100 jours, 50 jours Les hommes entre la guerre et Pentecôte

 100 jours, 50 jours  Les hommes entre la guerre et Pentecôte  FRA-023
07 juin 2022

Cent jours de guerre en Ukraine, cinquante jours entre Pâques et Pentecôte. L’histoire de l’homme réside sans doute entièrement dans la ten-sion entre ces deux chiffres.

Cent jours de guerre. C’est ainsi, et cela semble inéluctable, même si en Europe, cela faisait longtemps que cela n’arrivait pas, mais la vérité est que nous ne cessons de faire la guerre, c’est la note constante de l’histoire, parce que «nous sommes têtus comme humanité. Nous sommes amoureux des guerre, de l’esprit de Caïn», comme l’a dit le Pape le 3 avril à son retour du voyage à Malte; il y a même des guerres qui s’appellent, de par leur durée, la guerre de trente ans, la guerre de cent ans. Au fond, 100 jours sont encore peu (et en effet, la fin apparaît encore lointaine).

Cinquante jours. La Pentecôte. Puis il y a la nouveauté de Jésus et de son Evangile. Qui pousse à se bouger, à sortir. Sortir des schémas des logiques du monde, et parmi eux, les schémas de guerre sont ceux privilégiés. En ces 50 jours entre Pâques et la Pentecôte, tout le processus est clair, visible: les disciples sont d’abord enfermés au Cénacle, tenaillés par la peur, enfermés dans la désillusion, éprouvant du ressentiment et une méfiance croissante qui devient découragement à l’égard du passé et terreur pour l’avenir. Puis la rencontre avec le Seigneur ressuscité et le souffle de l’Esprit et tout se dénoue, avec courage ils sortent et vont à la rencontre des personnes, des pays, de tous, considérés non plus comme des ennemis, mais comme des frères et des amis. Le monde comme une «caravane de frères», a dit vendredi 3 juin le Pape en citant saint Irénée dans le discours à de jeunes prêtres et moines des Eglises orthodoxes orientales, une famille en chemin, parce que l’unité «n’est pas un projet à écrire, un programme étudié autour d’une table; elle ne se fait pas dans l’immobilisme, mais dans le mouvement, dans le dynamisme nouveau que l’Esprit, à partir de la Pentecôte, confère aux disciples».

Le fait est que la Pentecôte est la réponse de Dieu — en tant que telle toujours créative — à Babel. La logique, le «schéma» de Dieu et les schémas des hommes, si évidents dans l’épisode de la Tour «dont le sommet pénètre les cieux», qui permettra aux hommes de «se faire un nom». C’est le nom de Dieu, c’est l’hybris de l’homme de conquérir le ciel, de prendre la place du Créateur. Si Babel est l’attaque au ciel de la terre, la Pentecôte est le don qui descend du ciel sur la terre. Si auparavant, «tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots» (Genèse 11, 1), selon le schéma de la pensée unique, à présent, les disciples parlent les langues des hommes et tous les comprennent. Parce que, a rappelé le 3 juin le Pape, «l’unité n’est pas uniformité et elle n’est pas non plus le fruit de compromis ou de fragiles équilibres diplomatiques. L’unité est harmonie dans la diversité des charismes suscités par l’Esprit. Parce que l’Esprit Saint aime susciter tant la multiplicité que l’unité, comme à la Pentecôte, où les diverses langues n’ont pas été réduites à une seule, mais ont été assimilées dans leur pluralité».

Les guerres naissent également de cela, de la violence avec laquelle on impose la pensée unique, l’unique langue, l’unique mens, qui est ensuite la logique de la brique de Babel, comptabilisés et calculés (comme les jours ou les années de guerre), la logique de la production et de la consommation, de l’efficacité et du rejet, où les hommes sont réduits à des briques interchangeables et alors véritablement anonymes, privés de visage et de nom. Babel et Pentecôte, la même direction verticale, mais dans un cas on va, avec l’agression, du bas vers le haut et dans le deuxième cas on va, avec la condescendance, du haut vers le bas et ce n’est qu’alors que se réalise l’unité qui était théoriquement aussi le but des bâtisseurs de la tour: «Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre!» (Genèse 11, 4). Mais l’unité, a répété le Pape aux moines orthodoxes, «est un don, un feu qui vient d’en Haut. Certes, nous devons inlassablement prier, travailler, dialoguer, nous préparer afin que cette grâce extraordinaire puisse être accueillie. Toutefois, atteindre l’unité n’est pas principalement un fruit de la terre, mais du Ciel; elle n’est pas avant tout le résultat de notre engagement, de nos efforts et de nos accords, mais de l’action de l’Esprit Saint, auquel il faut ouvrir nos cœurs avec confiance afin qu’il nous conduise sur les voies de la pleine communion. L’unité est une grâce, un don».

Quand l’homme sort du délire de toute-puissance et se laisse guider par l’Esprit de la Pentecôte, alors il cesse de faire la guerre, se redécouvre amoureux, d’un amour plus antique et plus grand, la paix, qui lui restitue son nom et son visage, ainsi qu’aux autres, au monde, qui autrement, serait défiguré. (andrea monda)

Andrea Monda