Le 24 février commençait l’agression russe à l’Ukraine

Un mois qui a duré un siècle

A mother covers her son as they lay on a ground after hearing shelling during Ukraine-Russia ...
29 mars 2022

Qu’est-ce qu’un mois dans l’existence d’un homme? Si la vie s’écoule de façon «ordinaire», c’est une période brève, un bout de chemin qui laisse difficilement des traces profondes sur notre parcours. Tout change si cette poignée de semaines est bouleversée par un événement qui déplace brusquement les rails sur lesquels court le train de l’histoire. C’est exactement ce qui est arrivé en ce mois qui nous sépare de la nuit entre le 23 et le 24 février dernier, quand les forces armées russes ont déclenché leur attaque contre l’Ukraine. Oui, un mois est un temps bref, mais ces mois chargés de douleur, de souffrance et d’angoisse, semblent avoir duré un siècle, parce qu’ils nous ont ramenés de façon dramatique à un siècle, le dernier, avec la perspective d’une nouvelle guerre froide, et même avec la peur d’une troisième guerre mondiale.

Il faut reconnaître que peu de personnes croyaient véritablement que Vladimir Poutine aurait donné l’ordre d’attaquer, tant il semblait absurde, fou — notamment pour les intérêts du peuple russe — de déclencher une guerre au cœur de l’Europe, qui plus est en une période historique où, à cause de la pandémie de covid-19, l’humanité a du mal à se remettre sur pieds. Il apparaît désormais évident que qui a voulu cette guerre insensée et injustifiée ne pensait pas trouver une opposition aussi obstinée du peuple ukrainien, que l’Europe, et d’autres, regardent avec admiration en raison de la force dont il fait preuve pour défendre sa liberté. Qui a ramené à nouveau l’horreur de la guerre sur le Vieux continent pensait probablement qu’en quelques jours, la «question» aurait été réglée. Ignorant ainsi, une fois de plus, la leçon de l’histoire qui nous rappelle de façon tragique — même pour ce que l’on appelle les super-puissances — qu’une fois la guerre commencée, on ne sait jamais quand (et comment) elle finira. La seule certitude est que la vie des personnes est bouleversée pour toujours.

«Celui qui fait la guerre oublie l’humanité, ne regarde pas la vie concrète des personnes», a affirmé le Pape François dans l’un de ses nombreux appels pressants contre ce conflit faussement présenté comme «une opération militaire spéciale». C’est véritablement le cas. Dans la perspective de qui fait la guerre, Kiev, Marioupol, Kharkiv ne sont que des objectifs à atteindre, des pièces d’un puzzle à composer pour obtenir la «victoire finale». Mais ce n’est pas Risiko, ce n’est pas un jeu vidéo. Des gens sont vraiment morts au cours de ce mois qui a changé l’histoire et d’autres continuent de mourir chaque jour, et même chaque heure, dans ces villes martyres de l’Ukraine. La vie concrète des personnes, la vie des personnes, la vie des familles, des pères, des mères, de leurs enfants, a été bouleversée pour toujours. Les images qui parviennent chaque jour d’Ukraine — et une fois de plus, à travers les paroles du Pape, nous devons remercier les journalistes qui nous permettent «d’être proches du drame de cette population» — nous montrent la cruauté de la guerre dans toute son horreur. Et absurdité. Rien ni personne n’est épargné.

Qu’y a-t-il de plus terrible qu’une mère enceinte qui meurt avec son enfant dans son ventre, sous les bombardements? «Tout cela est inhumain! C’est même un sacrilège — a averti le Pape à travers des paroles qui doivent secouer les consciences de tous, en particulier des croyants — parce que cela va à l’encontre de la sacralité de la vie humaine sans défense». Chaque jour supplémentaire de guerre est un échec pour l’humanité, en Ukraine comme au Yémen, en Syrie comme en Somalie et dans toute autre région de la planète où les gens souffrent à cause de cette abomination. Un échec auquel le Pape François — à travers les paroles, les gestes mais surtout à travers la prière — nous demande de ne pas nous habituer, en nous encourageant à édifier, avec patience et courage, un avenir de paix et d’espérance. (alessandro gisotti)

Alessandro Gisotti