’accomplir avec les peuples autochtones depuis un certain temps. En effet, la devise du voyage «Marcher ensemble», explique un peu cela. Un chemin de réconciliation, de guérison, qui présuppose la connaissance historique, l’écoute des survivants, la prise de conscience et surtout la conversion, le changement de mentalité. Cet approfondissement montre que, d’une part, certains hommes et femmes d’Eglise ont été parmi les défenseurs les plus résolus et les plus courageux de la dignité des peuples autochtones, en prenant leur défense et en contribuant à la connaissance de leurs langues et de leurs cultures; mais, d’autre part, malheureusement, n’ont pas manqué des chrétiens, c’est-à-dire des prêtres, des religieux et religieuses, des laïcs qui ont participé à des programmes que nous savons aujourd’hui être inacceptables et même contraires à l’Evan-gile. Et c’est pour cela que je suis allé demander pardon au nom de -l’Eglise.

C’était donc un pèlerinage pénitentiel. Nombreux ont été les moments de joie, mais le sens et le ton de l’ensemble portaient sur la réflexion, le repentir et la réconciliation. Il y a quatre mois, j’avais reçu au Vatican, en groupes distincts, des représentants des peuples autochtones: il y a eu au total six réunions, pour préparer un peu cette rencontre.

Les grandes étapes du pèlerinage ont été au nombre de trois: la première, à Edmonton, dans l’ouest du pays. La seconde, à Québec, dans l’est. Et la troisième dans le nord, à Iqaluit à 300 km pratiquement du cercle polaire arctique. La première rencontre a eu lieu à Maskwacis qui signifie «colline de l’ours», où de tout le pays sont venus des chefs et des membres des principaux groupes autochtones: Premières nations, Métis et Inuits. Ensemble, nous avons fait mémoire: la mémoire bonne de l’histoire millénaire de ces peuples, en harmonie avec leur terre: c’est l’une des plus belles choses des peuples autochtones, l’harmonie avec la terre. Ils ne maltraitent jamais la création, jamais. En harmonie avec la terre. Et nous avons aussi recueilli la mémoire douloureuse des abus qu’ils ont subis, également dans les pen-sionnats, à cause des politiques d’assimilation culturelle.

Après la mémoire, la seconde étape de notre chemin a été celle de la réconciliation. Non pas un compromis entre nous — ce serait une illusion, une mise en scène — mais se laisser réconcilier par le Christ, qui est notre paix (cf. Ep 2, 14). Nous l’avons fait en prenant comme référence la figure de l’arbre, centrale dans la vie et la symbolique des peuples indigènes.

Mémoire, réconciliation, et donc guérison. Nous avons franchi cette troisième étape du voyage sur les rives du lac Sainte-Anne, précisément le jour de la fête des saints Joachim et Anne. Nous pouvons tous puiser dans le Christ, source d’eau vive, et là, en Jésus, nous avons vu la proximité du Père qui nous donne la guérison des blessures et aussi le pardon des péchés.

De ce parcours de mémoire, de réconciliation et de guérison jaillit l’espérance pour l’Eglise, au Canada et partout ailleurs. Et là, la figure des disciples d’Emmaüs, qui après avoir marché avec Jésus Ressuscité; avec Lui et grâce à Lui, passèrent de l’échec à l’espérance (cf. Lc 24, 13-35).

Comme je le disait au début, le chemin avec les peuples autochtones a été la colonne portante de ce voyage apostolique. S’y sont greffées les deux rencontres avec l’Eglise locale et avec les Autorités du pays, auxquelles je tiens à renouveler ma sincère gratitude pour leur grande disponibilité et l’accueil cordial qu’elles m’ont réservé ainsi qu’à mes collaborateurs. Et aux évêques, également. Devant les gouvernants, les chefs indigènes et le Corps diplomatique, j’ai réaffirmé la volonté concrète du Saint-Siège et des communautés catholiques locales de promouvoir les cultures autochtones, avec des parcours spirituels appropriés et avec l’attention aux coutumes et aux langues des peuples. En même temps, j’ai constaté combien la mentalité colonisatrice est présente aujourd’hui sous diverses formes de colonisation idéologique, menaçant les traditions, l’histoire et les liens religieux des peuples, aplatissant les différences, se concentrant uniquement sur le présent et oubliant souvent les devoirs envers les plus faibles et les plus fragiles. Il s’agit donc de retrouver un sain équilibre, de retrouver l’harmonie, qui est plus qu’un équilibre, c’est autre chose; retrouver l’harmonie entre la modernité et les cultures ancestrales, entre la sécularisation et les valeurs spirituelles. Et cela interpelle directement la mission de l’Eglise, envoyée dans le monde entier pour témoigner, pour «semer» une fraternité universelle qui respecte et promeuve la dimension locale avec ses multiples richesses (cf. Enc. Fratelli tutti, 142-153). Je l’ai déjà dit, mais je voudrais réitérer mes remerciements aux autorités civiles, à Madame la gouverneure générale, au Premier ministre, aux autorités locales des lieux où je me suis rendu: je vous remercie infiniment pour la manière dont vous avez favorisé la réalisation des intentions et des gestes dont j’ai parlé. Et je désire remercier les évêques surtout pour l’unité de l’épiscopat: la réalisation des objectifs du voyage a été possible parce que les évêques étaient unis, et là où il y a l’unité on peut aller de l’avant. C’est pourquoi je tiens à le souligner et à remercier les évêques du Canada pour cette unité.

Et c’est sous le signe de l’espérance que s’est tenue la dernière rencontre, au pays des Inuits, avec des jeunes et des personnes âgées. Et je vous assure que lors de ces réunions, surtout la dernière, j’ai dû ressentir comme des gifles la douleur de ces personnes: les personnes âgées qui ont perdu leurs enfants et qui ne savaient pas où ils se retrouvaient, à cause de cette politique d’assimilation. C’était un moment très douloureux, mais il fallait y faire face: nous devons faire face à nos erreurs, à nos péchés. Au Canada aussi, il s’agit d’un binôme-clé, jeunes et personnes âgées, c’est un signe des temps: jeunes et personnes âgées en dialogue pour marcher ensemble dans l’histoire entre mémoire et prophétie qui sont en accord. Que la force d’âme et l’action pacifique des peuples autochtones du Canada soient un exemple pour tous les peuples autochtones pour ne pas se renfermer sur eux-mêmes, mais offrir leur contribution indispensable pour une humanité plus fraternelle, qui sache aimer la création et le Créateur, en harmonie avec la création, en harmonie entre vous tous. Merci.

Parmi les pèlerins qui assistaient à l'audience générale du 3 août, se trouvaient les groupes francophones suivants:

De France: Aumônerie Saint-Jean-Baptiste, de Sollies-Pont; Jeunesse franciscaine, de Bitch.

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier le groupe de l’aumônerie de Saint Jean-Baptiste de Solliès-Pont. Comme à Emmaüs, le Seigneur nous accompagne lorsque nous traversons l’épreuve Il chemine avec nous pour nous rendre l’espérance. Avec lui des chemins nouveaux s’ouvrent devant nous. Demandons-lui la grâce de nous laisser réconcilier, avec lui et avec nos frères afin de bâtir un monde plus fraternel et plus humain. Que Dieu vous bénisse.