Plénière du Comité pontifical des sciences historiques

Plénière du Comité pontifical des sciences historiques

 Plénière du Comité pontifical des sciences historiques  FRA-022
31 mai 2022

La mémoire historique» est nécessaire pour «offrir une ouverture vers la réconciliation des frères, la guérison des blessures, la réintégration des ennemis d'hier dans le concert des nations». C’est ce qu’a souligné le Pape lors de l’audience le 28 mai, au 2022, aux participants à l’assemblée plénière du Comité pontifical des sciences historiques.

Chers membres du Comité pontifical des sciences historiques!

Je suis heureux de vous accueillir au cours de votre assemblée plénière. Je remercie le président, le père Ardura, pour ses aimables paroles et je salue chacun de vous, reconnaissant pour votre généreux service au Saint-Siège. C'est une contribution précieuse aussi pour la manière dont vous la réalisez: en dialoguant et en collaborant avec des historiens et des institutions académiques, qui souhaitent étudier non seulement l'histoire de l'Eglise, mais plus largement l'histoire de l'humanité dans sa longue relation avec le christianisme long deux millénaires.

Il y a cent ans, le 6 février 1922, Pie xi , Pape bibliothécaire et diplomate, donnait à l'Eglise et à la société civile une orientation décisive par un signe certainement surprenant à l'époque. Immédiatement après l'élection, le Pape Ratti a voulu inaugurer son pontificat en se présentant sur la loggia extérieure de la basilique vaticane, plutôt que sur la loggia intérieure, comme l'avaient fait ses trois prédécesseurs. On dit qu'il a fallu près de 40 minutes pour ouvrir cette fenêtre, qui avait rouillé parce qu'elle n'avait jamais été utilisée. Par ce geste, Pie xi nous a invités à regarder le monde, à écouter et à servir la société de notre temps.

L'adhésion à la réalité solidement documentée reste indispensable à l'historien, sans échappées idéalistes vers un passé supposé consolateur. L'historien du christianisme doit être attentif à saisir la richesse des différentes réalités dans lesquelles, au cours des siècles, l'Evangile s'est incarné et continue de s'incarner, offrant des chefs-d'œuvre qui révèlent l'action féconde de l'Esprit Saint dans l'histoire. L'histoire de l'Eglise est un lieu de rencontre et de comparaison où se développe le dialogue entre Dieu et l'humanité; et ceux qui savent combiner la pensée avec le concret y sont prédisposés. On pense au grand historien Cesare Baronio: sur le devant de la hotte de cheminée, il a laissé cette inscription: Baronius coquus perpetuus. Savant d'une doctrine admirable et homme d'une grande vertu, il continua à se considérer comme le cuisinier de la communauté, tâche qui lui avait été confiée dans sa jeunesse par saint Filippo Neri. Il nétait pas rare que des personnages illustres, qui venaient le voir pour recevoir des conseils, le trouvent avec un tablier de travail, occupé à laver les bols (cf. A. Capecelatro, Vie de S. Filippo Neri, Naples 1879, vol. I, p. 416 ). Par conséquent, la théorie et la pratique — unies — conduisent à la vérité.

Votre Comité, voulu par le Vénérable Pie xii pour être au service du Pape, du Saint-Siège et des Eglises locales, est certainement tenu de promouvoir l'étude de l'histoire, indispensable au laboratoire de la paix, comme voie de dialogue et de recherche pour des solutions concrètes et pacifiques pour régler les différends et mieux connaître les peuples et les sociétés. J'espère que les historiens contribueront par leurs recherches, par leur analyse des dynamiques qui marquent les événements humains, à l'amorce courageuse de processus de confrontation dans l'histoire concrète des peuples et des Etats.

La situation actuelle en Europe de l'est ne vous permet pas, pour le moment, de rencontrer certains de vos interlocuteurs habituels lors des conférences qui, depuis des décennies, vous voient collaborer à la fois avec l'Académie russe des sciences à Moscou et avec des historiens du patriarcat orthodoxe de Moscou. Mais je suis sûr que vous saurez saisir les bonnes occasions de reprendre et d'intensifier ce travail commun, qui sera une contribution précieuse visant à promouvoir la paix.

Si l'histoire est souvent imprégnée d'événements de guerre, de conflits, l'étude de l'histoire me fait penser à l'ingénierie des ponts, qui rend possible des relations fructueuses entre les gens, entre croyants et non-croyants, entre chrétiens de différentes confessions. Votre expérience est pleine d'enseignements. Nous en avons besoin, car elle est porteuse de la mémoire historique nécessaire pour saisir l'enjeu d'histoire de l'Eglise et de l'humanité: celui d'offrir une ouverture vers la réconciliation des frères, la guérison des blessures, la réintégration des ennemis d'hier dans le concert des nations, comme ont su le faire les pères fondateurs de l'Europe unie après la Seconde Guerre mondiale.

Actuellement, votre comité est composé de membres de quatorze pays et de trois continents. Je me réjouis que cette diversité exprime une dynamique multiculturelle, internationale et pluridisciplinaire. Votre participation, en août prochain, au xxiii e congrès du Comité international des sciences historiques à Poznan, avec une table ronde sur le thème: «Le Saint-Siège et les révolutions des xix e et xx e siècles», sera une occasion supplémentaire de réaliser la mission qui vous est confiée, au service de la recherche de la vérité à travers la méthodologie propre aux sciences historiques.

Votre programme de conférences et d'édition, vos études historiques et historiographiques, ainsi que, pour la plupart d'entre vous, l'enseignement universitaire, constituent le champ d'activité dans lequel vous réalisez vos travaux. Je vous encourage à le poursuivre, toutefois dans le contexte et avec la méthodologie qui vous sont propres, toujours ouverts à l'horizon de l'histoire du salut. Cet horizon est comme l'atmosphère dans laquelle les affaires humaines, pour ainsi dire, «respirent», s'éclairent, révélant un sens plus large: celui qui vient du Christ, «qui est Seigneur de son Eglise et Seigneur de l'histoire humaine en vertu du mystère de la Rédemption» (Jean-Paul ii , Enc. Redemptor hominis, 4 mars 1979, n.22).

A vous et à vos proches, je donne cordialement ma Bénédiction. Et je vous demande, s'il vous plaît, de prier pour moi. Merci.