Pèlerinage pénitentiel du Pape François au Canada

Marcher ensemble. Ou plutôt voler

 Marcher ensemble. Ou plutôt voler  FRA-033
09 août 2022

Au terme du long pèlerinage pénitentiel du Pape François au Canada viennent à l’esprit les premières paroles qui ont été prononcées en public: «C’est un grand honneur de vous accueillir parmi nous. Vous avez parcouru un long chemin pour être avec nous sur notre terre et pour marcher avec nous sur la voie de la réconciliation». C’est Chief Wilton Littlechild qui parle, l’un des anciens de la tribu des Cree, son nom est Usow-Kihew c’est-à-dire Aigle Royal, ancien élève du pensionnat d’Ermineskin et membre de la Commission Vérité et Réconciliation.

Ils s’étaient déjà rencontrés en avril au Vatican et c’est lui qui, le 25 juillet, sur la plaine de -Maskwacis, a inauguré ce voyage apostolique du Pape et, jusqu’à l’étape à Québec, a été présent, de façon à la fois discrète et tenace, à tous les événements et rencontres. Une icône vivante de la dignité unie à une humilité et une simplicité, voilà qui est -Littlechild qui, interviewé par Vatican News, a immédiatement saisi l’esprit du voyage du Pape qui n’est pas «un point d’arrivée», mais un premier pas vers un avenir de guérison, de réconciliation et d’espérance côte à côte. C’est un chef très respecté de son peuple, on le comprend immédiatement également du nombre de personnes qui lui demandent d’être photographiées avec lui, et lui accepte toujours avec douceur, en souriant.

C’est lui qui, représentant les autres anciens, montant avec difficulté les marches du podium (il marche en s’aidant de béquilles), a apporté le couvre-chef à plumes que le Pape a porté et tous ont perçu qu’entre les deux hommes, est née ces jours-ci une relation vraie, qui dépasse la simple cordialité formelle.

Dans la cathédrale de Québec, au terme des vêpres, François et Wilton se sont salués et embrassés comme deux vieux amis et le Pape, comme s’il répondait à une demande de bénédiction, a fait un signe de la croix sur son front avec son pouce, tandis que les yeux perçants du vieux chef Cree exprimaient la gratitude et le pur bonheur. Dans cette scène très rapide, loin des projecteurs, Wilton était véritablement, dans le même temps, Aigle Royal, avec toute la fierté de son visage encadré par le splendide couvre-chef, et Littlechild, un petit enfant qui perçoit la vérité et déborde de joie. «Vous avez parcouru un long chemin pour être avec nous», avait-il dit au Pape, mais au fond, ces paroles valent aussi pour lui. En effet, tous deux ont des difficultés à marcher: l’un avec des béquilles, l’autre en fauteuil roulant, et pourtant, c’est ce qu’ils ont fait, ils ont marché ensemble, en partant de très loin et en portant sur les épaules un très lourd fardeau.

Dans ce premier bref salut, -Littlechild a raconté avoir écouté près de 7.000 témoignages d’anciens élèves de pensionnats et a reconnu, en le voyant à l’œuvre, en le regardant dans les yeux, que le Pape aussi «a écouté profondément et avec une grande compassion les témoignages qui racontaient comment notre langue a été réprimée, notre culture nous a été arrachée et notre spiritualité dénigrée. Il a senti la dévastation qui a suivi la façon dont nos familles ont été détruites». Ces deux personnes âgées qui se déplacent avec difficulté ont choisi de marcher, ensemble, principalement en silence. Wilton a vu François prier en silence sur les rives du Lac Sainte-Anne, ce lac qui est là depuis des millénaires, sans doute depuis la création du monde et qui a rappelé au pasteur de l’Eglise catholique l’image du lac de Galilée où l’aventure chrétienne a fait ses premiers pas.

Il y a une source à laquelle puiser pour supporter le fardeau de la vie qui semble parfois nous écraser, une source qui permet de repartir, chaque jour. Il y a ce magnifique personnage de Peau de la Vieille Hutte, le vieux chef Cheyenne dans le célèbre film Little Big Man (qui, en 1970, marqua un tournant dans la façon de raconter, jusqu’alors «manichéenne», l’épopée de l’ouest), qui salue toujours la rencontre avec son ami blanc Jack Crabb par les paroles «mon cœur s’envole comme un faucon». L’accueil de la vie (et de la vie de l’autre) comme don, est ici la source qui redonne la force à tout homme d’affronter son destin avec joie.

Dans l’homélie des vêpres dans la cathédrale, le Pape a parlé de la joie chrétienne «unie à une expérience de paix qui demeure dans nos cœurs même lorsque nous sommes assaillis par les épreuves et les afflictions, parce que nous savons que nous ne sommes pas seuls mais accompagnés par un Dieu qui n'est pas indifférent à notre sort. Comme lorsque la mer est agitée: en surface, elle est houleuse, mais dans les profondeurs, elle reste calme et paisible».

En parlant au jeune inuit à Iqaluit lors de la dernière rencontre publique de ce long voyage, le Pape l’a invité à marcher vers le haut. «Tu es fait pour prendre ton envol, pour embrasser le courage de la vérité et promouvoir la beauté de la justice».

Ce sont des paroles adressées à tous les jeunes, catholiques et non catholiques, et adressées également à l’ami Wilton Littlechild, dont le cœur, en les écoutant, se sera certainement envolé comme un aigle. (andrea monda)

Discours et homélies du Pape au Canada pages 3 à 8

Andrea Monda