«Promouvoir avec d'autres croyants, de manière fraternelle et conviviale, le cheminement de la recherche de Dieu; considérer les personnes d'autres religions non pas de manière abstraite, mais de manière concrète, avec une histoire, des envies, des blessures, des rêves». Telle est la mission que le Pape a confié aux participants à la session plénière du dicastère pour le dialogue interreligieux reçus en audience le 6 juin dans la salle Clémentine. Nous publions ci-dessous les paroles prononcées par François:
Messieurs les cardinaux, chers frères dans l'épiscopat, chers frères et sœurs!
Je vous souhaite une cordiale bienvenue et je remercie le cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot pour les paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de la session plénière du dicastère pour le dialogue interreligieux, au lendemain de la solennité de la Pentecôte.
Je le souligne parce que saint Paul vi a annoncé la naissance du «Secrétariat pour les non-chrétiens» dans l'homélie de la Pentecôte de 1964, lors du Concile Vatican ii . Il l'a fait avant la promulgation de la Déclaration Nostra aetate sur les relations de l'Eglise avec les religions non chrétiennes, et avant l'encyclique Ecclesiam suam, considérée comme la magna carta du dialogue sous ses diverses formes. Que de chemin parcouru par l'Esprit en près de soixante ans ! L'intuition du Pape Paul vi reposait sur la prise de conscience du développement exponentiel des relations entre les personnes et les communautés de cultures, de langues et de religions différentes — un aspect de ce que nous appelons aujourd'hui la mondialisation — ; et il a placé le Secrétariat «dans l'Eglise comme signe visible et institutionnel de dialogue» avec les personnes d'autres religions (Discours aux membres et consulteurs du Secrétariat, 25 septembre 1968). Ceci, le 25 septembre 1968.
La Constitution apostolique Praedicate Evangelium sur la Curie romaine vient d'entrer en vigueur, et ce secteur de son service à l'Eglise et au monde n'a rien perdu de sa pertinence. Au contraire, la mondialisation et l'accélération des communications internationales font du dialogue en général, et du dialogue interreligieux en particulier, un enjeu crucial. Je pense qu'il est très opportun que, pour cette plénière, vous ayez choisi le thème Dialogue interreligieux et convivialité, alors que toute l'Eglise veut grandir dans la synodalité, grandir comme une «Eglise d'écoute mutuelle dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre» (Praed. Ev., n. 4). Avec toute la Curie, vous pourrez ainsi faire vôtre «le paradigme de la spiritualité conciliaire exprimée dans l'histoire antique du Bon Samaritain», selon laquelle «le visage du Christ se trouve dans le visage de tout être humain, surtout l'homme et la femme souffrante» (ibid., n. 11).
Notre monde, de plus en plus interconnecté, n'est pas si fraternel et convivial, bien au contraire! Dans ce contexte, votre dicastère, «conscient que le dialogue interreligieux se concrétise par l'action, l'échange théologique et l'expérience spirituelle, ... favorise une véritable recherche de Dieu parmi tous les hommes» (ibid., n. 149). C'est votre mission: promouvoir avec d'autres croyants, de manière fraternelle et conviviale, le cheminement de la recherche de Dieu; considérer les personnes d'autres religions non pas de manière abstraite, mais de manière concrète, avec une histoire, des envies, des blessures, des rêves. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons construire ensemble un monde habitable pour tous, en paix. Face à une succession de crises et de conflits, «certains tentent d'échapper à la réalité en se réfugiant dans des mondes privés, d'autres y font face avec une violence destructrice, mais entre l'indifférence égoïste et la protestation violente il y a toujours une option: le dialogue» (Enc. Fratelli tutti, n. 199).
Chaque homme et chaque femme est comme un morceau d'une immense mosaïque, qui est déjà belle en elle-même, mais c'est seulement avec les autres pièces qu'elle forme une image, dans la convivialité des différences. Etre convivial avec quelqu'un, c'est aussi imaginer et construire un avenir heureux avec l'autre. La convivialité, en effet, fait écho au désir de communion qui réside au cœur de chaque être humain, grâce auquel chacun peut se parler, s'échanger des projets et se dessiner ensemble un avenir. La convivialité fédère socialement, mais sans coloniser l'autre et préserver son identité. En ce sens, il a une pertinence politique en tant qu'alternative à la fragmentation sociale et aux conflits.
Je vous encourage tous à cultiver l'esprit et le style de convivialité dans vos relations avec les personnes d'autres traditions religieuses: nous en avons tant besoin aujourd'hui dans l'Eglise et dans le monde! Nous nous souvenons que le Seigneur Jésus fraternisait avec tout le monde, qu'il s'associait à des personnes considérées comme pécheresses et impures, qu'il partageait la table des collecteurs d'impôts sans préjugés. Et toujours au cours d'un repas convivial il s'est montré comme le serviteur et l'ami fidèle jusqu'au bout, puis comme le Ressuscité, le Vivant qui nous donne la grâce de la convivialité universelle. C'est le mot que je voudrais vous laisser: convivialité.
Chers frères et sœurs, je vous remercie pour votre travail, surtout pour le plus caché, le moins visible, et parfois peut-être même un peu ennuyeux. Que Notre-Dame vous accompagne et vous garde en pleine docilité à l'Esprit Saint. Je bénis cordialement chacun de vous et votre famille. Et je vous demande de bien vouloir prier pour moi. Merci !