Une femme votera pour la première fois à l'assemblée synodale
L'année dernière, la nouvelle qu'une femme aurait voté pour la première fois à l'Assemblée des évêques fut publiée sur les pages de nombreux journaux. Sœur Nathalie Becquart, de la Congrégation des Xavières, nommée sous-secrétaire du Synode par François en février 2021, a en effet acquis un droit avec sa charge, qui n'était exercé que par des hommes jusqu'à aujourd'hui. «Je me sens comme le petit anneau d'une grande chaîne, dans laquelle se trouvent les femmes qui m'ont précédée, je pense aux mères conciliaires et à celles qui sont dans les Eglises locales, à mes consœurs, aux laïques, les femmes du peuple de Dieu. Je ne suis pas ici pour moi, je vis tout cela avec simplicité, mais avec un grand sens de l'histoire», a déclaré plusieurs fois Nathalie. Et certains des anneaux de la longue chaîne dont parle la religieuse ont été forgés dans l'immeuble situé sur le Lungotevere, place du Ponte Sant’Angelo à Rome, où l'Union internationale des supérieures générales (Uisg) a son siège. Il s'agit d'un réseau qui, depuis 1965, réunit les Congrégations féminines présentes dans le monde entier, proposant des parcours de formation, offrant des programmes, des rencontres et des publications pour soutenir l'activité de leadership.
Aujourd'hui, l’Uisg compte 1903 supérieures, qui représentent tout autant de Congrégations, présentes en Afrique (166), en Asie (184), en Europe (1046), aux Amériques (479), en Océanie (28). Sa structure s'est dessinée au cours des années, prévoyant une présidente avec un Comité de direction et une Secrétaire exécutive.
Les supérieures sont divisées en 36 groupes, appelés Constellations, présentes dans tous les continents, qui élisent les Déléguées. Celles-ci, avec les membres du Comité de direction, forment le Conseil des déléguées. La Uisg collabore avec des Conférences de religieuses, par exemple la Clar de l’Amérique latine et des Caraïbes, la Lcwr des Etats-Unis, la Conférence canadienne. Et elle a donné vie à des projets intercongrégationnels sur la paix, la justice, l'écologie, la solidarité et le changement social, en portant une attention particulière aux personnes les plus vulnérables. Comme le Catholic Care for Children (Ccc), dont l'objectif est de faire en sorte que les enfants puissent vivre au sein de familles saines et accueillantes; le Projet Migrants en Sicile, où des religieuses de différentes congrégations s'occupent de l'intégration et de l'accompagnement de ceux qui débarquent sur les côtes siciliennes; le projet Tutela pour fournir un soutien et une formation sur de nombreux aspects des abus (sexuel, spirituel et psychologique). Il y a ensuite la campagne Semer l'espérance pour la planète, inspirée par l'encyclique du Pape François Laudato Si’, et également Sœurs, l’advocacy mondiale. Et enfin, Talitha Kum, l’initiative internationale née en 2009, contre la traite des êtres humains et l'exploitation, organisée en 60 réseaux locaux dans presque 90 Pays.
Au cours des années l’Uisg a acquis son identité et sa crédibilité. Pour comprendre d'où elle est partie, il est intéressant de consulter l'ouvrage de sœur Grazia Loparco, Consacrées pour l'Eglise et le monde, qui, à travers les bulletins internes, reconstruit les 50 premières années de l’Uisg, de ses débuts à 2015. Une histoire qui montre comment, en quelques décennies, conscience et empowerment sont allés au même rythme. Les bulletins parlent des Comités créés pour approfondir des thèmes qui touchent les femmes consacrées et se mêlent à l'actualité: éducation, justice et paix, vocations, femme. On trouve ensuite beaucoup d'informations ayant trait à la formation et à l'étude. En effet, à la fin des années Soixante-dix, les supérieures réalisent qu'il faut combler certains vides théologiques, élaborer une pensée ne partant pas seulement de la pratique et de l'expérience, qui ne manque pas aux religieuses au niveau pastoral, mais également d'une formation sérieuse et qualifiée. En outre, des thèmes centraux dans la vie de l'Eglise, de l'inculturation aux nouveaux ministères, sont affrontés. Ensuite, au cours des années suivantes, apparaîtra le thème des abus et celui de l'’“immigration religieuse” de jeunes femmes, des novices, conduites en Occident pour soutenir des œuvres qui auraient dû être fermées. «L'histoire de l'Uisg apparaît comme la pointe d'un iceberg à la base duquel se trouve le vécu de centaines de milliers de femmes, un million pendant la première période post-conciliaire, différemment réparties dans les continents selon les périodes et les tendances de la croissance des présences et de leurs œuvres en faveur des personnes», écrit Grazia Loparco.
Les débuts remontent à 1951, lorsque Pie xii , dans l'intention de créer un conseil national de religieuses, convoqua une rencontre extraordinaire à laquelle participèrent les Supérieures générales qui avaient leur maison généralice à Rome. A partir de moment, elles continuèrent à se réunir régulièrement, finissant par créer l’Uisg, qui fut officiellement approuvée par le Concile Vatican ii au cours de la dernière journée de ses travaux, le 8 décembre 1965.
L'année 1970 marque une accélération. Cette année-là, écrit Grazia Loparco, la présidente, sœur Mary Linscott, est consultée pour un document sur la vie religieuse du cardinal Villot, Secrétaire d'Etat. En réalité, ce sont les religieuses qui demandèrent la rencontre, car seule l'Union des Supérieures générales avait été interpellée. L'invitation fut adressée à sœur Linscott de manière personnelle, en tant que présidente de la Uisg, mais la religieuse demanda que tout l'exécutif soit interpellé. «En très peu de temps, les supérieures générales concernées, dispersées dans le monde, se retrouvèrent à Rome au nombre de 23, étudiant les épreuves du document et préparant des observations critiques. En même temps que celles-ci, les supérieures envoyèrent une lettre au Pape avec la description de cette expérience et des éléments de croissance et d'espérance de renouveau de la vie religieuse. Evangelica Testificatio utilisa de nombreuses suggestions de l’Usg et de l'Uisg». Au dernier moment, la Uisg fut également invitée à participer au synode des évêques de 1971 et de 1974, dans les personnes de la présidente et de la vice-présidente. Au cours de ces années-là, il fallut aussi réussir à instaurer des relations avec les organismes représentatifs des religieux. «La consultation à propos des sessions plénières du Dicastère des religieux fut plus lente, car au début des années Soixante-dix on pensait encore que les religieuses n'y appartenaient pas», écrit Grazia Loparco. Ce n'est qu'en 1976 que les religieuses de l'Uisg peuvent participer aux Plénières et y prendre la parole.
Quant aux Synodes, il faudra attendre plus de 40 ans pour que la présence des religieuses, en nombre risible, commence à être remarquée. «Nous, les religieuses, qui représentons 80% de la vie religieuse, n'avons eu la possibilité d'envoyer que trois représentantes à ce synode et au synode précédent sur la famille», déclarait sœur Sally Hodgdon, alors vice-présidente de l'Uisg, immédiatement après le synode sur les jeunes, en 2018,
En vue de l'Assemblée sur l'Amazonie, cette religieuse américaine ajoutait: «Après avoir demandé officiellement à pouvoir être présentes, on nous répondu affirmativement ; mais on nous a imposé des critères obligatoires pour choisir les trois sœurs représentant l'Uisg. Les religieux, qui représentent à peine 20% de la vie religieuse, ont toujours dix membres qui les représentent. Ils ne doivent pas demander à venir et ne reçoivent aucun critère à respecter pour le choix de leurs membres». Les religieuses avaient alors écrit au Pape et les choses s'étaient légèrement améliorées pour l'Assemblée sur l'Amazonie: sur 55 auditeurs, 10 étaient des religieuses envoyées par l’Uisg. En 2018, un vif débat avait par ailleurs eu lieu autour d'une pétition, lancée par une dizaine d'organisations (dont Voices of Faith et Future Church), pour demander aux pères synodaux et au Pape, que les religieuses et les supérieures générales puissent voter au Synode, comme les religieux frères (qui ne sont pas prêtres).
Le synodes des évêques en cours, dont l'assemblée finale aura lieu en 2023, a pour thème la synodalité. L'Uisg participe à ce parcours, aussi bien à travers le thème de la plénière (une rencontre aura lieu à Rome du 2 au 6 mai) qu'à travers les contributions que l'Uisg et l'Usg enverront à la fin de la phase diocésaine.
Aujourd'hui, nous ne savons pas encore quelle sera la composition de cette Assemblée synodale, mais ce qui est certain est qu'il s'agira d'une première absolue avec sœur Nathalie Becquart.
Elle sera présente grâce à cette chaîne qui vient de loin et on peut penser qu'elle s'enrichira de nouveaux anneaux.
Vittoria Prisciandaro
Journalistes des Périodiques San Paolo «Credere» et «Jesus»